Reportage en Ukraine – “C’est notre façon d’être chrétien”


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Reportage en Ukraine – “C’est notre façon d’être chrétien”
Installés dans une roulotte face à la douane, les Suisses Markus et Maja Maier préparent jour et nuit des hot-dogs pour les réfugiés d’Ukraine.
Par La rédaction
Publié le - Modifié le
4 min

Hot-dogs et chaleur humaine sont au rendez-vous des Ukrainiens qui arrivent à Isaccea, à la frontière roumaine. Mais pour accueillir des réfugiés toujours plus nombreux, une plus large coopération sera bientôt nécessaire. Extrait du grand reportage paru dans le journal Dimanche n°11, publié ce 16 mars.

Installés dans une roulotte face à la douane, les Suisses Markus et Maja Maier préparent jour et nuit des hot-dogs pour les réfugiés d’Ukraine.

Au poste frontière d’Isaccea, entre la Roumaine et l’Ukraine, ce ne sont pas les habituels camps de réfugiés avec leurs rangées de tentes aménagés par les organisations internationales qui surprennent. Ces dernières sont plutôt absentes. Le poste frontalier d’Isaccea, l’un des points de passage importants entre l’Ukraine et la Roumanie, ressemble davantage à un campement artisanal et accueillant. Roulottes installées pour distribuer des hot-dogs, tentes montées par des citoyens roumains afin d’offrir un repas chaud, stands déployés par une ONG italienne de défense des animaux qui distribue gratuitement de la nourriture pour les animaux domestiques et offre même des cages de transport… L’atmosphère à la frontière d’Isaccea est aussi chaleureuse qu’improvisée en cette troisième semaine de guerre.

"Ce sont d’abord des initiatives privées qui ont pris les réfugiés en charge", explique une journaliste roumaine de Vita Libera, un média local, "les petits entrepreneurs ont mis leurs moyens de transport à disposition, d’autres apportent de la nourriture". Le gouvernement roumain a embrayé en rendant le transport pour les réfugiés ukrainiens gratuit à travers toute la Roumanie et en facilitant les démarches administratives pour ceux qui veulent rester dans le pays. La seconde banque du pays, la BCR (Banca Comerciala Romana), a elle aussi fait un geste: elle a placé à Isaccea un distributeur de billets, offre des cartes Sim gratuites et rachète la monnaie ukrainienne en pleine dévaluation.

Pour les réfugiés ukrainiens qui traversent la frontière par le bac d’Isaccea, souvent épuisés par l’attente et le froid mordant, l’arrivée en Roumanie est non seulement un évident soulagement mais aussi une surprise émaillée de gestes réconfortants. A peine débarqués du bac, ils sont reçus par des volontaires roumains qui leur offrent assistance et fleurs. Les douaniers, frigorifiés comme chacun, vérifient les passeports et laissent passer d’un geste généreux femmes, enfants, animaux, poussettes et affaires entassées dans des sacs.

Des volontaires roumains omniprésents

Installés dans une roulotte face à la douane, les Suisses Markus et Maja Maier préparent ainsi jour et nuit des hot-dogs qu’ils tendent à chacun des arrivants. "Nous avons décidé de venir pour aider", raconte Markus, originaire du canton d’Appenzell, "nous avions l’habitude de distribuer le samedi des hot-dogs aux plus démunis de Heerbrugg et puis, nous avons senti que venir ici, était notre façon d’être chrétien." Markus s’estime sauvé par Dieu. Lorsqu’il n’était plus qu’un homme sans vie, atteint par un accident cérébral, il a été touché par Sa présence qui lui a permis de se relever.

Au troisième jour du déclenchement de la guerre en Ukraine, il a décidé de venir avec sa femme, l’un de ses fils et une nièce à la frontière d’Isaccea pour aider les réfugiés ukrainiens. Nombre d’entre eux s’arrêtent devant sa roulotte, surpris par ce geste d’accueil avant d’aller se réchauffer sous une tente où ont été placés des lits pour les plus fragiles tandis que des boissons chaudes y sont distribuées par un flux continu de volontaires roumains.

"En Roumaine, nous accueillons jusqu’à 25.000 réfugiés par jour", estime encore la journaliste de Vita Libera – des chiffres confirmés par l’UNHCR. La vague actuelle est essentiellement composée de familles ayant de la famille en Europe. La majorité poursuit sa route vers d’autres destinations que la Roumanie. Mais dès que les combats se rapprocheront, cette première vague se gonflera de personnes plus isolées qui nécessitera un hébergement sous tentes.

"Nous espérons que nous pourrons alors compter sur l’aide internationale", explique une des volontaires roumaines. Pour l’instant, les autorités roumaines ne sont pas très présentes, de même que les autorités ecclésiastiques. Selon un témoin qui tient à la discrétion, l’Eglise orthodoxe de Roumanie, probablement gênée par ses liens avec le patriarcat de Moscou, est restée "en retrait, voire absente", même si les initiatives individuelles n’ont pas manqué.

Ce dimanche 13 mars, le leader spirituel du monde orthodoxe, le patriarche Bartholomée Ier est cependant sorti une nouvelle fois de sa retenue, en appelant à la fin d’une "guerre injuste" et en déclarant son admiration pour "la puissante résistance ukrainienne contre l’envahisseur"… Rappelons que ce dernier avait reconnu en 2019, la demande d’indépendance de l’Eglise ukrainienne, suscitant de fortes réactions d’hostilité au sein du patriarcat de Moscou.

De notre envoyée spéciale, Laurence D’HONDT

Catégorie : International

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