Pape François: “Je n’ai pas peur des schismes”


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Pape François: “Je n’ai pas peur des schismes”
Par Sophie Delhalle
Publié le - Modifié le
5 min

capture écran KTO

Comme à son habitude, le pape François a répondu aux questions des journalistes, juste avant de quitter Madagascar pour rejoindre Rome. Pendant une heure, le souverain pontife s'est exprimé sur différents sujets comme la situation au Mozambique, le prosélytisme, la communication, la protection de l'environnement ou les récentes critiques venues de l'Eglise américaine. Résumé.

(Lecture 5 min)

Tout d'abord, le pape François est invité à s'exprimer sur le processus de paix au Mozambique. Un long chemin qui a connu des hauts et des bas pour en arriver à une accolade historique, rappelle le pape qui prie pour que ce processus connaisse encore des avancées significatives dans le futur. "Tout se perd avec la guerre, tout se gagne avec la paix", selon la formule de l'un de ses prédécesseurs. François évoque aussi la figure de Mgr Zuppin, acteur central de ce processus de paix, qui sera fait cardinal le 5 octobre prochain, et souligne aussi la contribution du mouvement Sant'Egidio. Toutefois, il met en garde: "Ne soyons pas triomphalistes, le triomphe, c'est la paix." Et elle reste bien fragile au Mozambique et ailleurs dans le monde.

Les défis de l'Afrique

"La priorité, c'est l'éducation."

Quant à la situation des jeunes au Mozambique, François compare une Afrique jeune, pleine de vie, face à une grand-mère Europe qui, pour sa part, traverse un hiver démographique en raison d'un "attachement au bien-être qui veillit". Les Européens ne font plus d'enfants pour conserver un niveau de vie, de confort et de bien-être. Or, comme le souligne le pape, "l'enfant, c'est le trésor des pauvres, mais aussi le trésor d'un pays." Il convient dès lors d'éduquer les jeunes et de faire des lois pour eux. "La priorité, c'est l'éducation" et la gratuité des systèmes éducatifs, insiste le souverain pontife. La santé et l'éducation sont pour lui les deux défis que doit actuellement relever le Mozambique.

Sur la question de la montée de la xénophobie en Afrique, le pape considère que ce problème touche l'ensemble des continents. " C'est une maladie humaine, comme la rougeole." Et bâtir des murs pour se prémunir des autres ne fait qu'isoler et enfermer un petit nombre dans la solitude. La xénophobie est aussi étroitement liée aux populismes politiques, le pape s'inquiète d'ailleurs d'entendre des discours aux accents de ceux d'Hitler en 1934. Pour l'Afrique, le plus gros problème culturel à résoudre est le tribalisme que le pape définit comme une xénophobie domestique.

Colonisation idéologique

Répondant à une question sur la situation de l'archipel de Chagos (ndlr : l'ONU a voté la restitution de l'archipel, administré par le Grande-Bretagne, à l'île Maurice), le pape François élargit le contexte en évoquant la problématique des colonisations idéologiques. "Il y a un travail culturel lent de l'humanité", affirme-t-il. A nouveau, il met en garde contre les colonisations idéologiques "qui veulent entrer dans la culture, la changer et homogénéiser l'humanité". Pour François, chaque peuple doit conserver son identité tout en s'unissant à l'humanité ; la mondialisation n'est pas une sphère lisse mais un polyèdre dont chaque peuple est une facette, explique-t-il en langage imagé. Il rappelle aussi que ce sont les institutions internationales comme les Nations unies ou le Tribunal international de La Haye qui permettront de résoudre les conflits en frères civilisés.

Non au prosélytisme

Pendant son voyages sur l'ile Maurice, François a été stupéfait de la capacité du pays à encourager et à concrétiser l'unité inter-religieuse, qui ne souligne pas la différence mais bien la fraternité. "C'est un signe de maturité du pays." souligne le pape qui s'émerveille de la juste compréhension de cette nécessité de coexistence. C'est pourquoi aussi, quand il s'adresse aux missionnaires, le souverain pontife leur dit: ne faites pas de prosélytisme. Et quand on lui demande: "alors c'est quoi évangéliser?", le saint Père aime citer François d'Assises: "Apportez l'évangile, et - s'il le faut aussi - en parlant". Ceci pour dire que "le témoignage est le premier pas" car il provoque interrogation, l'annonce vient toujours après. Et d'ajouter cette formule : "Le protagoniste de l'évangélisation ce n'est pas le missionnaire, mais l'Esprit Saint qui le pousse à témoigner".

Environnement et corruption

"Le fond du problème, c'est la corruption."

Comment protéger les poumons de la planète? Pour François cela commence d'abord par l'action de "libérer l'humanité de l'inconscient collectif" qu'il existe des zones à exploiter (comme l'Afrique ou l'Amazonie). Le pape rappelle que les intentions de prière pour ce mois de septembre (mois de la création) sont destinées à la protection des océans. Par ailleurs, il informe les journalistes que le Vatican a banni en son sein l'usage du plastique.

Le pape estime que le plus grand combat pour la biodiversité, pour l'environnement sera porté par les jeunes. L'accord de Paris et avant cela la conférence de Katowice sont des étapes importantes, des rencontres qui aident à prendre conscience. Pour autant, la lutte écologique commence aussi par les petites choses, les petites prises de conscience. Le fond du problème, analyse François, c'est la corruption ou quand la responsabilité socio-politique devient source de gain personnel. C'est elle la responsable de l'exploitation environnementale et humaine à outrance. Quand la corruption pervertit le coeur, "on exploite les valeurs, la nature et les gens aussi."

Un schisme avec l'Eglise américaine?

"Les critiques aident toujours." Et pour François, il faut pouvoir en tirer avantage. Un des journalistes accrédités lui a donné un exemplaire en français du livre "Comment les Américains veulent changer de pape". Le pape, habitué aux critiques - parfois même de la Curie - reconnait dans ses "adversaires" l’honnêteté de dire les choses. Dans ce cas, quand la critique est ouverte, elle "est un élément de construction". Mais de souligner aussi que la dynamique de la véritable critique, c'est le dialogue. Critiquer l'Eglise, c'est aimer l'Eglise, lance le pape François, si on accepte le dialogue. Sur la menace d'un schisme avec l'église américaine, François répond : "Il y a toujours la liberté schismatique dans l'Eglise, le Seigneur laisse toujours le choix à la liberté humaine. Moi, je n'ai pas peur des schismes. Je prie pour qu'il n'y en ait pas parce qu'il y va de la santé spirituelle de beaucoup de gens." Pour François, le schisme, c'est quand une idéologie entre dans la doctrine et la déchire. Il ajoute encore : " Le chemin du schisme n'est pas chrétien. C'est le peuple de Dieu qui sauve des schismes."

Relevons également que, devant le million de fidèles malgaches qui ont assisté à la messe, François s'est senti humble face à cette souveraineté populaire, face à un peuple "qui voulait être avec son pape" et qui a "dansé sous la pluie". Ce qui fait le ferment d'un peuple, c'est la joie. Cette joie, c'est le "signe que tu es un peuple, et non une élite" affirme le pontife.

Sophie DELHALLE

Pour regarder l'intégralité de la conférence de presse, cliquez sur ce lien.

Illustrations : pixabay CCO


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