La Francophonie a un nouveau visage


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La Francophonie a un nouveau visage
Par Jean-Jacques Durré
Publié le - Modifié le
3 min

thLa grande messe de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) s’est tenue à Dakar les 29 et 30 novembre. Le nouveau secrétaire général est une femme, canadienne d’origine haïtienne, Michaëlle Jean. Un compromis entre le nord et le sud conjugué au féminin.

Après des mois de tractations diplomatiques entre les 77 états membres de l’Organisation Internationale de la francophonie, le nouveau nom qui représente cette institution aux allures éléphantesques est la Canadienne Michaëlle Jean, ancienne journaliste, gouverneure générale du Canada de 2005 à 2010 et envoyée spéciale de l’Onu en Haïti. La nomination de cette femme, une première dans l’histoire de la francophonie, est le résultat d’un savant équilibre entre pays du sud et du nord, entre pays colonisés et colonisateurs et entre la puissance diplomatique et circonstancielle de chacun de ses membres, particulièrement celle du Sénégal qui est cette année à la fois pays d’accueil du sommet et le pays d’origine d’Abdou Diouf, le secrétaire général sortant.

La France a évidemment eu son mot à dire. Premier contributeur du budget et quelques autres de l’OIF avec 26 millions d’euros sur 85 millions et patrie de la langue française, elle est le poids lourd de l’organisation. Le Canada et la Belgique, respectivement deuxième et troisième contributeurs ont également œuvré dans les coulisses. Le Canada a exercé un lobbying actif pour faire valoir ‘sa’ candidate, Michaëlle Jean qui a été élue après une ultime et longue matinée de consultations et de compromis entre les participants.

La Belgique, premier membre contributeur par habitant

De son côté, la Belgique y était doublement représentée, à la fois par le Premier ministre Charles Michel et le ministre président de la Fédération Wallonie Bruxelles, Rudy Demotte. Si la Belgique n’avait pas de candidat déclaré, elle est un membre de choix de l’OIF, notamment par sa contribution au budget qui s’élève à 7 millions d’euros apportés par la Fédération Wallonie Bruxelles, ce qui en fait le premier contributeur par habitant avec 3,95 euros/hab, alors que la France contribue elle à hauteur de 1,93 euros/habitant, selon Alain Verhaegen, professeur de sciences politiques à l’ULB. Le premier ministre et le ministre président belges ont tous les deux fait un vibrant plaidoyer en faveur de la langue française, rappelant son importance culturelle, mais également le rôle économique qu’elle sera appelée à jouer dans les décennies à venir en raison de sa place dans les pays africains. "Nous souhaitons que notre pays rayonne à l’étranger", a souligné Charles Michel, en rappelant l’attachement de la Belgique au processus démocratique en cours dans les pays africains et au respect des institutions mises en place dans le cadre de ces démocratisations.

Le Français devenu patrie des Africains

L’élection de cette nouvelle secrétaire générale intervient dans un contexte où les balances traditionnelles de l’OIF sont en plein rééquilibrage. Il y a d’abord un élément démographique. En effet, si l’on compte quelque 275.000 millions de francophones dans le monde, la démographie africaine va accroître ce nombre de manière exponentielle dans les décennies à venir. Le français sera donc nettement plus parlé dans les pays du sud que dans les pays du nord. Il y a ensuite la croissance des pays d’Afrique qui pousse à faire du français, un outil économique à promouvoir d’urgence dans le monde des affaires, si l’on ne veut pas voir l’anglais s’y imposer rapidement. Enfin, il y a le français tel qu’il est parlé aujourd’hui avec ses nouvelles expressions mondialisées et ses adaptations locales. Le français outil politique de la Françafrique comme on l’a si souvent dénoncé, est doucement en train d’échapper aux mains de son ‘maître’ traditionnel et de devenir une langue nouvelle, refaçonnée par ceux qui l’utilisent. Dans ce cadre, le choix de Michaëlle Jean est l’expression d’un compromis créatif entre le nord et le sud qui montre également l’accent que l’OIF veut mettre sur l’éducation et la place des femmes dans l’espace francophone.

Laurence D’HONDT (à Dakar)

Catégorie : International

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