Si l’on ne nait pas juif, peut-on le devenir ? est-il possible de se convertir au judaïsme ? comment ? Eclairage avec le Grand Rabbin de Bruxelles Albert Guigui.

Dans le Talmud, on discerne, à première vue, deux courants opposés, l’un favorable aux conversions, l’autre qui les réprouve.
Entre accueil et méfiance
L’élection d’Israël n’est pas une exclusivité. La voie menant vers Dieu est ouverte à tous. En effet, l’élévation spirituelle ne dépend que de la volonté de tout un chacun.
« Quiconque amène un païen à la connaissance de Dieu sera considéré comme s’il l’avait créé. »
« Israël n’a été exilé que pour qu’il s’accroisse par les prosélytes. »
Ces citations comme bien d’autres, témoignent de l’approche positive que le judaïsme adopte vis-à-vis des conversions sincères.
Et pourtant, certains textes désapprouvent les conversions et montrent de la défiance à l’égard des convertis. Ainsi, un Rabbin exprima son rejet des prosélytes en affirmant : « Les convertis sont aussi durs pour Israël qu’une blessure ». Les malheurs s’accumulent sur ceux qui font des prosélytes. »
Les futurs convertis doivent prendre la mesure de leur engagement
La contradiction entre les positions des uns et des autres n’est cependant qu’apparente. Le judaïsme accepte avec plaisir les conversions désintéressées, déterminées par une véritable vocation religieuse. Mais il condamne celles qui sont fondées sur des mobiles purement intéressés. En effet, accepter des convertis qui ne s’engagent pas totalement, c’est les tromper dans leur choix et leur causer une source de déception.
Il est impératif qu’avant la conversion les prosélytes étudient, sachent ce vers quoi ils se dirigent. Il est important qu’ils connaissent le sens de l’engagement qu’ils prennent pour eux et pour leurs descendants. La conversion n’est pas une formalité que l’on accomplit. Elle doit être, pour celui qui l’accomplit, une source d’épanouissement et non un joug intolérable. Il est impératif dès lors de prendre son temps, d’étudier afin de pouvoir poser un acte délibéré et surtout de faire un choix éclairé.
Le salut existe en dehors du judaïsme
Par ailleurs, au-delà de cet aspect pratique, décourager le prosélyte s’explique parfaitement, non par le particularisme juif ou un repli du juif sur soi mais, au contraire, par l’universalisme du judaïsme en vertu duquel « les justes du monde entier ont droit au monde futur ». Car il n’est pas nécessaire pour le non-juif de pratiquer les 613 Commandements pour avoir droit au monde futur. En dehors du judaïsme, le salut existe.

Il suffit, pour ce faire, de respecter les sept lois noahides [1]. Maimonide est catégorique à ce propos : « Quiconque accepte les sept commandements noahides et les observe avec soin est considéré comme juste des nations et il a part à la vie éternelle. »
Ainsi, tous ceux qui, dans la conduite de leur vie, observent une certaine morale et respectent certains principes fondamentaux se rapprochent de Dieu et accélèrent, par leur comportement exemplaire, l’arrivée du Messie. Ils participent au salut de l’humanité tout entière. Il est donc inutile de passer par le judaïsme pour obtenir le salut.
S.D. en collaboration avec le Grand Rabbin Albert Guigui
[1] « Sept commandements ont été donnés aux fils de Noé : l’institution des magistrats, l’interdiction de blasphémer le Nom de Dieu, l’interdiction de l’idolâtrie, l’interdiction des unions illicites, l’interdiction du meurtre, l’interdiction du vol avec violence et l’interdiction de prélever un fragment de chair sur un animal vivant. » (Sanhedrin 56b ; Avoda Zara 64b)