Le plus triste affront qui fut fait à Jésus lors de cette cérémonie d’ouverture des JO fut sûrement le manque de charité et de bienveillance des chrétiens autour de cet événement, et pire que cela, entre eux.
Ces derniers jours, je fus pour ma part bien plus attristé par cette incompréhension entre chrétiens que par la représentation de la Cène elle-même.
Des critiques acerbes foisonnèrent sur les réseaux sociaux pour se moquer de ceux qui furent choqués, émanant souvent de catholiques vis-à-vis d’autres catholiques qui, eux, se comportent peut-être trop souvent comme si l’Eglise était une citadelle assiégée.
Mais il y a un angle mort dans ces critiques, qui mériterait d’être plus souvent pris en compte. Les cathos choqués par ce tableau ne sont pas simplement des cathos aigris ou qui se complaisent dans la victimisation : ce sont aussi des chrétiens qui vivent leur foi ou qui la découvrent, nouveaux confirmés et nouveaux baptisés. Comment expliquer à quelqu’un qui découvre le message du Christ, qui découvre la radicalité d’amour de l’Evangile, qu’on peut se faire traiter “d’extrême droite identitaire”, de “nouveaux pharisiens”, de “cul-bénis”, “d'intégristes” ou de “sectaires haineux”, non pas par des trolls sur internet, mais par des prêtres, des théologiens et des historiens? Tout ça parce qu'on porte un attachement à la sainte Cène qu’on pense (à juste titre ou non) méprisée par une prestation lors d’une cérémonie qui se prétend inclusive pour tous?
Une certaine intelligentsia catholique a regardé d’un air hautain ces catholiques qui n’ont pas forcément le même bagage théologique ou une fine connaissance de la racine grecque du mot “blasphème”, mais qui ont eu le cœur meurtri et qui ont réagi avec leurs tripes. Peut-être que la réaction était disproportionnée, trop rapide, à chaud. Mais on aimerait que la génération des plus âgés dans la foi soit là pour accompagner cette nouvelle génération, la guider dans ce qu’elle a à découvrir et à approfondir, et qu’elle ne se prélasse pas dans la critique peu charitable qui pourrait décourager ces nouveaux chrétiens.
Je ne comprends pas d’ailleurs qu’on reproche aux détracteurs de ce tableau de manquer de charité et de miséricorde pour s’empresser d’en faire de même envers eux sur les réseaux sociaux.
L’Eglise catholique subit de plein fouet la polarisation de la société. Il n’y a plus un seul corps mais un ensemble de bulles. Les réseaux sociaux ont bien entendu fait exploser le phénomène, mais on peut aussi le retrouver dans nos paroisses, où de manière très humaine (mais aussi trop confortable) on préfère retrouver des gens qui pensent comme nous. Une partie du problème (et de la solution) est qu’il est très facile de traiter quelqu’un de faschiste, de bobo gauchiste, d'intégriste ou de soixantuitard quand on ne l’a jamais rencontré en vrai et que notre bulle nous conforte dans notre opinion. C’est beaucoup moins engageant d’insulter un ensemble de personnes qu’une personne en particulier. Il faut pouvoir mettre un visage sur des idées ou des opinions pour peut-être tempérer les propos à ce sujet. Oser la rencontre, discuter autour d’une bière entre “différentes bulles” pourrait être une manière d’être vraiment un seul corps, une communauté qui s’aime et dans laquelle on pourra reconnaître des disciples du Christ. Comment créer ces lieux de rencontres? Un vaste sujet dans lequel les paroisses devraient aussi tenir un rôle. Ce ne sera pas accessoire, car il faudra bien que l’Eglise montre l’exemple plutôt que de sombrer dans une guerre de bloc, qui serait bien plus dans l’esprit du monde que dans celui de l’appel inconditionnel à aimer son prochain.
Jean STEMLER