Editorial de Pascal André, à paraître dans le "Dimanche Express" n°32 du 23 septembre 2012 :
Soyons honnête: durant trois jours, nous avons eu peur pour Benoît XVI. Ce voyage au Liban nous semblait effectivement la dernière chose à faire. La situation au Proche-Orient est tellement tendue qu'un attentat contre sa personne aurait forcément eu des conséquences dramatiques. Mais il faut croire que le Ciel était de la partie, car aucun incident n'a émaillé son court séjour au Pays des cèdres. Au contraire, l'accueil des Libanais a été globalement très positif, y compris du côté musulman. Si bien qu'aujourd'hui, nous ne pouvons que saluer l'audace de ce pape qui, malgré les risques encourus, a tenu à donner "ce signe de fraternité, d'encouragement et de solidarité", reprenant ainsi à son compte le célèbre "N'ayez pas peur" de Jean-Paul II.
Ce voyage était donc nécessaire. Pour le Liban, bien sûr, mais aussi pour tous les autres pays du Proche-Orient. Nous-mêmes, d'ailleurs, pouvons en tirer un enseignement, car ce qui inquiète les chrétiens de cette région du monde nous préoccupe également, à savoir la montée de l'islam radical. Et face à cette menace, le pape ne jette aucun anathème, n'accuse personne; il explique tout simplement ce que signifie, pour lui, la paix véritable entre le christianisme, le judaïsme et l'islam.
Pour lui, il ne peut effectivement y avoir de cohabitation harmonieuse entre ces trois religions sans le respect des deux conditions suivantes, la première étant le rejet radical du "fondamentalisme" religieux. De fait, il n'a pas eu de mots assez durs pour condamner cette "falsification de la religion", qui met en avant la "violence" et le "pouvoir" au lieu de la spiritualité. La seconde condition consiste à passer de la tolérance – concept qu'il estime trop superficiel pour être vraiment efficace – à la liberté religieuse. Une liberté religieuse qui suppose le droit de conscience, et donc la liberté de changer de religion. Mais aussi celui de ne pas être inquiété – en tant que citoyen – pour son appartenance religieuse. Benoît XVI plaide donc pour l'instauration d'une "laïcité saine", afin de "libérer la croyance du poids de la politique et enrichir la politique par les apports de la croyance, en maintenant une nécessaire distance, une claire distinction et une indispensable collaboration entre les deux".
Un discours qu'il n'est sans doute pas fréquent d'entendre au Proche-Orient, mais qui fera peut-être un jour son chemin dans les consciences. Vu la complexité religieuse du Proche-Orient, il n'y a effectivement pas d'autre voie possible à nos yeux.