Mobilisation pour Gaza sur les campus : « Le silence nous rend complices »


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Mobilisation pour Gaza sur les campus : « Le silence nous rend complices »
Dans le monde entier, des étudiants manifestent en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza. © CCBY NC Pamela Drew - Flickr
Par Armelle Delmelle
Publié le
4 min

Alors que le conflit fait toujours rage à Gaza et que la situation des civils se dégrade, des étudiants se soulèvent à travers le monde. Sur les campus de Belgique aussi, des manifestants se mobilisent. Ils réclament un cessez-le-feu et la fin des collaborations avec les institutions israéliennes.

Cela fait un peu plus de sept mois que la guerre entre Israël et le Hamas a repris dans la bande de Gaza. De jour en jour, la situation empire pour les civils qui tentent de survivre dans leur prison à ciel ouvert. Pour les soutenir, les étudiants du monde entier ont pris l’arme qui leur semblait la plus pertinente: leur voix.

L’importance des procédures

Les étudiants demandent haut et fort le cessez-le-feu, mais aussi la fin des collaborations entre leur université et les institutions israéliennes. Une demande réaliste? Pour Rik Torfs, ancien recteur de la KU Leuven, il importe de toujours suivre les procédures en place afin d’évaluer la pertinence de la demande. "C’est peut-être assez formel, mais il faut suivre les procédures pour voir si un projet peut survivre ou pas dans un nouveau contexte. La question est alors d’identifier si les universités sont réellement en lien avec le régime ou avec l’armée israélienne", nous explique-t-il. Et l’ancien sénateur de mettre en garde: "Il ne faut pas non plus oublier que ce sont parfois les universitaires d’un pays en guerre qui sont précisément en opposition avec leur gouvernement. On court alors le risque de sanctionner des personnes qui ne le méritent pas".

"Face au génocide"

Ce n’est qu’à la mi-mai que la question a atterri sur le campus de l’UCLouvain. Dans un communiqué, des étudiants, organisés sous le nom de Student For Palestine (les étudiants pour la Palestine, Ndlr), estiment qu’au vu de dégradation de la situation à Gaza, ils "ne peuvent plus rester dans l’attente". Ayant décidé d’occuper le bâtiment Coubertin, ils souhaitent par-là "dénoncer le silence et l’inaction" de l’université "face au génocide en cours". "Nous manifestons car nous voulons que l’UCLouvain condamne publiquement ce qui se passe actuellement à Gaza, comme elle l’a fait pour l’Ukraine", nous explique Barnabé Rossignol, porte-parole désigné de Student For Palestine. "Nous voulons aussi que l’UCLouvain soit totalement transparente sur ses relations avec les universités israéliennes."

Si les étudiants de l’UCLouvain sont les derniers, en Belgique, à avoir pris la parole, c’est parce qu’ils ont préféré commencer par un échange de mails avec la direction. "Nous avons voulu privilégier une méthode plus pacifique", explique Barnabé Rossignol. Mais sans réponse de la direction de l’université, ils ont décidé de se faire entendre en criant un peu plus fort – même si pour le moment, tout se passe dans l’ordre. 

"Le silence nous rend complices"

Le frère dominicain Christian Eeckhout est un observateur attentif de la question. Très attaché à la Terre sainte, l’homme est le prieur du couvent Fra Angelico situé sur le campus de l’UCLouvain, à Louvain-la-Neuve. Il estime nécessaire que les étudiants prennent la parole dans ce débat – insistant précisément sur cette notion de débat. "Les jeunes sont sensibles aux grandes valeurs. Et l’expression universitaire est aussi une recherche d’une compréhension du monde. Il est normal que cela fasse réagir." "Mais il y a des étudiants dans les deux camps", complète Rik Torfs. "Et il faut rester en dialogue avec tout le monde: l'université doit être le lieu par excellence où on peut discuter en liberté".

Rik Torfs comme Christian Eeckhout sont donc désireux de soutenir les étudiants, et d’ainsi les encourager à prendre leur place dans le débat public. "Quand le mal est là, le silence nous rend complices", estime Christian Eeckhout. "C'est une responsabilité, même pour un étudiant ou pour tout jeune adulte. Il faut pouvoir réagir." Rik Torfs est lui aussi en faveur d'un engagement d'étudiants. "Mais ce qui est typique pour des recteurs c’est qu’ils vont vous dire: 'on est pour l'engagement des étudiants d'un côté, mais d'un autre côté ça doit rester dans l'ordre' ".

La violence n’est jamais la solution

La question de l’ordre pose celle… de la violence. Dans toute manifestation, le risque de débordement ne peut jamais être totalement exclu. Christian Eeckhout est, pour sa part, convaincu que la violence n’aboutira à rien. "L’on sait bien qu'on ne peut pas arriver à bout d'une idéologie par la tuerie. Donc il faut trouver d’autres moyens."

Et l’homme de tourner son regard vers la Terre sainte. "Le Hamas a fait une explosion parce que la marmite était tellement bouillante que le couvercle a sauté. Ici, si les étudiants sont énervés c’est parce qu’ils ne peuvent plus avoir le droit de réagir à la paix. Pour eux qui veulent construire la société de demain, cela peut être difficile", conclut-il.

Armelle DELMELLE

🎧 Retrouvez Rik Torfs et Christian Eeckhout en débat dans Décryptages :


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