Que font les juifs pendant chabbath? Pourquoi observent-ils cette tradition? Que représente-t-elle? Réponses avec le Grand Rabbin Albert Guigui.

Le chabbath n’est pas un jour de repos mais de libération
Chabbath signifie « cesser ». J’observe le chabbath veut dire : « J’observe le jour de cessation». Respecter chabbath ne signifie pas seulement se reposer. Le chabbath n’est pas l’équivalent du dimanche. Quand nous nous interdisons de tourner un bouton pour obtenir la lumière, ce n’est pas parce que nous nous fatiguons. Nous voulons ainsi nous interdire toute relation avec l’objet. Nous voulons nous libérer du monde qui, pendant toute la semaine, nous domine.
Pendant les six jours de la semaine, l’objet nous accapare. Le septième jour, nous nous en libérons. En refusant d’allumer la télévision ou de répondre au téléphone qui sonne, on coupe avec l’engrenage dans lequel on est projeté au cours de toute la semaine. Ainsi, on récupère sa liberté vis-à-vis de l’objet.
Le chabbath permet de briser le cycle de la production
Dans ce monde où l’homme est dominé par la machine, dans ce monde où l’existence devient une succession de jours monotones, où la vie familiale est reléguée au second plan, le chabbath est un arrêt. En ce jour, l’homme doit pouvoir dire « assez », tout comme Dieu a dit « assez ». Pris dans le cycle de la production, l’homme pourrait aisément succomber à la tentation de la croissance illimitée. Dès lors, il se croit puissant et riche parce qu’il produit beaucoup. Pourtant, ce n’est plus lui qui domine le monde, il en devient l‘esclave et son pouvoir se retourne contre lui-même.
Renouer avec une vie familiale harmonieuse
Ainsi donc, le chabbath est un arrêt ; c’est le passage à une dimension nouvelle, celle du repos et de la réflexion. C’est une étincelle d’espoir dans ce monde qui nous subjugue. Il est une parcelle d’éternité, une fontaine, une source d’amour et de paix. Il libère l’homme de tous les soucis quotidiens pour le plonger dans une vie familiale harmonieuse et délicate. Les soucis, comme par enchantement, disparaissent pour laisser la place à une vie douce et paisible. Le jeûne, le deuil, les moindres signes de tristesse sont prohibés.

Si l’on rend visite au malade, on lui dit : « C’est chabbath aujourd’hui, il ne faut pas te plaindre, la guérison est proche » (Chabbath 12). Il faut s’abstenir de tout effort, de toute tension. En se libérant ainsi de tous les facteurs matériels et de toutes les préoccupations, l’homme, non seulement, acquiert sa vraie liberté, mais il apprend à surmonter les difficultés et à vivre noblement.
Tout part du chabbath
Le chabbath n’est pas un jour d’inactivité et de chômage. Le travail des six jours de la semaine et le repos du septième jour sont intimement liés. Le chabbath est l’inspirateur des autres jours. Il représente le résultat tangible des efforts de l’homme, apporte à l’homme libéré l’apaisement après la tension. Il est non seulement l’âme de la création mais aussi l’âme du travail fourni au cours de la semaine.
Le pur et silencieux repos du chabbath nous mène vers un royaume de paix infinie, au seuil de l’éternité
Abraham Heschel
Les jours de la semaine n’ont pas de noms propres, observe Na’hmanides[1]. Ils sont en effet désignés par une numérotation dont le point de départ est le chabbath. Ils se réclament tous du chabbath. Sans le chabbath, ils n’auraient pas eu leur existence propre.
Le chabbath comme chemin vers un royaume de paix
Abraham Heschel[2], qui a bien compris l’importance du chabbath, écrit dans son ouvrage Les Bâtisseurs du temps : « Même si notre âme est angoissée, même si nos gorges serrées ne laissent s’élever aucune prière, le pur et silencieux repos du chabbath nous mène vers un royaume de paix infinie, au seuil de l’éternité. Il est peu d’idées au monde chargées d’autant de force spirituelle que l’idée du chabbath. Dans bien des siècles, lorsque de toutes nos théories ne subsisteront même plus les traces, la splendeur du chabbath illuminera encore l’Univers. »
Sophie DELHALLE en collaboration avec le Grand Rabbin Albert Guigui
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[1](1194-1270) Autorité rabbinique de premier plan, commentateur biblique, talmudiste et dirigeant de Communauté. Halakhiste, son autorité fut unanimement reconnue par les rabbins espagnols des générations ultérieures : ils le nommaient simplement : Rabbi. En 1263, un converti au christianisme, Pablo Christiani, le défia, au cours d’une dispute publique, de défendre la vérité du judaïsme contre le christianisme. La dispute eut lieu à Barcelone et dura plus de quatre jours en présence du roi, de sa cour et de nombreux dignitaires ecclésiastiques. Sa victoire lui attira cependant l’hostilité des Dominicains qui le forcèrent à s’exiler. Le texte de cette dispute a été publié en français : La dispute de Barcelone, Lagrasse, 1984.
[2] (1907-1972). Né en Pologne au sein d’une lignée de rabbins hassidiques, il reçut une éducation talmudique très poussée, complétée par une excellente connaissance du hassidisme et de la kabbale. Les travaux de Heschel couvrent pratiquement tous les domaines de la pensée juive classique.