Comment les juifs lisent-ils la Torah? Que contient-elle? Qui peut la lire et en quelles circonstances? Tout ce que vous avez toujours voulu savoir !

La Torah, un guide de vie religieuse et morale
Le mot Torah signifie : « enseignement, doctrine ». La Torah est composée de cinq livres : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome. Elle débute par le récit des origines du monde et embrasse la période des patriarches Abraham, Isaac, Jacob et Moïse. On y trouve donc les préceptes, les lois et les commandements qui furent donnés au peuple d’Israël par Dieu. Selon le judaïsme, la Torah contient les vérités fondamentales sur Dieu et sur l’homme. Elle constitue un guide de vie religieuse et morale pour l’individu et le peuple juifs. Révélée par Dieu à Moïse sur le mont Sinaï, la Torah est le garant de l’unité et de la pérennité du peuple.
La colonne vertébrale de la civilisation occidentale
Pour le Grand Rabbin Guigui, la Torah est le livre qui a le plus influencé l’histoire de l’humanité. Chrétiens et Juifs le considèrent comme le texte religieux fondamental. Beaucoup de ses idées-forces ont en effet façonné la manière d’être des hommes et des femmes. On pourrait même affirmer que la Torah a autant d’influence sur les religieux que sur les non-religieux. Le principe en vertu duquel les êtres humains sont responsables les uns des autres est illustré par la célèbre question de Caïn : « Suis-je, moi, le gardien de mon frère?» (Gn, III, 10). Ce principe constitue la colonne vertébrale de la civilisation occidentale.
La Torah est un arbre de vie pour qui le saisit.
Lire la Torah pour se rapprocher de Dieu
La Torah, est pour le Juif, le moyen de prendre conscience de la présence agissante du Dieu unique, dans l’univers et l’histoire. La lire, la scruter, c’est donc se mettre à l’écoute de Dieu. C’est également agir selon les principes divins. Pour le Grand Rabbin de Bruxelles, « Lire la Bible, c’est s’inscrire dans le cadre de la rencontre éternelle entre Dieu et le peuple d’Israël dans toutes les vicissitudes de son histoire. C’est ressentir la chaleureuse présence de vie, infiniment proche de nous. Lire la Bible, c’est découvrir les problèmes essentiels de la vie et de la mort, du bien et du mal, du doute et de l’espoir, de la souffrance et de la rédemption« .
Pour toutes ces raisons, la Torah est, selon la formule de la liturgie juive, « un arbre de vie pour qui le saisit».
👉 Lire aussi notre série « Aux sources du judaïsme »:
Aux sources du judaïsme (1/3) : l’étoile de David
Aux sources du judaïsme (2/3): la Kippa
Aux sources du judaïsme (3/3): la Mezouza

Ce que vous avez toujours voulu savoir … sans oser le demander!
Nous avons posé quelques questions au Grand Rabbin Guigui sur la pratique de la lecture de la Torah.
🔎 Qui a le droit de lire la Torah à la synagogue ?
Dans l’absolu, tout homme juif âgé de 13 ans et plus peut lire la Torah à la Synagogue. Mais, en réalité, ne lisent la Torah que les personnes qui ont la connaissance requise des textes bibliques et qui savent lire correctement.
Il est de tradition d’appeler le jeune Bar Mitsva à la Torah le Chabbath qui suit son treizième anniversaire. Le jeune garçon lit la dernière partie de la section chabbatique ainsi que la Haftara (texte extrait des prophètes en relation avec la section chabbatique). Le but de ces lectures est de donner au jeune Bar Mitsva la sensation que, désormais, il fait partie du groupe des adultes et qu’il est leur égal en droits et en devoirs.
🔎 Pourquoi utilise-t-on un « stylet » pour lire la Torah?
Le Yad est un index utilisé pour suivre les lignes pendant la lecture du Sefer Torah. Le contact direct des mains sur le parchemin du rouleau de la Torah est interdit de crainte de le souiller et de le rendre impur. C’est ainsi que fut instaurée la coutume d’attacher un index par une chaîne au rouleau de la Torah. Le Baal Koré (ministre officiant qui lit la Torah) tient souvent un Yad (main) qu’il fait glisser au-dessous des mots à mesure qu’il les lit. Chaque fidèle a l’obligation d’écouter attentivement chaque mot. Le Yad comme objet cultuel, est mentionné pour la première fois en 1570. Dans les communautés séfarades, il est aussi de coutume de suivre le texte avec les franges du châle de prière. Avec le temps, le Yad est devenu un objet d’ornements artistiques. Les index peuvent être incrustés de pierres semi-précieuses. Des inscriptions, parfois dédiées au donateur, peuvent y être gravées. D’autres portent un verset approprié à la lecture de la Torah.
🔎 La connaissance de l’hébreu est-elle obligatoire pour tout juif?
La connaissance de l’hébreu est souhaitable voire indispensable pour tout juif. Elle lui permet de lire les textes liturgiques en hébreu mais surtout de comprendre ce qu’il lit. Comment peut-on pénétrer le sens des textes religieux si nous ne pouvons pas les lire dans l’original ?
🔎 Existe-t-il néanmoins des traductions officielles ?
Il existe plusieurs traductions notamment celle de Zadoc Cahn ou d’André Chouraqui.
🔎 Est-il admis de lire, par exemple dans le cadre familial, la Torah traduite (en français par exemple) ?
Bien sûr qu’il est admis de lire dans le cadre familial la Torah traduite. Il est surtout conseillé d’étudier le texte biblique à la lumière des commentaires qui sont à disposition. C’est ainsi qu’on se familiarise avec le texte et surtout qu’on apprend à l’approfondir.
Il est impossible de se contenter de la lecture du texte biblique sans se référer aux commentaires traditionnels qui éclairent le texte et l’explicitent car certains versets sont parfois difficiles à comprendre tels quels.
🔎 Comment s’effectue la lecture de la Torah au cours de l’année ? Lit-on les mêmes passages aux fêtes rituelles ?
La Torah est lue durant l’office du matin des lundis, jeudis et Chabbath, ainsi que celui des grandes et petites fêtes, ainsi que des jeûnes.
La Torah est divisée en 54 Sidroth (Sections) ; on en lit une section chaque Chabbath. Le but est de finir la lecture de la Torah en une année. Le jour de Simhath Torah (Joie de la Torah), on termine la lecture de la Torah et on recommence immédiatement. Ainsi, il ne doit pas y avoir de coupure entre le début et la fin de la Torah.
En semaine, on appelle à la Torah trois fidèles, l’un après l’autre. Le Chabbath, on appelle sept fidèles.
A l’issue de la lecture de la Torah le jour du Chabbath, le dernier fidèle appelé à lire la Torah, lit également la Haftara (extrait de texte des Prophètes en relation avec la texte lu dans la Torah).
Durant les fêtes, nous lisons les passages bibliques qui se rapportent à la célébration des dites fêtes.
🔎 Y a-t-il un ordre prédéfini, comme cela se fait avec le missel chez les chrétiens, pour les célébrations hebdomadaires ?
Bien sûr. Il y a un ordre bien défini pour chaque Chabbath et chaque fête. Généralement, la lecture de la Torah est terminée par la lecture d’un passage des livres de prophètes. Le passage choisi est désigné par le nom de Haftara (achèvement). L’habitude de terminer la lecture de la Torah avec celle d’un passage de l’un des livres des Prophètes, est mentionnée dans la Michna. La Haftara ressemble par son sujet, à la lecture de la Torah du jour. La Haftara se lit le Chabbath et les jours de fête à l’office du matin.
Propos recueillis par Sophie DELHALLE