Diaconat des femmes, ordination d’hommes mariés, décentralisation… Voici les points que l’Eglise de Belgique ira défendre au synode


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Diaconat des femmes, ordination d’hommes mariés, décentralisation… Voici les points que l’Eglise de Belgique ira défendre au synode
Des participants à la première session de l'Assemblée générale du Synode. © Vatican Media (division photo)
Par Clément Laloyaux
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
7 min

Confrontée à de nombreux défis et désireuse d'emboîter le pas de la synodalité, l'Eglise de Belgique a elle aussi mené sa propre introspection. Plusieurs centaines d'acteurs du paysage catholique belge (diocèses, UP...) ont ainsi été consultés autour d'une même question : "Comment développer une nouvelle dynamique missionnaire ?"

🇧🇪 La Conférence des évêques publie aujourd'hui les résultats de cette grande consultation nationale ; en d'autres termes les points qui seront défendus par la Belgique lors la session conclusive du Synode, en octobre 2024.

Une démarche participative en vue d'une Eglise participative

Pour bien saisir la démarche entreprise par les instances ecclésiastiques belges, remontons un peu dans le temps.

Octobre 2023 : Le synode débouche sur un rapport de synthèse aux idées novatrices

Le 28 octobre 2023, les 344 membres de l'Assemblée Générale du Synode, dont des laïcs hommes et femmes, votent un rapport de synthèse compilant les points de convergence et de divergence qui ont émergé lors des quatre semaines de travaux. Le texte, qui doit servir de feuille de route jusqu’à la session finale du Synode prévue en octobre 2024, propose des pistes pour rendre l’Église catholique plus participative et avance des propositions novatrices sur des sujets sensibles comme le diaconat féminin, la gouvernance dans l’Église, une participation accrue des laïcs...

Alors confrontée à des défis qui touchent à la fois le pays (débat sociétal autour des abus...) et l'Europe occidentale (baisse de prêtres et religieux, méfiance à l'égard des institutions religieuses...), l'Eglise de Belgique voit dans cette réflexion sur la synodalité un bon moment pour relever le défi "fondamental" de la gestion du pouvoir.

Synode sur la Synodalité, le 28 octobre 2023. © VATICAN MEDIA

Janvier 2024 : Les évêques de Belgique dressent trois axes prioritaires en vue de l'Eglise de demain

Une question est sur toutes les lèvres : Comment promouvoir une Église plus synodale, travaillant sur la prise de décision participative, pour relever les défis de la mission et des abus ? La Conférence des Évêques de Belgique décide de se réunir en janvier 2024 avec les membres belges du synode pour discuter ensemble du rapport de synthèse voté quelques mois auparavant. Les évêques de Belgique formulent alors trois priorités "à discuter au niveau de l'Église universelle". Trois axes prioritaires qui orientent l'Église vers une réflexion profonde sur sa mission, ses traditions et son organisation interne.

  1. Une Église missionnaire en dialogue avec le monde
  2. Une compréhension dynamique de la Tradition
  3. Unité dans la diversité et responsabilité

Février 2024 : Lancement d'un processus de consultation à échelle nationale

Ces pistes de réflexion, et leurs implications concrètes, sont reprises dans un projet de texte qui, comme les évêques l'annoncent à l'époque, sera soumis à divers groupes et organes de l'Eglise belge pour consultation.

Et c'est exactement ce qu'il s'est passé ! Dès la publication du texte en février 2024, les différents organes consultatifs diocésains et interdiocésains ont l'occasion d’y réfléchir et d'envoyer leurs avis. Certains diocèses ont même proposé à leurs Unités Pastorales (regroupement de paroisses) d’en discuter ; d'autres, compte tenu du temps limité, restreignent la consultation à leurs Conseils existants.

Au total, plusieurs centaines de personnes ont été impliquées dans la consultation entre février et mai 2024.

Fin octobre 2023, trois participants belges au synode, le cardinal Jozef De Kesel, l'évêque du Brabant flamand Koen Vanhoutte et le diacre Geert De Cubber offraient ensemble une relecture du Synode.

Et aujourd'hui, qu'est-ce qui ressort de cette vaste réflexion ?

Le processus de consultation (au printemps 2024) a non seulement approuvé les trois priorités proposées par les évêques en vue de la session finale du Synode, mais les a également enrichies.

Examinons de plus près le fruit de ces consultations pour voir ce que l'Église de Belgique va demander à mettre à l'ordre du jour lors du prochain Synode :

1) Une Église missionnaire en dialogue avec le monde

À partir des consultations, l'Église de Belgique demande "que la culture de l’écoute réciproque et discernement soit également utilisée pour entrer en dialogue en tant qu'Église avec les développements actuels dans le monde qui nous entoure. En même temps, une Église synodale doit continuer à assumer son rôle prophétique face aux nombreuses injustices existantes. Elle nous aidera à mieux comprendre les signes des temps à la lumière de l'Évangile et à témoigner avec pertinence de la Bonne Nouvelle."

