Crise de l’accueil : la Belgique une fois de plus pointée du doigt


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Crise de l’accueil : la Belgique une fois de plus pointée du doigt
Par Armelle Delmelle
Publié le - Modifié le
4 min

Face aux violations répétées du droit à l’accueil des demandeurs d’asile, Amnesty International tire une fois encore la sonnette d’alarme. Son rapport « Ni logés ni écoutés » dénonce une politique délibérément discriminatoire et une mise à mal de l’État de droit.

Où en est la situation dans la crise de l’accueil en Belgique ? Au plus mal si l’on en croit le dernier rapport d’Amnesty International sur le sujet. Invités dans Décryptages, Christophe Renders, Chargé pédagogique, d’analyse et d’animation au Centre Avec, et Patrick Balemba, Chargé d’analyse et d’animation chez Justice nous ont livré leur analyse. Ils appellent à des solutions humaines et structurantes.

Une politique de l’abandon

Depuis plus de trois ans, la Belgique ne parvient plus à assurer un accueil digne à toutes les personnes qui demandent l’asile sur son territoire. « Plus de 3 000 personnes, essentiellement des hommes seuls et racisés, sont aujourd’hui sur liste d’attente », rappelle le rapport d’Amnesty. Ces hommes, souvent originaires de Syrie, d’Afghanistan ou de la République démocratique du Congo, vivent dans la rue, sans accès à l’eau, aux soins ou à un hébergement de base.

Pour Christophe Renders, cette réalité est inacceptable. « Ils viennent demander une protection à la Belgique et doivent survivre dans des conditions indignes », commente-t-il.

Le rapport dénonce non seulement l’inaction de l’État, mais aussi des choix politiques assumés. Parmi ceux-ci, le refus d’activer le plan de répartition des demandeurs d’asile entre les communes, pourtant prévu par la loi. Le gouvernement de l’Arizona va même plus loin en annonçant la suppression de cette possibilité. « Le politique laisse pourrir la situation. Même condamné par la justice, il n’agit pas. On est face à une véritable crise de l’État de droit », s’alarme Christophe Renders.

L’Europe entre solidarité et externalisation

Les manquements de la Belgique interviennent dans un contexte européen tendu, marqué par l’adoption du Pacte européen sur la migration et l’asile. Ce texte, signé en 2024, prévoit un mécanisme de solidarité flexible entre États membres : ceux qui refusent d’accueillir doivent contribuer autrement. Soit financièrement, soit en organisant des retours forcés.

« Ce pacte acte l’idée que plus aucun pays ne pourra se tenir à l’écart de la question migratoire », explique Patrick Balemba. « Mais la Belgique doit jouer le jeu et pas seulement se concentrer sur les expulsions. »

Cette vision européenne entre en contradiction avec la logique sécuritaire adoptée dans le cadre de la politique belge actuelle, qui prévoit entre autres la réduction du nombre de places d’accueil, la priorisation des "plus vulnérables".

Une notion de vulnérabilité qui pourrait par ailleurs sembler arbitraire comme nous l’expliquait Christophe Renders. La plupart des réfugiés sont racisés, « et contrairement, aux réfugiés ukrainiens, qui obtiennent immédiatement une place d’accueil, ce n'est pas le cas pour les personnes qui viennent de plus loin. » Il s’agit ici pour lui d’une discrimination raciale, mais aussi de genre : « un homme presque par défaut ne serait pas vulnérable. »

Les accords de Dublin, un système à bout de souffle ?

Le règlement Dublin III, en vigueur au sein de l’UE, impose que la demande d’asile soit traitée dans le premier pays où le demandeur est entré. Une logique souvent dénoncée comme injuste, car elle surcharge les pays de première ligne (Italie, Grèce, Espagne) et ne tient pas compte des liens familiaux ou culturels des personnes.

Pour Patrick Balemba, il serait temps de revoir le principe même de ces accords. « Il faut plus de flexibilité. Les réfugiés peuvent vouloir choisir eux-mêmes un État où s’installer. Il faut permettre que cette vision de répartition des réfugiés puisse aussi guider l'accueil ou le traitement des dossiers selon les pays auxquels ils se trouvent. »

Des solutions concrètes existent

Malgré le tableau sombre, nos décrypteurs s’accordent à souligner que des alternatives crédibles et humaines existent : couloirs humanitaires, soutien aux initiatives locales d’accueil, investissements dans la coopération au développement, renforcement des services d’intégration. Pour eux comme pour Amnesty International, c’est la volonté politique fait défaut.

« La politique d’accueil coûte cher ? Alors pourquoi supprimer les solutions locales, moins chères et plus humaines ? », interroge Christophe Renders.

Pour Patrick, il est essentiel de lier la politique migratoire à une vision du développement durable, citant les Objectifs de l’ONU – l’objectif 10.7 concerne une migration sûre et respectueuse des droits humains – et le rôle des diasporas comme leviers de transformation.


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