Mort du prêtre Paul De Clerck, grand spécialiste de la liturgie


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Mort du prêtre Paul De Clerck, grand spécialiste de la liturgie
Par Geert De Kerpel
Publié le - Modifié le
6 min

Le père Paul De Clerck, prêtre de l’archidiocèse de Malines-Bruxelles, grand spécialiste de la liturgie, est décédé jeudi 20 février. Il a formé des générations de chrétiens, en particulier à l’Institut Supérieur de Liturgie de Paris.

Paul De Clerck est né à Uccle le 16 octobre 1939 et ordonné prêtre le 26 juin 1964. Il fut notamment vicaire à Uccle, coresponsabele de la pastorale au Sacré-Coeur de Bruxelles, responsable du servie Annonce et Célébration au vicariat de Bruxelles, professeur au et directeur du CETEP et de l'Institut Supérieur de Liturgie à Paris, président de la Societas liturgica, directeur de La Maison Dieu et administrateur paroissial à Notre-Dame de l'Assomption à Woluwe-Saint-Lambert. Paul De Clerck est auteur de nombreux ouvrages et manuels liturgiques.

Ayant acquis une candidature en philologie classique au début de ses études au Séminaire, Paul s’attendait à être nommé professeur dans un collège comme c’était un peu la coutume à l’époque. Mais le Concile Vatican II a croisé sa route. La Constitution conciliaire sur la liturgie, Sacrosanctum Concilium, venait d’être proclamée le 4 décembre 1963, six mois avant l’ordination presbytérale de Paul.

Ayant décelé chez Paul une fibre liturgique certaine, les responsables du Séminaire ont proposé au Cardinal Suenens d’envoyer Paul se former à la nouvelle vision plus théologique de la liturgie et des sacrements développée dans la Constitution ; jusque-là en effet la liturgie était souvent ramenée au simple respect, parfois scrupuleux, de règles pratiques.

L’Institut Supérieur de Liturgie à Paris

Après un cycle de théologie à la Faculté de Théologie de Louvain où Paul a été disciples de quelques grands noms qui ont fait le Concile, Paul se spécialise en Liturgie et Sacrements à l’Institut Supérieur de Liturgie à Paris où il obtient la Maîtrise en Liturgie avec une thèse sur « la prière universelle », thèse traduite en anglais en 2024. Notons que cet Institut a fondé par un moine bénédictin belge Dom Bernard Botte dont Paul a pu recueillir de nombreux enseignements.

Sa formation académique accomplie, Paul pour qui devenir prêtre signifie se mettra au service de la Communauté chrétienne afin de l’aider à célébrer son Seigneur, est rapidement appelé à prendre la responsabilité de la Liturgie et de Sacrements pour le Vicariat de Bruxelles tout en assumant également un enseignement académique tant à Bruxelles, au CETEP qu’à Paris à l’ISL. C’est de cette époque que date une œuvre majeure de Paul, peu connue du grand public et dont lui-même ne faisait pas étalage : l’encyclopédie « Catholicisme » lui demande de rédiger un article conséquent portant sur les fondements historiques et théologiques des ordinations dans l’Eglise catholique incluant bien entendu la vision de Vatican II sur le ministère ordonné. L’article paraît dans le Tome X de l’Encyclopédie en 1985 ; il est important puisqu’il s’étend des colonnes 162 à 206.

Reconnaissance internationale

Sans trop en être conscient, Paul entrait ainsi par la grande porte dans le cercle international des spécialistes de la Liturgie. On ne s’étonnera pas alors que quelques temps plus tard, précisément en 1986 à la recherche d’un nouveau Directeur, l’Institut Supérieur de Liturgie de Paris, lui propose cette charge qui impliquait évidemment des changements importants dans sa vie. Paul était bouleversé par cette demande à laquelle il ne s’attendait évidemment pas ! Ce fut pour lui un vrai combat intérieur : quitter le terrain pastoral de Bruxelles pour se consacrer uniquement à une carrière académique n’allait vraiment pas de soi. Il a fallu le convaincre que l’acceptation de cette requête ne signifiait pas s’éloigner de la pastorale mais bien la servir autrement et de façon très utile puisque cela lui permettait de former en liturgie des hommes et des femmes qui pourraient donner un véritable élan à la vie liturgique des communautés dont ils étaient originaires.

Grâce à cette responsabilité, Paul a pu donner de l’ampleur à son ministère et lui donner une stature internationale dans le monde des liturgistes aussi bien orthodoxes, protestants que catholiques. Il a côtoyé des étudiants venant des quatre coins du monde y compris des deux côtés de la frontière linguistique belge ! Plusieurs étudiants l’on invité à se rendre dans leur pays, ce qui a donné à Paul une vue très large de la situation de l’Eglise dans le monde. Mais Paul restait discret et n’évoquait toutes ses découvertes qu’auprès un petit cercle d’amis.

L’intelligence de la Liturgie

Comme seuls de grands scientifiques en sont capables, Paul, en plus de publications nombreuses et très fouillées, souvent destinées à un public averti, a publié un livre pour tous « L’intelligence de la Liturgie » afin de permettre au plus grand nombre d’entrer dans la compréhension profonde de la Liturgie ; pour lui en effet, la Liturgie ne peut se permettre la médiocrité souvent due à la méconnaissance de sa signification. La première édition date de 1995 ; une seconde qui tenait compte de l’évolution des mentalités et des besoins de l’Eglise a paru dix ans plus tard, en 2005 ; une traduction en Néerlandais a été publiée en 2010. On peut légitimement considéré que ce livre est un peu le testament spirituel de Paul. Ne pas laisser ce livre au fond d’une bibliothèque serait faire honneur à sa mémoire !

Quand sonna l’heure de la retraite académique, Paul a accepté avec grande joie de reprendre du travail pastoral dans une paroisse à Bruxelles ; il débordait de bonheur quand il évoquait son quotidien de curé. Il était très sensible en particulier au fait de pouvoir vivre la Semaine Sainte avec sa communauté locale. C’était pour lui le cœur même de son travail pastoral ; certes, à l’époque de ses engagements académiques, il avait l’habitude d’animer la Semaine Sainte dans l’une ou l’autre abbaye que ce soit en Belgique ou en France, mais vivre le mystère pascal avec sa communauté dominicale était pour lui une expérience nouvelle.

Cette expérience l’a-t-elle préparé à vivre ce mystère dans sa propre chair ? Sans doute. En peu de temps, il est entré dans un long calvaire, un véritable Vendredi saint jusqu’à faire l’expérience même du silence et de la descente aux Enfers du Samedi saint. Nul doute que s’il avait pu répondre à la question de « l’intelligence » de cette épreuve, il aurait dit « je sais en qui j’ai cru » 2Tim 1,12.

Qu’il entre dans la joie de son Maître !

Les obsèques de Paul De Clerck ont eu lieu mercredi 26 février en l’église Notre-Dame de l’Assomption à Bruxelles (Woluwe-Saint-Lambert).

(Nous remercions le Vicaire général honoraire Etienne Van Billoen pour cet in memoriam)

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