Du 9 au 11 juin a eu lieu à Tirana, capitale de l’Albanie, le congrès annuel des porte-parole et responsables de communication des Conférences épiscopales européennes.
Le congrès n’avait pas pu se tenir depuis trois ans en raison de la pandémie. La joie de retrouver des visages connus venant de tous les coins de notre continent était d’autant plus grande ; nous avons aussi accueillis cinq nouveaux collègues.
Guerre et paix
Le premier grand sujet d’échanges a porté sur la guerre en Ukraine et plus particulièrement sur le rôle des Eglises et religions pour transformer les armes en charrues. Les témoignages de nos collègues ukrainiens Andriy Soletskyy, de l’Eglise catholique grecque ukrainienne, et de Vladyslav Ihnatysyhn, de l’Eparchie (diocèse) catholique de Mukachevo nous ont laissés sans voix. Des millions de civils sont sur la route de l’exil, des milliers ont été tués et beaucoup d’autres blessés. Toutes les infrastructures sont détruites et le reste est autant que possible pillé. Des crimes de guerre inimaginables sont constamment commis. « Cela ressemble à un génocide, on souhaite que nous n’existions plus » dit l’abbé Andriy.
Avec insistance, cet homme de nature douce nous a demandé avec insistance : « ne nous oubliez pas et ne vous habituez pas à la guerre qui a d’ailleurs commencée en 2014 ».
Comment en sortir ? Comment faire un jour la paix, sans encore parler de pardon ? Que peuvent faire les Eglises et les religions ? C’est beaucoup et beaucoup trop tôt pour donner une réponse sérieuse à ces questions essentielles. Il n’y a d’ailleurs pas de réconciliation sans aveu, il faut faire preuve de repentir et faire pénitence. Entretemps nombreux sont ceux en Ukraine et dans les pays voisins qui accueillent des réfugiés et leur procurent un toit. Les paroisses en Ukraine rassemblent toutes sortes de formes d’aide en leur faveur et beaucoup d’autres pays font de même. Les paroisses en Ukraine soutiennent effectivement le front en achetant pour les soldats des vêtements, des jeeps et autres matériels.
Conférence géopolitique
Il n’a pas de mots pour la guerre. C’est ce qui ressort de la très sérieuse conférence géopolitique que nous a donné le père Giulio Albanese. Ce missionnaire a travaillé en de nombreux endroits d’Afrique et a de nombreux contacts dans d’autres continents. Il est par ailleurs un correspondant permanent de l’Osservatore Romano. Il a particulièrement attirénotre attention sur la situation explosive en Afrique qui dans quelques décennies à peine comptera deux milliards d’habitants, qui est riche en minerais que le monde convoite et qui possède une population jeune et très pauvre. L’immigration est inévitable.
Le monde a cependant son attention attirée ailleurs et les spéculations sur les fonds de couverture vont bon train à Chicago et à Paris, de grandes banques et associations d’assurances continuent comme si de rien n’était. L’Eglise doit être selon Albanese la première à dénoncer ces pratiques ; il a tenu un plaidoyer très engagé non pas pour travailler pour les pauvres mais pour enfin travailler avec eux à un véritable développement.
Processus synodal
Entretemps le processus synodal a commencé partout dans le monde à la requête du Pape François. D’abord dans les Eglises locales, ensuite au niveau des continents pour aboutir finalement au prochain synode des évêques à Rome en octobre 2023.
On avait demandé à chaque participant de préparer une présentation du déroulement du processus synodal dans son pays. Il apparaît finalement que les fidèles expriment partout les mêmes souhaits : une Eglise ouverte qui n’exclut personne, qui respecte chacun, qui est proche des gens, de leurs questions, leurs besoins, leur souffrance et leur enthousiasme, qui s’engage en faveur de ceux qui ont le plus de difficultés dans notre société, une Eglise qui permet à chacun de s’épanouir. Bref, une Eglise vraiment synodale.
Albanie
En marge du congrès nous avons rencontré, répartis sur les trois jours, quatre des cinq évêques de l’Eglise catholique en Albanie. Nous avons visité les deux cathédrales où nous avons célébré l’eucharistie ; nous avons participé aux vêpres dans la chapelle d’une petite communauté de Clarisses, visité la cathédrale orthodoxe de Tirana où nous avons été chaleureusement accueilli par l’évêque et nous nous sommes rendus dans une ancienne prison dans laquelle de nombreux prêtres ont été enfermés ; jusqu’à la chute de la dictature communiste, l’Albanie a été dirigée par un des régimes les plus terribles que le monde ait connu. Toute vie religieuse était interdite et qui s’y risquait quand même était poursuivi sans pitié, torturé, enfermé pendant de longues années ou exécuté.
Ce pays pauvre se redresse lentement mais doit aussi faire face à l’exode de nombreux jeunes qui espèrent trouver ailleurs un meilleur avenir. La nature y est grandiose : montagnes, vallée, la mer Adriatique, la plus grande mer intérieure des Balkans. La population est très hospitalière. La vie religieuse reprend : partout apparaissent de petites mosquées et dans les grands centres les cathédrales orthodoxes et catholiques sont reconstruites ou rendues au culte. Les grandes religions y cohabitent tout naturellement.
Les participants au congrès ont rencontré en Albanie une communauté chrétienne chaleureuse et ouverte, restée fidèle au travers des siècles, malgré les persécutions anciennes et encoretoutes récentes, à ses racines qui remontent à l’apôtre Paul lui-même qui au premier siècle a annoncé l’Evangile dans la région et y a trouvé un terrain très fertile !
Geert De Kerpel