« Qu’ils éteignent leur téléphone et aillent en bibliothèque »: voici les conseils de Gaël Giraud et de Bruno Colmant aux jeunes d’aujourd’hui


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« Qu’ils éteignent leur téléphone et aillent en bibliothèque »: voici les conseils de Gaël Giraud et de Bruno Colmant aux jeunes d’aujourd’hui
Gaël Giraud invite les jeunes à se rendre... dans les bibliothèques ! ©CathoBel
Par Vincent Delcorps
Publié le
3 min

Dans un monde incertain, comment les jeunes doivent-ils se préparer ? Quel rôle l'enseignement doit-il jouer? Nous avons posé ces questions à Bruno Colmant et Gaël Giraud. Ces deux économistes sont de fins observateurs des grands enjeux de notre temps.

Bruno Colmant: J’ai été enseignant à l’université pendant près de 30 ans. J’ai donc vu la jeunesse évoluer – ou je me suis vu vieillir… Cela m’a procuré beaucoup de bonheur, car j’ai trouvé que la jeunesse développait des capacités de créativité, d’innovation, voire de désobéissance, bien plus développées que celles de ma génération. En fait, la jeunesse me donne confiance. Et si je devais lui donner un conseil absolu, ce serait celui-ci: qu’elle continue à se former, en permanence et de manière contradictoire. Quel que soit son âge, il faut éviter que le ressenti personnel immédiat dépasse la somme des éruditions. Le risque? Devenir des êtres soumis aux fluences, des réseaux sociaux notamment. Il y a donc un effort personnel à faire, en matière d’autoformation. J’ai toujours invité mes étudiants à se former au moins une heure par jour. Je pense aussi que l’on doit, à titre personnel, s’imprégner d’une forme de stoïcisme. Rester des êtres "en tranquillité" par rapport aux événements, plutôt que d’être dans l’effervescence et dans l’agitation dans lesquelles le monde de l’information nous place en permanence.

Gaël Giraud: C’est une question énorme, et je rejoins ce que Bruno vient de dire. Je pense que le projet pédagogique d’une école doit intégrer la nécessité de former des hommes et des femmes qui seront capables de réfléchir à neuf sur les questions qui seront les leurs. Réfléchir autrement qu’en récitant les doctrines construites par les générations antérieures. Je prends un exemple: le rapport aux réseaux sociaux doit absolument être éduqué. Il faut résister à la tentation de nous enfermer dans les bulles dans lesquelles nous ne discutons qu’avec les gens qui pensent comme nous. Nous finissons alors par répéter des mantras. Il ne faut pas jeter les réseaux sociaux, mais il faut avoir un rapport éduqué à ces réseaux. Parallèlement, beaucoup de jeunes se forment aujourd’hui sur YouTube ou via des podcasts. Ils écoutent, pendant une heure, le spécialiste d’une question qui les intéresse. Ils ont ensuite l’impression de connaitre le sujet. Certes, ces outils permettent à nos étudiants les plus brillants d’avoir une culture scientifique impressionnante. Mais c’est une illusion de croire qu’on devient un spécialiste au bout d’une heure! Si un étudiant veut approfondir un sujet, je lui conseille d’éteindre son téléphone, d’aller en bibliothèque, et de passer une heure en silence avec un livre – vous savez, ce truc un peu vieux… Cela fait très ringard. Mais pour aider un jeune à apprendre à penser, je crois qu’il n’y a pas d’autre solution. Il ne faut pas jeter définitivement son téléphone. Mais il faut cultiver cette liberté intérieure qui consiste à l’éteindre pendant un certain temps afin d’avoir la paix, intellectuelle, spirituelle, humaine, pour pouvoir travailler.

Vincent DELCORPS

Catégorie : Société

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