Catéchèse, théâtre, burlesque. Trois mots qui, mis ensemble, semblent incompatibles pour beaucoup. Pourtant depuis de nombreuses années, Luc Aerens (diacre, comédien, professeur émérite de théâtre religieux et de pédagogie pastorale) s’attache à démontrer le contraire. Il nous explique pourquoi.
La Compagnie de théâtre religieux burlesque CatéCado (1) offre au public sa dernière création: une pièce de théâtre qui se révèle être une véritable catéchèse consacrée cette fois à Joseph, l’époux de Marie et le papa nourricier de Jésus. Son titre: Joseph, cœur de P(p)ère.
C’est effectivement par le langage théâtral que les plus jeunes comme les adultes pourront découvrir et approfondir la connaissance de ce personnage, saint Joseph, trop peu cité, trop peu connu, trop peu joué (au cinéma et au théâtre). Et à travers la figure de Joseph, se rapprocher du Christ et de Marie.
Le burlesque dans l’espace religieux
Mais une question se pose: la personne de saint Joseph peut-elle être présentée de manière burlesque? Beaucoup de personnes formulent de fortes réticences à voir associer les termes "religieux" et "burlesque". Car ils imaginent que ce dernier terme ne peut que recouvrir ce qui est moqueur, superficiel, vulgaire, sarcastique, outrancier… Alors qu’en fait, le burlesque est un langage qui peut traiter et analyser toutes les valeurs et situations humaines et sociétales.
Le langage burlesque est fait de la rencontre entre une réalité (fait, personne, valeur…) et une manière d’aborder cette réalité de façon décalée, et généralement avec la profondeur de l’humour. Et les évangiles sont remplis, si on y réfléchit bien, de situations de ce type.
Quoi de plus surprenant que le Seigneur Dieu qui choisit de rejoindre l’humanité… en s’incarnant dans un petit bébé totalement dépendant, naissant dans une étable, dans un petit village d’une province du bout de la Méditerranée soumise à l’occupation romaine? (Lc 2,1-14)
Quoi de plus extravagant qu’un homme petit de taille qui court comme un gamin pour voir passer Jésus et qui grimpe dans un arbre? (Lc 19,1-19)
Quoi de plus drôle que les amis d’un homme paralysé qui, pour lui permettre de rencontrer Jésus, ne vont pas hésiter à le hisser sur un toit et de percer celui-ci pour le descendre dans la maison au nez et à la barbe de ceux qui avaient fait obstacle à leur demande. (Mc 2,1-12)
Quoi de plus décalé que cette parabole des ouvriers qui n’ont travaillé qu’une heure et qui touchent le même salaire que ceux qui ont travaillé toute la journée? (Mt 20,1-16)
On pourrait citer une multitude d’autres exemples, tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament.
Déjà au Moyen Age!
L’art burlesque était également omniprésent dans le théâtre religieux au Moyen Age. D’abord joué par le clergé lui-même au cœur des églises, puis progressivement proposé aux fidèles sur les parvis, avec l’aide de comédiens non clercs. L’apparition brusque de démons effrayants, puis d’anges pacificateurs accompagnait des épisodes bibliques et de la vie courante joués sur diverses scènes construites devant les églises, cathédrales et monastères. L’humour, le décalé et l’extravagant de la mise en scène, des costumes, des masques, des grimaces, du jeu des acteurs… permettaient au public de s’approprier et de communier aux Mystères (représentations théâtrales de passages bibliques) et aux Miracles (représentations théâtrales de vie de saint(e)s) qui étaient proposés pour la progression de leur foi chrétienne. Le public riait beaucoup, était souvent ému et parfois apeuré.
Joseph, un personnage burlesque?
Revenons à saint Joseph. Le personnage n’a, en soi, rien de burlesque sinon cependant qu’il apparaît dans les Ecritures à une place centrale, avec Marie, à un moment totalement décalé, celui de l’irruption du Fils de Dieu au sein de l’humanité dans une pauvreté extrême et un anonymat total. La scène est surréaliste, extravagante: Dieu, l’Eternel, le Tout Puissant, le Créateur de tout ce qui existe, se fait petit enfant, totalement dépendant de sa famille humaine et de son peuple, il naît dans un coin perdu d’une contrée écrasée par des potentats et, de surcroît, il devient un mortel. Voilà qui est surprenant et qui montre l’humilité et l’amour de Dieu. La conjonction de ces deux mots (humilité et amour) forment le mot ‘humour’ écrira l’évêque (mais aussi clown!) Mgr Yves Patenôtre (2).
La pièce Joseph, cœur de P(p)ère est cependant un spectacle totalement burlesque du fait que ce sont quatre clowns qui, avec une justesse théologique et un respect absolu des Ecritures, vont découvrir sur scène et commenter les passages des évangiles où Joseph apparaît. La mise en scène, les dialogues, la gestion de divers objets, permettent au public de s’approprier ces passages bibliques et leur actualisation, grâce à une présentation burlesque, vivante, profonde et joyeuse tout à la fois, comme dans le théâtre religieux médiéval.
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(1) La Compagnie CatéCado été fondée à Bruxelles en 1998.
(2) Mgr Yves Patenôtre, Archevêque émérite de Sens-Auxerre, a également été clown et il a écrit des textes magnifiques et d’une rare profondeur spirituelle et théologique concernant la posture christique du clown Auguste (le clown au nez rouge) et la spiritualité du clown en particulier et des arts burlesques en général.
Joseph, coeur de P(p)ère
- Mercredis 13 et 20 septembre à 9h et 10h30, à l’école Saint-Joseph (1420 Braine l’Alleud)
- Samedi 7 octobre à 9h30, à l’Institut des Dames de Marie (1210 St-Josse)
Autres représentations prévues (dates à déterminer): Ecole Sainte-Famille (1170 Boitsfort), Institut Saint-André (1050 Ixelles) et église Saint-Etienne (4280 Avin-en-Hesbaye)
Pour toute demande: lucaerens65@gmail.com