C’est une exposition collective à voir jusqu’au 28 mai à la Cité Miroir de Liège. Une trentaine d’artistes touchés par l’exil y expriment leur vécu à travers la BD, la vidéo, la peinture, la sculpture ou encore des installations et mises en scènes. Tant de parcours différents et toujours le même récit teinté d’angoisse et de souffrance.

« Il n’y a pas de visée pédagogique, c’est un projet purement artistique » nous avertit d’emblée Sophie Liégeois, chargée de communications à La Cité Miroir. « Nous avons aussi voulu mettre en avant et respecter la parole des artistes, en les laissant libres sur la manière de confier leur vécu de l’exil ».
Réhumaniser les exilés
Bruits de moteurs, voix d’hommes, pleurs d’enfants, cris de mouette. Le parcours débute par une douche sonore qui immerge le visiteur dans un monde où règne la peur et l’incertitude.
Cette exposition qui rassemble une trentaine d’artistes de 15 nationalités, la majorité ayant été « hébergée » par l’Atelier des artistes en exil (Paris, Marseille), a aussi pour vertu de « sortir l’exil des chiffres », de nous faire oublier le discours politique et les statistiques, pour réhumaniser les exilés. Ceux qui, un jour, ont choisi (mais est-ce vraiment un choix ?) de quitter leur terre natale. Pour vivre. Pour créer.
L’exil entre solitude, angoisse et colère
Des œuvres éclectiques, représentant tous les arts plastiques (sculpture, peinture, photographie, vidéo, BD, poésie, …). Des profils variés, des hommes, des femmes, issus des quatre coins du monde. Et toujours ce sentiment de déracinement, une douleur que seuls partagent et peuvent comprendre les exilés. Parfois aussi la colère. Via un audioguide, les artistes se racontent et racontent aussi le pourquoi de leurs œuvres. « Je suis né dans un pays où être artiste est un crime » raconte un artiste originaire d’Iran. « L’exil est un chemin de solitude« , pour cette autre artiste russe contrainte à l’exil.
Exilé un jour, exilé toujours
Née dans une famille russo-ukrainienne, installée dans le région du Donbass, Sasha raconte : lorsque la guerre a éclaté en 2014, « on m’a demandé de choisir » entre ces deux identités culturelles; or, la jeune femme revendique cette double appartenance à travers ses œuvres où le visage du Christ côtoie Facebook, Coca-Cola, le drapeau américain et des symboles soviétiques.

Dans ses tableaux, Tetiana, artiste ukrainienne, raconte l’histoire d’une dame qui a survécu à l’holocauste et qui, 87 ans plus tard, a survécu au siège de Marioupol. Ingénieure, « cette petite dame a bâti Marioupol de ses propres mains » avant d’assister à sa destruction. « C’est une petite histoire de vie, mais c’est l’illustration du courage de toute l’Ukraine« , révèle l’artiste.
« J’ai toujours eu l’impression d’être suspendue dans les airs » raconte encore cette réfugiée palestinienne née en Syrie, à l’image de ses pantins désarticulés.
Sur un autre continent, Mambo’o a quitté l’Angola pour la RD Congo, il a quitté un pays en guerre pour un autre, lui aussi meurtri par les conflits. « La vie est dure partout, il faut savoir s’adapter aux situations : Carpe diem« , explique l’auteur de « Graal, Sainte-Cène-sur-Mer » où l’on voit une figure christique brandissant deux jerrycans sur un canot de migrants (voir galerie).
Originaire de Crête, Costa décrit l’exil comme un déchirement, une perte de repères – « Ce départ brutal a marqué ma vie pour toujours » – mais confie que l’envie de vivre l’a emporté. C’est dans une série de sacs et de valises qu’il a choisi de projeter ses doutes et ses espoirs (voire galerie).

Vers de meilleurs lendemains
Si de nombreux exilés sont condamnés à vivre la souffrance du déracinement, rarement par choix, on le comprend mieux à l’issue de cette exposition, ils nourrissent aussi l’espoir d’un nouveau départ. Tous ont rêvé ou rêvent de meilleurs lendemains.
L’artiste palestinienne Duaa continue de rêver ; elle aimerait pouvoir un jour faire du vélo dans le centre de Gaza. C’est de ce rêve dont parlent ses œuvres exposées à La Cité Miroir (voir galerie).
« Si les gens décident de partir, c’est qu’il y a des raisons, et ces raisons sont à prendre au sérieux » affirme Papa Divin dont le tableau « Nous y sommes presque » illustre bien ce « rêve européen » qu’aimeraient toucher du doigt de nombreux exilés africains.
Sophie DELHALLE
🔎 Focus sur la barque cénotaphe
Cette œuvre de l’artiste français Jean-Paul Philippe (image de couverture de l’article) est née d’un projet qu’il devait réaliser sur l’Ile de Lampedusa. Impossible pour lui de ne pas évoquer ce qui allait devenir une vraie tragédie et faire de la mer méditerranée un vaste tombeau. Il décide d’évoquer toutes ces barques de fortunes, en bois, venues se fracasser sur le rivage ou englouties à jamais dans les eaux. Mais ce projet n’aura pas survécu aux diverses humeurs politiques. « Cette barque cénotaphe n’aura cessé de me hanter et de s’imposer jusqu’à sa réalisation » explique l’artiste qui aura finalement été au bout de son projet visible à La Cité Miroir.
La caravane des Possibles est de retour !

Vous l’avez peut-être manquée lors de ses précédents passages en Wallonie? Sachez que la « caravane des Possibles » est à nouveau exposée dans le cadre de l’exposition « Mères d’exil » à La Cité Miroir.
A l’initiative de Dominique Matagne du Comptoir de la Céramique, « La caravane des Possibles » a été créée par un collectif de 54 amis, artistes, pendant le confinement.
Composée d’une juxtaposition de plaques en « Terre Vagner », investies par chaque participant de cette création collective, la caravane se déroule sur près de 30 mètres en insérant dans sa marche une naissance à Bethléem.
Infos pratiques
📆 Jusqu’au 28 mai 2023
🕑 lundi au vendredi 9h-18h, samedi et dimanche 10h-18h
📍 La Cité Miroir, place Xavier Neujean 22, 4000 Liège
📞 04 230 70 50 ou reservation@citemiroir.be