2) Une compréhension dynamique de la Tradition

À partir des consultations, l'Église de Belgique demande "que le Synode définisse notre ou nos Tradition(s) ecclésiale(s) comme dynamique(s) et en développement constant. À partir de là, la Tradition peut être relue en dialogue avec les développements récents de la théologie, de la philosophie et des sciences. Nous espérons que les groupes d'étude établis entre-temps au niveau de l'Église universelle prendront cette idée très à cœur".

3) Unité dans la diversité et responsabilité

À partir des consultations, l'Église de Belgique demande "qu'un travail concret soit effectué sur la décentralisation de certaines décisions dans l'Église, ce qui permet à une légitime diversité de travailler sans renoncer à l'unité. Nous demandons une concrétisation de la "responsabilité" des évêques et autres responsables pastoraux dans une Église synodale".

👉 Pour en apprendre plus sur le processus de réflexion qui se cache derrière chacun de ces trois points, retrouvez ici la Synthèse de la Consultation en Belgique pour le Synode dans son intégralité (publiée le 16 mai 2024).

Des demandes concrètes concernant les femmes, les jeunes et le ministère ordonné

Dans la suite du document, l'Eglise de Belgique dresse des requêtes bien spécifiques en tenant compte des priorités susmentionnées. "L'importance des priorités citées ci-dessus se traduit plus concrètement par trois thèmes qui sont fortement ressentis dans l'Église en Belgique : la place des femmes dans l'Eglise, la signification du ministère ordonné dans une Église synodale ainsi que les jeunes et la culture numérique" dressent-ils. "Ceci était déjà évident lors des consultations de la première phase dans les diocèses et a été confirmé lors de la consultation actuelle."

Sur la place des femmes dans l'Eglise :

A l'instar du Concile Vatican II qui a rétabli le diaconat permanent pour les hommes, l'Eglise de Belgique demande "de rétablir également le diaconat permanent pour les femmes".

"Dans notre analyse, conférer de grandes responsabilités pastorales aux femmes et l'ordination diaconale ne devrait pas être universellement obligatoire ou interdit".

Synthèse de la Consultation en Belgique pour le Synode

Plus loin, on apprend qu'au cours des consultations, "certains groupes ont clairement appelé à aller plus loin et à rendre négociables les ordinations sacerdotales et épiscopales pour les femmes". "C'est une demande qui revient régulièrement chez certains croyants en Belgique, alors que d'autres y sont fortement opposés" tempère néanmoins l'Eglise de Belgique.

La religieuse espagnole Linda Pocher, qui a participé aux récentes réunions du Conseil des cardinaux (C9), a assuré que le pape François était «très favorable» au diaconat féminin | capture d'écran YouTube

Sur la place et la signification du ministère ordonné dans une Église synodale :

À la lumière des évolutions de notre époque et de notre culture, l'Eglise désire relire et renouveler ses traditions ecclésiales. Dans cette optique, l'Eglise de Belgique demande que "par conférence épiscopale ou assemblée épiscopale continentale il soit permis de pouvoir prendre certaines mesures afin d'ordonner des 'viri probati' (des hommes mariés d’âge mûr NDLR)".

"L'ordination sacerdotale des 'viri probati' ne doit pas être universellement obligatoire ou interdite"

Synthèse de la Consultation en Belgique pour le Synode

De la consultation est également ressortie la demande de confier une responsabilité pastorale finale aux laïcs formés. "Parmi les laïcs qui accompagnent comme aumôniers les malades, il y a une demande spécifique de pouvoir recevoir un mandat de l'évêque pour administrer le sacrement des malades".

Sur les jeunes et la culture numérique :

L'Eglise belge demande "une forte solidarité (en termes de personnes, de ressources, d'échange d'initiatives novatrices, etc.) entre les conférences épiscopales et les assemblées épiscopales continentales afin que chaque Église locale ait les opportunités nécessaires pour être présente dans le monde numérique."

Les chrétiens de Belgique prient pour une assemblée synodale fructueuse

En conclusion, l'Eglise de Belgique note qu' "il existe dans la province ecclésiastique belge un fort engagement à concrétiser le désir d'une Église missionnaire et synodale dans les diocèses, les paroisses et les mouvements. Le processus synodal offre à cet égard beaucoup d'inspiration et de stimulation. Les chrétiennes et les chrétiens de Belgique prient pour que l’assemblée synodale d’octobre 2024 soit fructueuse et porteuse d’espérance".

C.L. (avec SIPI)


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