Elles sont les compagnes de l’homme dans la Bible. Beaucoup d’entre elles renferment une symbolique. Les plantes peuplent la Bible où se succèdent les jardins. Que nous disent-ils des relations entre l’homme et Dieu?

Adam et Eve au paradis terrestre par Johann Wenzel Peter, 19e siècle
D’origine rurale, c’est pourtant en ville que le dominicain Christophe Boureux a redécouvert le plaisir du jardinage. Professeur à l’Université catholique de Lyon, il s’occupe également de la gestion paysagère et forestière du couvent de La Tourette.
Dessine-moi un jardin biblique
En 2001, il publie un ouvrage (plusieurs fois réédités) où il présente 50 plantes de la Bible et leur symbolique. C’est en préparant une exposition sur le thème des plantes bibliques qu’il s’est pris de passion pour le sujet. « Le pape François a cité mon ouvrage lors d’une conférence où il évoque la symbolique de l’olivier » nous confie l’auteur. Belle reconnaissance! La publication de ce livre devait aussi encourager la création de jardins bibliques comme outil pédagogique pour raconter la Bible.
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Mais l’auteur nous avertit de suite. « La Bible n’est pas un livre de botanique. » Si les plantes y sont présentes en nombre, véritables compagnes de l’homme dans son parcours sur Terre, elles font partie du contrat d’alliance entre Dieu et ses créatures. Leur statut est inférieur à celui des animaux; les plantes ne possédant pas d’âme.
Qui cherche trouve
Parmi les plus emblématiques, la vigne et le blé. L’olivier aussi, dont l’huile précieuse est utilisée pour soigner, apaiser, administrer des sacrements.
Christophe Boureux attire toutefois notre attention sur le figuier. Dans l’épisode où Jésus rencontre Nathanaël*, le figuier témoigne de la capacité de l’homme à se mettre à l’écart pour lire la Bible, méditer la parole de Dieu et s’en nourrir. « Dans l’arbre, on trouve toujours un fruit, explique l’auteur. Quand on cherche bien dans le feuillage touffu, on trouve toujours une figue qui apaise la faim. C’est la symbolique de la quête de sens de l’existence avec les écritures saintes. L’homme qui cherche trouve quelque chose qui va le nourrir, lui redonner force et espérance. »

Le sycomore de Zacchée est aussi très important. « Un peu lourdeux » dans son aspect, ce bel arbre permet toutefois au collecteur de s’élever. Déjà dans l’Ancien Testament, Amos prenait soin des sycomores. Un livre prophétique qui regorge de mentions végétales : « Le Seigneur Dieu me donna cette vision : c’était une corbeille de fruits mûrs » ; « ils planteront des vignes et en boiront le vin ; ils cultiveront des jardins et en mangeront les fruits ».
Jésus, fin connaisseur des us alimentaires de son époque
Au-delà de leur dimension symbolique, la Bible nous enseigne avant tout ce que faisaient les gens avec les plantes. C’est le cas par exemple dans la parabole du fils prodigue (Luc 15, 16). Celui-ci est condamné à nourrir les porcs de gousses de caroubier. « Cette mention montre le conteur génial qu’était Jésus. Il maitrisait les codes des auditeurs de son époque« . Christophe Boureux nous explique que la graine de caroube est utilisée dès l’Antiquité par les bijoutiers et négociants en or pour peser le métal précieux, ce qui a donné le carat. Aujourd’hui, la poudre de caroube est utilisée en diététique (et en cosmétique) comme substitut de la poudre de cacao. On produit également de la gomme de caroube, utilisée dans l’industrie agroalimentaire comme épaississant sous la dénomination E410.
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Les plantes bibliques poussent … dans la Bible !

