Gisèle et Hussam Ghoniem, avec leur fils Elisios, refugiés syriens, ont été accueillis l’année passée par la communauté de Cour-sur-Heure et des membres de l’UP Sambre et Heure.
Cette famille a vécu dans la maison de l’abbé Jean-Marie Georgery à Mont-Saint-Geneviève (Lobbes) pendant six mois avant de déménager dans un appartement de La Louvière. Elle est arrivée en Belgique le 21 janvier 2023 dans le cadre du projet ‘Couloir Humanitaire’ géré par la communauté de Sant’Egidio et soutenu activement par les évêques belges ainsi que tous les cultes reconnus et le gouvernement belge.
Un « couloir humanitaire » est une voie d'entrée sûre et légale qui permet à des réfugiés vulnérables de se rendre en lieu sûr comme n’importe quel voyageur au lieu de devoir tenter un périple extrêmement dangereux et de se soumettre à la merci de trafiquants d’êtres humains. De plus, ces réfugiés ont la certitude, une fois arrivés en Belgique, d’obtenir le statut de réfugiés et de s’intégrer pleinement dans notre pays. Mais pour que ce projet fonctionne, il nécessite de groupes locaux qui s’engagent à accueillir les réfugiés. Ce qui s’est passé à Mont-Saint-Geneviève.
Nous les avons rencontrés dans leur nouvel appartement à La Louvière, ainsi qu’un des membres du groupe d’accueil, Béatrice, pour écouter leur expérience et mieux comprendre leur vécu.
Le Liban
Gisèle est née en Syrie il y a 35 ans mais a habité la plupart de sa vie au Liban. Elle est diplômée en gestion d’entreprises et, après avoir travaillé un peu dans le domaine touristique, elle a dû quitter son job en raison de la guerre au Liban et devenir assistante diététicienne dans un grand hôpital de Beyrouth. Quant à Hussam, il travaillait comme ingénieur du son en Syrie avant de quitter son pays quand la guerre a commencé en 2012. Heureusement il a trouvé rapidement du travail à Beyrouth dans la chaine de télévision catholique libanaise, Télé-Lumière. Gisèle et Hussam se sont rencontrés au Liban, ont commencé à se fréquenter, se sont mariés en 2016 et leur fils Elisios est né un an après.
« Nous vivions dans un petit appartement à Beyrouth – raconte Gisèle – mais celui-ci a été gravement endommagé dans l’explosion du port en août 2020. Nous nous sommes retrouvés sans logement. De plus notre fils Elisios avait été diagnostiqué autiste et nous ne trouvions pas une école adaptée à ses besoins. Sa scolarité s’en ressentait beaucoup. Cela, et la perte de notre logement, nous a jetés dans le désespoir ».
Le chemin de l'exil
Hussam se rappelle avec gratitude du Père Michel, président de Caritas Liban, qui les a mis en contact avec la responsable de la Communauté de Sant’Egidio à Beyrouth. « Contre toute espérance – raconte-t-il – la communauté nous a acceptés dans le cadre du ‘couloir humanitaire’. Il a fallu un an pour régler les papiers. Juste avant de partir des employés de FEDASIL nous ont expliqué, pendant trois jours, comment les choses allaient se passer à notre arrivée en Belgique et à ce que nous nous devions attendre ».
« Nous étions contents de partir – enchaine Gisèle – car nous voulions recommencer une nouvelle vie et avoir un avenir dans un pays en paix, et non pas en guerre, surtout pour notre fils. Mais nous avions beaucoup d’inquiétudes, d’appréhensions, d’interrogations et de peurs. Nous avions confiance que Dieu était avec nous. Ces peurs ont été vite balayées par l’accueil chaleureux que nous avons trouvé à l’aéroport de Bruxelles. Nous nous sommes tout de suite sentis accueillis et aimés par Isabelle et Gérard, les deux représentants du groupe engagé. Après un court voyage en voiture, le Père Jean-Marie nous a ouvert ses portes avec joie. Les autres membres du groupe étaient là. Ils nous avaient préparé un bon repas convivial qui nous a réchauffé le cœur. J’ai senti tout de suite que c’était un groupe soudé et chaleureux. Ils ne nous ont pas laissés seuls un seul jour. Ils sont devenus notre deuxième famille ».
Béatrice se rappelle bien cette soirée : « Nous avons tout de suite senti que Gisèle et Hussam étaient des battants et qu’ils voulaient vraiment réussir leur nouvelle vie. Le fait que Gisèle parlait déjà assez bien le français a beaucoup aidé, ainsi que leur foi chrétienne, mais c’est surtout leur volonté de réussir leur intégration qui nous a confortés dans le bien-fondé de notre appui ».
