Le “démineur” a rendu les armes


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Le “démineur” a rendu les armes
Par Jean-Jacques Durré
Publié le - Modifié le
3 min

Dehaenne 5

C’est avec effarement que la Belgique a appris cet après-midi le décès de l’ancien Premier ministre Jean-Luc Dehaene. Extrêmement affaibli par un cancer, l’ancien "poids lourd" de la politique belge, fan de foot, a donc rejoint définitivement les vestiaires. Son ombre planera pour toujours sur l’Histoire du royaume de Belgique.

Né en 1940, Outre-Quiévrain, alors que ses parents avaient fui la Belgique devant l’invasion allemande, Jean-Luc Dehaene est décédé en France,... là où il était né il y a 73 ans.

Ses formules inimitables, sa carrure de bon paysan flamand, son exceptionnel talent de négociateur est inscrit dans la mémoire de tous les Belges.

"Donnez-moi cent jours!"

Véritable Mr. Bricolage du système institutionnel belge, Jean-Luc Dehaene sera surtout étudié plus tard comme l’homme qui a donné à la Belgique sa structure fédérale.

Trois régions, trois communautés. Sept parlements et gouvernements. Rien n’était insurmontable pour cet acharné de la solution, aussi complexe soit-elle. Lors de l’une de ces crises institutionnelles dont la Belgique a - à son plus grand malheur- le secret, il avait dit à S.M. le Roi: "Sire, donnez-moi cent jours!"

Mais pour certains, le CVP de l’époque n’a pas joué un rôle très unificateur. Si la Belgique a opté pour la forme fédérale, le système adopté en 1993 porte en lui les germes des conflits communautaires actuels. Car il ne faut pas l’oublier, les sociaux-chrétiens flamands ont toujours eu un discours régionaliste, pas toujours bien mesuré par les francophones. Mais celui qui avait une passion pour les coqs (comme… la Wallonie) n’avait jamais balancé vers le flamingantisme. Récemment, il avait même assimilé la N-VA au Vlaams Belang, expliquant que les nationalistes avaient "remplacé les étrangers par les francophones".

L’incarnation de l’Etat-CVP

Dans les années 90, Jean-Luc Dehaene est l’homme incontournable de la politique belge. Pour beaucoup, sa figure de boulet de canon sortant de Val-Duchesse ou ses formules inimitables résumaient la vie politique pas très folichonnes de ces années-crises.

Avec Célie, son amour de toujours, la famille Dehaene pouvait être soudée dans les épreuves. Comme lorsqu’ils perdirent Maaike, leur toute première petite-fille, victime d’un cancer en 1998. Autant il était caricatural devant les caméras, autant Jean-Luc Dehaene était trop pudique pour montrer ouvertement sa foi. Il puisait sa force dans sa famille et son fief brabançon.

Brabançon bon vivant, Jean-Luc Dehaene a fait toute sa carrière dans le "pilier catholique": Scouts, Mouvement Ouvrier Chrétien, cabinet de Wilfried Maertens. Capable dans la même journée de négocier des accords institutionnels et d’aller bêcher son jardin de Vilvoorde, il était l’incarnation personnifiée du politicien bon vivant mais intraitable. Si la négociation eut été un sport olympique, le "démineur" en aurait été le médaillé d’or. Issu de l’aile gauche du CVP, il se définissait comme social-chrétien. Comme démocrate-chrétien, il lui sera fait le reproche d'avoir bénéficié de plantureux revenus chez Dexia, malgré les mauvais résultats financiers de la banque qu'il présidait. Une fausse note de ses dernières années, pour quelqu’un qui a imposé de dures années de rigueur budgétaire à la Belgique.

Ce soir, le royaume de Belgique n’a pas seulement perdu l’un des ses plus grands hommes d’Etat, mais son club fétiche, le FC Bruges, a aussi perdu son 12e homme.

M.B

Catégorie : Belgique

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