Euthanasie : un premier dossier transmis à la justice


Partager
Euthanasie : un premier dossier transmis à la justice
Par Jean-Jacques Durré
Publié le - Modifié le
4 min

euthanasie 2Il aura fallu attendre 13 ans pour qu'un premier cas d’euthanasie soit dénoncé par la Commission de contrôle et transmis à la Justice. Un cas qui soulève de nombreuses questions…

Le sujet ne serait pas si grave qu'on pourrait parler de moment historique. En effet, depuis 2002 et la dépénalisation partielle de l’euthanasie en Belgique, c'est la première fois que la commission de contrôle, composée de médecins, de juristes et de membres de la société civile, transmet un dossier au Parquet général. Rappelons que le rôle de cette commission est de vérifier si les gestes d’euthanasie posés par des médecins sont conformes à la loi. Le fait de dénoncer à la justice une euthanasie est une procédure qui n’est prévue que si les conditions ne sont pas respectées d’après ce qui est décrit par le médecin dans une déclaration faite à posteriori, mais aussi après avoir demandé des explications au médecin concerné et, éventuellement, l’avoir entendu de vive voix.

Le cas problématique porte sur une patiente euthanasiée dans sa maison de repos à Anvers le 22 juin dernier. L’ensemble du processus a été filmé par une équipe de télévision australienne qui a notamment récolté les réactions du médecin avant et après son geste. Les images que montre ce reportage interpellent. Ainsi, on peut constater que la patiente ne souffre pas d’un problème physique particulier qui entraîne une souffrance inapaisable. Souffrirait-elle d’une maladie psychique? se demande Le Soir.

Face caméra, le docteur Marc Van Hoey, son médecin traitant, en convient. "Elle ne veut pas mourir parce qu’elle est dépressive. Non. Mais parce qu’elle en a marre." Le médecin, qui remplit la déclaration face à la caméra, explique qu’il va indiquer "dépression réactive" sur la déclaration d’euthanasie et préciser qu’elle était impossible à traiter. La dame a en effet perdu sa fille quelques mois auparavant et n’a plus le goût de vivre. Or, c'est précisément un cas où l’avis d’un troisième médecin, psychologue, doit être récolté. Selon nos informations, cela n’aurait pas été le cas, même si un troisième médecin a été consulté. La "dépression réactive" est précisément un diagnostic qui doit écarter la demande d’euthanasie en attente, au moins, d’un traitement approprié, indique Le Soir.

Un cas embarrassant

A la fin du reportage, le docteur Van Hoey estime qu’il n’y aura "pas de problème". Comment en est-il sûr? Réponse du praticien: "Mon expérience". Et c'est précisément là que le bât blesse. D'abord, parce que cette réponse sous-entend que le même docteur a déjà pratiqué, en toute discrétion, des euthanasies qui ne respectaient pas la législation. Ce n'est pas impossible lorsqu'on sait que ce médecin préside "Recht op waardig sterven", une des associations qui militent en Flandre pour le droit de mourir dans la dignité. Cette prise de position remet une fois de plus au devant de la scène l'efficacité du contrôle de l’euthanasie. Ce n'est pas la première fois que les pratiques de la Commission de contrôle de l'euthanasie posent question. Ainsi, est-il possible qu'en 13 ans, ce soit le seul cas qui n'ait pas été conforme à la loi? Beaucoup de gens en doutent.

Le docteur Marc Van Hoey a été entendu mardi par la Commission qui a pourtant pris à l’unanimité des membres présents la décision de renvoyer le médecin devant la justice, laquelle devra enquêter et prendre éventuellement les poursuites pénales nécessaires. De toute évidence, la décision de la Commission prise à l'unanimité prouve que l’ensemble des membres a estimé que le médecin n’aurait pas respecté les conditions imposées par la loi. Le médecin pourrait en conséquence être poursuivi pour assassinat. Il faut dire que le cas est embarrassant et qu'on voit mal comment les membres de la Commission auraient pu ne pas donner de suite. Mais la question est de savoir ce qu'a décidé la commission face à d'autres cas similaires non médiatisés?

Enfin, comme l'indique La Libre, "il est permis de s’interroger sur le lien entre la médiatisation d’un dossier concret et sa transmission à la justice". Et le quotidien de s'interroger sur les motivations de la mise en scène télévisée du geste posé par le Docteur Van Hoey: "S’est-il laissé filmer afin de faire modifier la loi en permettant d’élargir le suicide assisté?"

La justice devra se prononcer, mais il est peut-être grand temps que le législateur s'interroge sur les pratiques de la Commission de contrôle de l'euthanasie.

J.J.D. (avec Le Soir et La Libre)

Catégorie : Belgique

Dans la même catégorie