Bien entourés
Dans les jours qui ont suivi, tout le groupe (une vingtaine de personnes, certaines plus directement engagées, d’autres en deuxième ligne pour le support financier) s’est déployé pour soutenir la famille Ghoniem dans les démarches administratives et de santé et dans la recherche d’un soutien scolaire adapté pour Elisios.
« Sans ce suivi rapproché de personnes connaissant bien la région, leur intégration aurait été beaucoup plus difficile – nous dit Béatrice. Au début c’était très compliqué mais petit à petit nous avons trouvé notre rythme. Chaque membre du groupe a pu utiliser ses compétences spécifiques. Par exemple mon expérience de laborantine médicale et d’accompagnement d’enfants handicapés m’a servi dans la prise des rendez-vous médicaux pour Elisios. Il avait besoin d’un accompagnement spécifique et au début nous avons eu la chance que la directrice de l’école du village l’ait accepté provisoirement et lui ait donné beaucoup de temps et d’attention. Maintenant il suit sa scolarité dans une école spécialisée à La Louvière. Moi-même et une autre bénévole, Isabelle, avions déjà eu de l’expérience dans l’accueil de réfugiés et cela a beaucoup aidé à relativiser les frustrations et trouver des alternatives. Ce sont surtout les fonctionnaires de la commune qui ont été les plus difficiles mais finalement les papiers sont arrivés. Après il a fallu trouver un appartement pour les Ghoniem. C’est qui a marché c’est le bouche-à-oreille car il est presque impossible de trouver un propriétaire prêt à louer à des réfugiés, même s’ils sont en règle et s’ils reçoivent le revenu d’intégration sociale (RIS). Et puis Caritas Hainaut nous a aidés avec l’achat de meubles et cela a été beaucoup apprécié par le groupe car l’effort financier fourni avait été déjà très conséquent ».
« Vous êtes nos parents »
La famille Ghoniem est maintenant financièrement indépendante. Gisèle a trouvé un travail à la commune de La Louvière dans le service d’accompagnement aux étrangers. Hussam est en train de terminer ses cours de langue française et espère trouver après un poste de travail où il pourra utiliser ses compétences d’ingénieur du son.
« Vous êtes devenus nos parents – s’exclament Gisèle et Hussam envers les membres du groupe paroissial qui les a soutenus. Grace à vous nous avons maintenant un avenir paisible et Elisios un environnement propice à son développement. Maintenant il communique, il est en relation, il est content. Nous le voyons grandir avec plus d’assurance et de joie. Nous sommes aussi reconnaissants à la Belgique qui nous a ouvert ses portes et accueillis. Et nous ferons tout pour mériter cet accueil en donnant nos capacités et notre travail pour le bien de notre communauté. Dans la vie, il y a des décisions difficiles à prendre mais cela vaut la peine de se lancer dans l’aventure. »
« Tous les membres du groupe ont bien compris le parcours du combattant d’un réfugié, souligne Béatrice. Nous restons toujours en contact avec les Ghoniem. Ce fut une expérience riche en relations humaines et cela nous a permis de mettre mieux en pratique notre foi et notre solidarité. C’est vrai : il nous a fallu beaucoup d’énergie, de temps et de l’argent pour les accompagner mais nous ne le regrettons pas car cela valait vraiment la peine. Nous restons en admiration devant le courage et la force de volonté de Gisèle et d’Hussam. Parfois il fallait même freiner Gisèle qui n’arrivait pas à comprendre certains comportements et voulait foncer coûte que coûte. »
« Nous espérons que d’autres groupes paroissiaux seront tentés par cette belle expérience, conclut Béatrice. Le projet ‘couloir humanitaire’ est important car il permet à ces réfugiés comme Gisèle et Hussam d’arriver sains et saufs dans une terre d’asile ».
Propos recueillis par Angelo Simonazzi
Si vous êtes intéressé à ce beau projet, contactez le coordinateur diocésain des solidarités et secrétaire de Caritas Hainaut, Angelo Simonazzi : admin@caritas-hainaut.be, GSM +32 479 51 24 96.
Au total, Sant’Egidio et ses partenaires ont déjà pu accompagner plus de 6 000 réfugiés vulnérables vers l’Europe depuis 2016 –principalement vers l’Italie et la France, et la Belgique. Dans le diocèse de Tournai l’année passée et cette année, un total de 4 familles syriennes ont été accueillies, trois dans l’UP de Lessines et une dans l’UP Sambre-et-Heure. C’est déjà un bon résultat, mais on a besoin d’autres groupes.