Le Belge Charles Deckers sera béatifié ce samedi


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Le Belge Charles Deckers sera béatifié ce samedi
Par La rédaction
Publié le - Modifié le
5 min

Ce 8 décembre, à Oran, le père Charles Deckers sera béatifié avec 18 autres martyrs de l'Eglise en Algérie, dont les moines de Tibhirine. Ce missionnaire belge, passionné par l'Islam et le monde arabe, avait notamment fondé El Kalima à Bruxelles. Mgr Johan Bonny, évêque d'Anvers, coprésidera la cérémonie de béatification.

La cérémonie de béatification qui aura lieu au Sanctuaire de Notre-Dame de Santa Cruz à Oran, et qui sera présidée par le Cardinal Becciu, Préfet de la Congrégation des Causes des Saints, nous ramène aux heures sombres de l'Algérie indépendante. Celles des années 90, quand le pays était en proie au conflit opposant le gouvernement algérien et divers groupes islamistes. L'Eglise a été durement éprouvée pendant cette période, en particulier entre 1994 et 1996: 19 religieux et religieuses seront assassinés. Parmi ces victimes, on se souvient bien sûr des moines de Tibhirine, en raison des conditions mystérieuses de leur mort et du merveilleux film qui a témoigné de leur vie là-bas. L'assassinat de Mgr Claverie (évêque d'Oran) et de son chauffeur, avait également soulevé beaucoup d'émotion.
Parmi les autres martyrs, il y a également quatre Pères blancs dont un Belge, le P. Charles Deckers. Né le 26 décembre 1924 à Anvers, dans une famille de neuf enfants, Charles Deckers était entré chez les Missionnaires d’Afrique, en philosophie à Boechout en 1943. Il fit son noviciat à Varsenare (1945) et sa théologie à Heverlee. Il fut ordonné le 8 avril 1950.
Dès sa formation, la grande curiosité intellectuelle de Charles Deckers l'a conduit à s'intéresser à l'Islam qu'il considérait comme un facteur déterminant pour l'avenir de l'Afrique. Aussi, voulait-il l'étudier pour aider au dialogue entre les trois religions du Livre: Judaïsme, Christianisme et Islam. Préoccupé par la montée du nationalisme dans le monde arabe et du racisme en Europe, il était convaincu que le fanatisme se nourrit de la misère sociale et de l'oppression.

"Berbère avec les Berbères"

Après être passé par Alger et Tunis, il s'installe à Tizi Ouzou, en Kabylie, en 1955. D'abord responsable d'un Foyer de jeunes, puis directeur d'un Centre de Formation Professionnelle (CFP). En 1972, il prend la nationalité algérienne tout en conservant la nationalité belge.
Le P. Deckers était particulièrement aimé des Kabyles, dont il possédait bien la langue; il s'était fait 'Berbère avec les Berbères' et a laissé un souvenir inoubliable auprès des anciens du CFP à Tizi-Ouzou et auprès des filles du collège de Tadmaït, où il était professeur d'arabe. Son influence sur la jeunesse était telle que le Préfet de Tizi-Ouzou (qui deviendra ensuite Ministre de l'Education), en a pris ombrage et a fait fermer le CFP. Interdit de séjour dans la Wilaya de Tizi-Ouzou, le missionnaire finira par revenir dans son pays natal en 1977 où il est appelé pour le lancement du Centre El Kalima, le centre de documentation qui permet d'informer les chrétiens belges qui sont en relation avec les immigrés musulmans ou qui s'intéressent à l'Islam. Charles leur apportait sa connaissance de l'arabe et son expérience du milieu maghrébin. Pour ces mêmes raisons, il est nommé trois ans plus tard inspecteur des Ecoles libres. A l’époque, la présence d'élèves musulmans posait un problème sérieux: fallait-il les obliger à assister aux cours de religion?

Retour en Algérie

Mais les terres d'Islam le rattrapent vite! En 1982, il est nommé au Yémen où il travaille pour le compte du Catholic Relief Service. Il donne des cours d'anglais à des élèves infirmiers. Cinq plus tard, retour à Alger comme curé à la basilique Notre-Dame d'Afrique. Il créé également un Centre de Formation Professionnelle ainsi qu'une association pour une meilleure compréhension entre musulmans et catholiques.
Deux semaines avant sa mort, Charles Deckers disait à un visiteur belge: "Je sais que mes activités sont dangereuses pour ma vie." Mais, comme ses confrères, il refusait de quitter le pays. Pour lui, les actes valaient plus que les paroles, "même si les actes se limitent à une présence, à rester sur place avec les gens", disait-il. "Je mets mon sort entre les mains du Seigneur."
Le 27 décembre 1994, il prit une fois de plus la route de Tizi-Ouzou, pour rejoindre ses confrères missionnaires à l'occasion de la fête patronale de son ami Jean Chevillard. Mais au presbytère, un commando de terroristes du GIA, déguisés en policiers, s'introduit et abat les quatre prêtres, les derniers à exercer dans la capitale kabyle. Une opération menée en représailles d'une opération du GIGN français qui, quelques jours plus tôt, avait lui-même abattu quatre membres du GIA qui avaient pris en otage les 169 passagers d'un avion à Marseille.

Comme la graine qui meurt…

Le 16 Septembre 2018, le jour de l'annonce de la béatification du P. Charles Deckers, l'école de langues des Pères blancs de Tizi Ouzou rouvrait ses portes pour les inscriptions. La direction savait qu'il y aurait du monde car les places sont limitées. Mais pas autant! Dépassé par le nombre, tout a dû être chamboulé et l'on enregistrait un record sur les listes d’attente!
Vingt-quatre ans après sa mort, l'œuvre de Charles Deckers donne encore de beaux fruits…

Pierre GRANIER
(Source: "Petit Echo" des Missionnaires d’Afrique)
Image de Une: source: www.moines-tibhirine.org

"Sa vie est un exemple"

Le Cardinal Jozef De Kesel, Archevêque de Malines-Bruxelles : "En Algérie, le Père Charles Deckers a ressenti dès les années 1950, l'importance d'un véritable dialogue entre chrétiens et musulmans et entre la foi chrétienne et l'islam. Il s'y est consacré corps et âme durant des décennies. Dans notre société multiculturelle, il est très important que nous apprenions à nous connaître mutuellement et à briser les clichés. Le dialogue est indispensable si nous voulons vivre et construire ensemble une société humaine. Il ne s'agit pas seulement d'apprendre à connaître les convictions religieuses les uns des autres. Le dialogue n'est vraiment fécond que lorsqu'il est le fruit d'une vraie rencontre : s'écouter mutuellement avec respect et admiration et se sentir compris. En béatifiant le Père Charles Deckers, l'Église catholique reconnaît que sa vie sert d'exemple."

A noter que:

  • Le samedi 8 décembre à 10 heures dans la cathédrale Notre-Dame d'Anvers, une célébration festive de reconnaissance est prévue qui sera présidée par le Vicaire général Bruno Aerts o. praem, en concélébration avec le chapitre des chanoines et les Pères blancs présents.
  • RCF et KTO (accessible via Belgacom), diffuseront la béatification en direct ainsi que diverses émissions spéciales.
  • Yvan Deckers, cousin du père Charles, a réalisé une vidéo détaillée dans laquelle Martine Deckers raconte la vie de son frère aîné, avec d'autres témoins.

 


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