Jusqu'au 1er octobre 2023, en gare de Liège, "Extra muros" invite à nous questionner sur l'histoire des murs, leur rôle et aussi leur avenir. Une exposition immersive qui explore toutes les dimensions du mur.

"L'audace abat les murs" affirme le conteur de l'exposition (un personnage de la mythologie grecque) via l'audioguide mis à notre disposition. C'est aussi peut-être cette même audace qui a fait choisir aux concepteurs de débuter le parcours avec les trois petits cochons, les emmurés vivants et la reconstitution d'un ossuaire. Un peu rude comme entrée en matière diront certains.
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Visiblement, le jeune public, lui, semble apprécier cette mise en bouche "morbide" comme nous avons pu l'observer le jour de notre visite. Si "Extra muros" relève le pari en explorant les nombreuses dimensions du mur, elle n'a pas rencontré certaines de nos attentes, et ne convient pas aux enfants de moins de 10-12 ans.
"Aucun mur n'est infranchissable"
Cette première impression "macabre" ne doit pas nous faire renoncer à découvrir les autres propositions immersives, qui font par ailleurs la réputation d'Europa Expo.
Le parcours n'a pas été conçu de manière chronologique mais thématique, le visiteur appréhendera donc les différents concepts attachés aux murs, qu'ils soient réels ou fictifs. Notre voyage se poursuit avec l'Antiquité et le célèbre labyrinthe du Minotaure (que vous n'apercevrez pas, soyez rassurés!). On regrettera de ne pas pouvoir évoluer soi-même à travers le labyrinthe reconstitué.
Nous faisons alors un bon dans le temps pour nous retrouver dans le ghetto de Varsovie "Voici ce qui se passe quand les murs enferment et détruisent une partie de l'humanité" commente notre audioguide.

Extra Muros nous fait aussi entrevoir l'existence de murs tels que la boîte crânienne, et nous propose également une belle réflexion sur la prison et l'objectif de l'incarcération. Si dans l'Antiquité, la prison n'était qu'un lieu d'attente, de passage, elle est aujourd'hui un véritable lieu de vie. Cette partie de l'exposition est particulièrement bien illustrée par des artistes contemporains.
Les mur de l'Atlantique, de Berlin (grand absent dans les reconstitutions) ou la muraille de Chine (la plus audacieuse dont la pérennité repose sur un ciment à base de gruau de riz), mais aussi encore les murs de Babylone (dont la couleur bleue fait référence à l'eau si rare et précieuse dans les contrées désertiques) sont ainsi tout à tour évoqués.
"Aucun mur n'est infranchissable" poursuit notre conteur, les murs de Jéricho ont bien été abattus par le son des trompettes, ajoute-t-il. L'exposition ne pouvait faire l'impasse sur un autre mur "mythique" (ou devrait-on plutôt dire biblique"), celui des Lamentations, à Jérusalem, auquel vous pourrez vous connecter en live grâce à un code QR.
Des murs qui protègent, mais de qui?
Notre guide virtuel s'interroge : "Peut-on sauver la paix en séparant les hommes?"
Car, le constat est sans appel; aujourd'hui, les murs nous protègent, non plus contre des hordes de soldats armés, mais bien contre des "démunis", ces migrants qui tentent de rejoindre d'autres cieux pour entamer une vie meilleure. Cette partie de l'exposition est richement illustrée par le travail du photo-journaliste Elio Germani, qui a suivi en 2015-2016 ceux qu'ils appellent les "Dépossédés" le long de la route ouest des Balkans.
Les murs font l'histoire. Ils la racontent aussi, avec notamment les murs de la mémoire apparus au XXe siècle, le plus grand étant celui d'Ellis Island, à New-York ; il porte les noms de 700 000 migrants aspirant à vivre le "rêve américain". Et leur histoire est loin d'être terminée.
Aussi, l'Homme semble n'avoir de cesse d'ériger des murs. Combien de murs sont actuellement en construction pour séparer des populations et/ou endiguer des mouvements migratoires ? Mexique, Israël, Zimbabwe ... Quel sera l'avenir de ces "murs de la honte"?

Quand les murs s'expriment
Enfin, le parcours nous amène à la découverte des murs comme lieux d'expression, et cela depuis la nuit des temps. De l'art pariétal au street art, "Avec les murs tout est possible, l'imagination humaine doit s'en emparer" commente notre guide virtuel. Cette dernière section consacrée à l'art urbain vertical est indéniablement l'un des points forts de cette exposition ambitieuse par son thème.
Toutefois, on a clairement senti un manque d'inspiration pour évoquer, en final de parcours, les murs naturels (barrière de corail ou mur de sable), assez décevant à une époque où les enjeux climatiques et la destruction de l'environnement sont au cœur des préoccupations de nombreux citoyens et organismes.
Notre visite s'achève toutefois avec une belle création, le "mur de la différence", qui donne le sourire aux lèvres grâce à la joie contagieuse de personnes porteuses de handicap. Et cela nous permet de souligner un autre point fort de l'exposition à savoir le dialogue entre les installations Europa et les œuvres réalisées par les résidents des ateliers du Créahm.
Signalons aussi le très beau catalogue d'exposition (disponible sur place au prix de 15 euros) dont le contenu reflète mais enrichit par ailleurs les thèmes abordés dans le parcours de l'exposition.
Sophie DELHALLE
Infos pratiques
"Extra Muros. Au-delà des murs", Gare des Guillemins, Liège
Ouvert tous les jours de 10h à 18h30 jusqu'au 1er octobre 2023