S’il est une plante mystérieuse entre toutes qui fascine notre imaginaire depuis deux mille ans, c’est bien le buisson ardent de l’Exode. Quelle pourrait bien être cette plante? « Certains ont voulu l’identifier à la fraxinelle dont les glandes oléifères sécrétant des essence inflammables prennent spontanément feu quand il fait chaud« . Une théorie qui ne convainc pas notre auteur-jardinier. « Si vous me demandez où poussent les plantes bibliques, je vous répondrai : dans la Bible! »
Il serait donc vain de vouloir associer les plantes bibliques aux plantes du Moyen-Orient, « elles ne sont pas inféodées à une zone géographique terrestre mais sont liées au milieu culturel des récits bibliques » insiste Christophe Boureux. Prenons encore l’exemple des épines du Christ, utilisées par les soldats romains pour lui tresser une couronne. « Elles symbolisent la violence, la souffrance, le martyr« . Il existe aujourd’hui une plante identifiée comme l’épine du Christ ou la couronne du Christ, un arbuste d’origine malgache qui ne pousse pas en Terre Sainte…
Un remède contre l’infertilité
Christophe Boureux ne résiste pas à nous raconter l’histoire biblique de la mandragore. On la retrouve en Genèse (30, 14-16) et dans le Cantique des Cantiques (7, 13-14). Rachel était mariée à Jacob. Sa stérilité l’empêche d’avoir des enfants, contrairement à sa sœur Léa, elle aussi mariée à Jacob. En effet, le plus grand drame pour une femme dans la Bible est de ne pouvoir donner de descendance.
Rachel réclame donc à sa sœur les plantes trouvées par son fils. Ces plantes ont été identifiées à la mandragore, à qui l’on prête la vertu de fécondité en raison de la forme humaine de sa racine. La mandragore devient ensuite l’emblème de la tribu de Ruben. Le passage du Cantique des Cantiques confirme le rôle aphrodisiaque de la mandragore déjà connu en Égypte.
« Tout commence dans un jardin »

Et que dire sur le jardin? Celui-ci court comme un fil conducteur à travers toute la Révélation, depuis le jardin du Paradis, jusqu’à celui de l’Apocalypse, en passant par le jardin de la terre promise, celui du Cantique des Cantiques, puis par le jardin des Oliviers et celui de la Résurrection. Dans la création originelle, Dieu place l’homme dans un jardin. « Tout commence dans un jardin », souligne Christophe Boureux.
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C’est le jardin foisonnant du Cantiques des Cantiques qui comptabilise le plus de plantes. S’il est le lieu d’amour par excellence dans ce passage, le jardin peut aussi être le lieu de la honte et de la calomnie avec le récit de Suzanne (Livre de Daniel, 13). Lieu d’angoisse et de mort avec Gethsémani. Mais, puisque nous sommes chrétiens, il y a le jardin de la Résurrection, se référant à la Genèse, avec Marie-Madeleine qui reconnait Jésus comme le jardinier, lui qui est le nouvel Adam. Enfin, le jardin de l’Apocalypse est quant à lui réduit à sa plus simple expression: un seul arbre qui fournira des fruits et dont le feuillage guérit. Un arbre qui donnera, comme par hasard, douze récoltes. L’arbre se fait donc thérapeute dans l’évangile de Jean.
Le jardin est un lieu important, lieu de croisement, lieu où le Ciel rencontre la Terre, balisé par les quatre points cardinaux, où toutes les entités vivantes cohabitent dans un savant équilibre voulu par Dieu, « un microcosme dans un macrocosme » dont il est le reflet réduit. Le jardin est aussi un lieu clos, protégé contre la violence du monde. Dieu est donc aussi jardinier*. Par sa Parole, il met les choses à leur juste place. Pour une création harmonieuse.
Sophie DELHALLE
🎙Prochainement, nous interrogerons Christophe Boureux sur le thème de la création dans la Bible.
*Lorsque Jésus voit Nathanaël venir à lui, il déclare à son sujet : « Voici vraiment un Israélite : il n’y a pas de ruse en lui. » Nathanaël lui demande : « D’où me connais-tu ? » Jésus lui répond : « Avant que Philippe t’appelle, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu. » (Jean 1, 47-48)
*Christophe Boureux est aussi l’auteur d’un ouvrage qui porte ce titre, paru en 2014 aux éditions du Cerf