Le pacte migration de l’Union européenne devrait aboutir dans les prochaines semaines après près de trois ans et demi de travail. Des accords et des compromis ont été trouvés au sein des différentes instances qui doivent voter ce texte. Nous faisons le point à quelques jours du vote final au Parlement européen.
Le nouveau pacte migration de l’UE a été présenté en septembre 2020 et le travail est en cours depuis lors. Plusieurs objectifs sont en ligne de mire du Parlement avec ce texte. Tout d’abord, le renforcement des contrôles et de la filtration aux frontières extérieures de l’Union. Cela va de pair avec l’accélération des procédures de retour. Autres objectifs : faciliter la migration légale et renforcer la solidarité entre les pays membres.
Des volets approuvés en théorie
Prenons le volet solidarité approuvé par la majorité des membres (21) en Commission. Quatre membres se sont abstenus, la Hongrie et la Pologne ont voté contre. Ce volet contient deux principes de solidarité entre les États entre lesquels ils auront le choix en cas de crise, comme lors d'une grande affluence par exemple. Première option : accueillir une partie des migrants qui arrivent dans l’Union. Seconde option : aider financièrement ou participer directement à la construction de centres d’accueil dans les pays concernés.
Ces mécanismes de solidarité semblent compliqués à mettre en place quand, déjà avant le vote final, des pays refusent d’y participer. Comme nous l’a expliqué Christophe Renders, chargé d’analyse au Centre Avec, on ne peut logiquement mettre en place ce système que si les 27 sont d’accord avec l’ensemble des propositions. Il reste donc à voir comment ce cadre pourra être imposé et quelles seront les possibles sanctions imposées.
La Belgique pourrait-elle assumer sa part de solidarité ? Surtout quand on sait que, chez nous, des migrants dorment déjà dehors et que l’État refuse de payer ses astreintes. Pour Christophe Renders, ce n’est pas une question d’argent, mais une volonté de ne pas se plier aux décisions de justice pour flatter l’opinion publique. Et en ce qui concerne les places d’accueil, il pointe du doigt la difficulté d’en ouvrir dans les communes ou le refus de la ministre de l’Asile et la Migration de loger les migrants dans les chambres d’hôtel vides.
Les migrants comme les criminels
Un point qui attire l’attention dans ce pacte est encore ce qui se passe aux frontières extérieures de l’Union. Quand un migrant arrive à la frontière, il peut demander l’asile. Sa demande devra être traitée plus rapidement qu’à l’heure actuelle c’est-à-dire en sept jours. En attendant de savoir si leur demande est acceptée ou non, les migrants seront logés dans des centres de détention.
En règle générale, un centre de détention sert à retirer des criminels de notre société. Or, il s’agira ici de priver de liberté des hommes et des femmes qui pourraient être accompagnés d'enfants ou non. Nous parlons bien ici de personnes qui ont fui leur pays pour une raison ou une autre et qui sont accueillies de la manière la moins accueillante que nous pouvons leur proposer. Pendant des années, Christophe Renders a visité les centres fermés à Zaventem où se trouvent les migrants arrivés à l’aéroport. Son constat est que l’accueil qui leur est réservé ne les invite pas à partager leur histoire ou à faire confiance à la personne en face d’eux. "Ils se sentent déjà sanctionnés parce qu'ils sont arrivés".
Le conditionnement des visas
On l’a déjà dit, un des buts assumés du nouveau pacte migratoire sera de renvoyer plus vite chez eux les migrants dont la demande d’accueil est refusée. Pour ce faire, une collaboration avec les pays d’origine est nécessaire. Et pour motiver ces pays à collaborer, l’Union envisage de conditionner la facilité d’octroi des visas légaux pour l’UE à cette collaboration. Ainsi les ressortissants turcs ont plus de facilités à obtenir un tel visa car la Turquie a accepté de collaborer lors de ces rapatriements.
Si cela peut sembler être une bonne idée sur papier, deux points peuvent être soulevés. Faciliter les visas fera en sorte que les mêmes personnes à qui nous avons refusé l’asile pourront revenir légalement. Durcir l’obtention des visas pour d’autres pays a contrario fera que la majorité des ressortissants de ces pays arriveront de manière illégale et devront probablement être renvoyés.
Le pacte sera voté d'ici la fin du mois et le texte devra être voté en séance plénière du Parlement européen. Comme nous l’a expliqué Christophe Renders, "il est illusoire de penser qu’on va stopper l’immigration, il faut plutôt se préparer à l'immigration à venir".