Le démon sous les projecteurs : L’exorcisme, fiction ou réalité ?


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Le démon sous les projecteurs : L’exorcisme, fiction ou réalité ?
Par La rédaction
Publié le - Modifié le
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En 1973 sortait L’Exorciste, devenu un grand classique des films d’horreur. Pour célébrer son
50e anniversaire, le réalisateur David Gordon Green a tourné une suite, L’Exorciste – Dévotion, qui sort dans les salles ce 11 octobre. A cette occasion, Dimanche revient sur la pratique de l’exorcisme, qui fascine autant qu’elle est méconnue.

© Adobe Stock

"Il guérit de nombreux malades souffrant de maux de toutes sortes et il chassa de nombreux démons" (Mc 1, 34). Ce verset, parmi d’autres, relate deux des activités principales de Jésus au cours de sa vie publique: il guérissait les malades et chassait les démons. Depuis la critique moderne, la croyance en l’existence de forces spirituelles obscures est très souvent assimilée à de la superstition. Du moins en Occident, y compris au sein des Eglises chrétiennes.

Cette croyance fait pourtant partie de la foi et de la vision du monde d’Israël d’abord, des premiers chrétiens ensuite. L’Ancien comme le Nouveau Testament fait souvent allusion aux démons, comme certains textes apocryphes. Au prince des démons, on attribue même des noms: Satan, Lucifer, Belzébul… Par la suite, la tradition de l’Eglise va développer, par bribes, une théologie de la réalité démonique.

"Je crois en un seul Dieu, créateur du Ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible." Ainsi commence le Credo de Nicée-Constantinople. A côté de l’univers matériel, Dieu a également suscité un monde et des entités spirituelles, couramment appelés les anges. Or, un certain nombre d’entre eux se serait rebellé contre Dieu, entraînant l’humanité au mal et une rupture dans l’harmonie cosmique.

Vaincues par l’amour de Dieu, manifesté dans la mort et la résurrection du Christ, les forces obscures continuent cependant d’exercer leur influence néfaste au long de l’histoire humaine, comme le relate notamment l’Apocalypse. Face à l’action de ces entités spirituelles, l’Eglise, depuis ses origines, a développé des armes, elles aussi spirituelles: la prière, le jeûne, les actes d’amour, les sacrements, ou encore: l’exorcisme.

L'exorcisme : Une mine inépuisable de fantasmes

L’Exorciste, Le Rite, Conjuring, L’Exorciste du Vatican… Depuis 1973, Satan et les anges déchus inspirent des films brouillant de plus en plus la frontière entre la fiction et le réel. Mais alors que leur scénario s’avère être une sempiternelle copie de films précédents, pourquoi ces histoires de possession rencontrent-elles un tel succès? Pour Frank Pierobon (photo), philosophe et dramaturge français, cela s’explique d’abord par la violence. "Vous enlevez la violence, il n’y a plus de film", souligne-t-il d’emblée. "L’horrible, c’est ce qui plaît le plus dans l’audiovisuel."

Un monde "magique"

Et selon le titulaire du cours ‘Culture et religions’ à l’IHECS, cette demande du spectateur n’est que le reflet du monde dans lequel on vit. "Un monde certes déspiritualisé, mais ô combien magique. Par ‘magique’ je veux parler d’un monde où, même au sein des civilisations les plus avancées, se produisent des phénomènes de haine sociale (agressions, viols, tabassages, génocides…) qui dépassent l’entendement et qu’on ne peut ressentir que comme un effet ‘magique’. Dans notre monde magique, le diable apparaît comme l’évidence même de cette force démoniaque et destructrice qui se manifeste par la violence. Cette attestation évidente fait qu’on croira beaucoup plus facilement au diable qu’à un Dieu de bonté." Dans les films, ce "super-vilain", diable ou démon, semble incarner la toute-puissance, alors que le prêtre exorciste est lui dépeint comme vulnérable, assailli de dilemmes et de moments de doutes et d’impuissance. Fort heureusement, il parvient quasi systématiquement à vaincre le méchant. "Et peu importe comment s’effectue le dénouement, dont on se fout éperdument", s’amuse notre philosophe: "Ce qu’on veut voir, c’est le bien triompher!"

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Fais-moi peur!

© Brigitte Grignet

Frank Pierobon estime que le prix du spectacle, la valeur que lui accorde le spectateur, ne se situe qu’au niveau de l’injonction "Fais-moi peur!" Pour y parvenir, les productions se dotent de technologies hallucinatoires et d’effets spéciaux de plus en plus pointus, rendant hyperréalistes les déformations de traits, les scènes de lévitation ainsi que les inévitables spasmes des personnes possédées. "Ces films, censés n’être à la base que des simulacres, des fictions, deviennent aujourd’hui des concurrents sérieux et convaincants à la réalité", prévient notre expert. "Ils deviennent un moyen efficace d’illustrer la surréalité et la surnaturalité." Ce qui le pousse à dire qu’"un film sur l’exorcisme est un exorcisme en soi". "On vous fait approcher le monstre de près jusqu’à susciter l’horreur démentielle." Si, à la différence de la victime possédée, le spectateur peut, lui, à tout moment reprendre le contrôle de la situation, la peur induite par le sentiment d’horreur à l’écran l’empêche également de réfléchir. "Or, le passage d’un état initial de peur au point de ne plus savoir réfléchir à un dénouement qui consiste à réfléchir au point qu’on n’a plus peur, ça, ça s’appelle un exorcisme", conclut-il.

Christophe HERINCKX et Clément LALOYAUX

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