Benoît Lobet de retour de Rome : « Nous sommes désormais des missionnaires de la synodalité »


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Benoît Lobet de retour de Rome : « Nous sommes désormais des missionnaires de la synodalité »
Près de 200 prêtres de 99 pays, se sont réunis à Sacrofano, au nord de Rome, du 29 avril au 2 mai 2024, pour préparer l’assemblée du Synode sur l’avenir de l’Église prévue en octobre prochain. Parmi lesquels le doyen de Bruxelles-Centre (au milieu, sous le crucifix). © Synod.va
Par Vincent Delcorps
Publié le
5 min

De dimanche soir à ce jeudi midi, Benoît Lobet se trouvait à Rome. Le curé-doyen de Bruxelles-Centre y participait à une rencontre internationale intitulée « Les curés pour le Synode ». Une rencontre qui s’est clôturée par un échange avec le pape François.

CathoBel : Que retenez-vous de cette expérience ?

Benoît Lobet : Ce fut très enthousiasmant ! Ce colloque portait donc sur la synodalité – sur ce qu’elle est, sa nécessité, son importance…

Comment définiriez-vous la synodalité ?

C’est une manière de vivre ensemble en Eglise, et notamment un mode de gouvernement, une façon de prendre les décisions. Le théologien québécois Gilles Routhier nous a dit : « la synodalité, ce n’est pas la démocratie. L’Eglise a longuement fonctionné comme une monarchie. Fort heureusement, elle y a renoncé. Il ne faudrait pas maintenant se jeter dans les bras de la démocratie. » Voyez en effet comment les grandes démocraties fonctionnent difficilement aujourd’hui ! La synodalité, ce n’est pas la même chose.

Expliquez-nous…

La synodalité réserve une part importante à la prière personnelle, au discernement, à l’œuvre du Saint-Esprit, à la Révélation, à l’Ecriture, à la Tradition de l’Eglise. C’est quelque chose de propre à la vie de l’Eglise, même si je crois aussi qu’une synodalité bien vécue peut constituer un apport à la société tout entière ! Par ailleurs, c’est un mode de gouvernement qui doit se vivre à tous les niveaux de l’Eglise, et notamment au niveau paroissial. C’est la raison pour laquelle notre rencontre s’est tenue. L’objectif était vraiment d’expérimenter la synodalité entre curés, et notamment la conversation dans l’Esprit, qui est la méthode que le Pape nous recommande pour prendre des décisions de façon synodale. Nous avons écouté des exposés théoriques sur la conversation dans l’Esprit, mais nous l’avons aussi expérimentée chaque jour, longuement, au sein de petits groupes de travail.

Les curés ont pu prendre part à des tables rondes d'échange de bonnes pratiques. Ici la table du doyen de Bruxelles-Centre. © Benoît Lobet

Cette rencontre, c’était donc d’abord une expérience…

Oui. Avec la richesse de la vivre avec des confrères venus du monde entier ! Cela permet d’identifier des réalités communes, mais aussi des différences. Être à Rome permet toujours d’expérimenter la catholicité de l’Eglise. Ce qui est beau, c’est de voir que nous sommes appelés à une conversion commune.

Précisément, rentrez-vous de Rome différent, converti ? Pour vous, cette méthode est-elle tout à fait nouvelle ?

Ce n’est pas complètement neuf pour moi. C’est quelque chose que l’on vit dans des mouvements spirituels – personnellement, j’ai longuement fréquenté les Focolari. Ce qui est neuf, c’est d’en faire le mode de vie habituel de l’Eglise tout entière – des évêques, des prêtres, de toutes les communautés... Et c’est ça que veut le pape. Il y a quelques années, il a insisté sur la miséricorde. Cela reste d’actualité. Mais aujourd’hui, il met autre chose en avant : la synodalité. Il veut laisser sa marque dans l’Eglise en réorientant la vie de l’Eglise dans ces directions.

Vous l’avez longuement rencontré ce jeudi…

Oui, et ce fut un très beau dialogue. Il a répondu en direct à nos questions. Je l’ai senti déterminé, allant de l’avant, avec la volonté que les choses soient mises en œuvre. En outre, je l’ai trouvé en très grande forme. Il plaisantait, on a beaucoup ri !

Aimeriez-vous transmettre aujourd’hui un message aux curés du pays ?

Je n’ai pas seulement un message ; nous avons une mission ! Le Pape nous a dit que nous étions désormais des missionnaires de la synodalité. Je vais rédiger un rapport pour la Conférence épiscopale. Il faudra voir ensuite comment faire passer ce message à tous. Je ne sais pas encore comment nous ferons, mais cela devra passer par la pratique ! Les formations ne pourront être seulement ex cathedra. La synodalité ne s’appréhende qu’en la pratiquant.

👉 Lire à ce sujet : Le Pape invite les curés à être des constructeurs d’une Église synodale missionnaire

Avez-vous l’impression que la synodalité est bien acceptée par les curés de Belgique ? Ou sentez-vous des réticences…

Je crois qu’il n’y a pas beaucoup de résistance en Belgique, au contraire. 

A l’étranger, les réticences sont parfois plus vives…

Les personnes présentes à Rome étaient enthousiastes. Mais si l’on pense à certains pays d’Afrique, par exemple, on sait que la place du chef a une résonance plus vive que chez nous… Le travail y sera sans doute plus long. En même temps, la synodalité est toujours une conversion. Pour moi aussi ! C’est toujours plus facile de prendre des décisions seul, dans son coin, et de les imposer. Mais ça porte moins de fruits… Il faudra des années pour que ce mode de décision percole dans l’Eglise.

Pratiquement, qu’aimeriez-vous mettre en place à Bruxelles ?

Dès la rentrée de septembre, j’aimerais mettre en place une grande assemblée au niveau de l’unité pastorale. Un défi consiste précisément à mettre en commun des paroisses qui, autrefois, étaient individuelles. L’idée est de rassembler aussi bien les fabriques d’église que les personnes engagées dans la diaconie, dans la liturgie, etc. Nous allons essayer de travailler en petits cercles et de vivre la conversation dans l’Esprit. Ainsi, nous pourrons avancer, à de plus grandes enjambées, vers une meilleure unité pastorale effective.

Aujourd’hui, en Belgique, l’entité de base n’est plus la paroisse mais l’unité pastorale…

Ah oui, naturellement.

Propos recueillis par Vincent DELCORPS


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