Les Frères musulmans, persécuteurs ou persécutés ?


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Les Frères musulmans, persécuteurs ou persécutés ?
Par Jean-Jacques Durré
Publié le - Modifié le
3 min

Henri BouladNé le 28 août 1931, le père Henri Boulad est un jésuite égyptien, auteur de près d'une trentaine de livres. Bon connaisseur de l'Islam, défenseur et militant des droits de l'homme, il est un observateur privilégié du Printemps arabe, et en particulier de la Révolution égyptienne de 2011. Il appelle l'Occident à ne pas céder au cynisme, à soutenir les aspirations des peuples à la liberté, et à ne pas s'allier aux fondamentalistes religieux. Il vient de signer un texte au titre plutôt provocateur "Pauvres Frères musulmans persécutés!"

Celles et ceux qui connaissent le père Henri Boulad savent qu'il n'a pas sa langue en poche et n'a pas peur de prendre des risques. Dans le dernier texte qu'il vient de publier sur Internet, il se montre particulièrement acerbe à l'égard de l'Occident, dont il ne comprend pas les prises de position actuelles concernant la répression des Frères musulmans en Egypte. "Pauvres Frères musulmans victimes de la violence!", s'écrie-t-il provoquant. "Ces gentils moutons, bien connus pour leur douceur et leur innocence, sont l'objet de procédés inacceptables. Il faut donc les défendre contre les loups dévorants de l'armée et de la police égyptienne." Et le jésuite de citer les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la Turquie, l'ONU… "qui se lèvent comme un seul homme pour dénoncer l'injustice, défendre les innocents et invite le monde à voler à leur secours."

Le rôle ambigu de l'Occident

Pour le père Boulad, cette levée de boucliers a quelque chose de tragi-comique. Evoquant l'arsenal de guerre retrouvé dans la mosquée de Rabaa, où s'étaient enfermées les islamistes, la terreur qu'ils ont fait régner ces dernières semaines dans l'ensemble de la population, les postes de police pillés et brûles, les mausolées soufis détruits, les familles chiites massacrées, la cinquantaine d'églises, écoles et institutions chrétiennes brûlées dans la seule journée du 14 août, il s'étonne que tout cela n'ait suscité aucune émotion, dénonciation ou réaction de l'Occident. Pire, "lorsque l'Egypte décide enfin de réagir pour mettre un peu d'ordre dans la baraque, l'Occident crie à la persécution, à l'injustice, au scandale".

Pourtant, rappelle-t-il, "ce n'est un secret pour personne que les élections présidentielles furent une vaste mascarade et que le scrutin fut entaché d'énormes fraudes". "Malgré tout, les médias persistent à affirmer que Morsi a été le premier président de l'histoire d'Egypte élu 'démocratiquement' et qu'il a pour lui la 'légitimité"." Le père Henri Boulad remercie donc les militants du mouvement "Tamarrod" qui, en moins de deux mois, affirment avoir rassemblé plus de 22 millions de signatures réclamant le départ du président Morsi. Ce sont également eux qui sont à l'origine de la mobilisation du 30 juin ayant conduit au renversement de ce dernier.

Un coup d'Etat populaire, et non militaire

Pour le jésuite, il ne s'agit pas d'un "coup d'Etat", comme le laissent entendre la plupart des médias occidentaux. "Si 'coup d'Etat' il y a eu, celui-ci fut populaire et non militaire, l'armée n'ayant fait qu'obtempérer à la volonté du peuple", écrit-il. "Celui-ci, excédé par un président qui l'avait trompé, floué, berné, a, donc, par une réaction de survie, réclamé son départ." Le religieux rappelle, par ailleurs, que l'armée a souhaité associer les Frères musulmans en leur proposant de faire équipe avec les autres tendances, mais qu'elle s'est heurtée à "un refus obstiné et systématique".

Dans son texte, le père Boulad évoque un autre point, dont les médias ont très peu parlé et qui pourrait pourtant, à lui seul, justifier l'intervention de l'armée. Selon le général Amr, qui instruit actuellement le procès du président déchu Mohamed Morsi, ce dernier "a voulu vendre 40% du Sinaï pour 8 milliards de dollars afin de le rattacher à la bande de Gaza'". "C'est", affirme-t-il, "Barack Obama qui a proposé ce deal." Il semble aussi que Morsi était sur le point de vendre le sud de l'Egypte au Soudan et a donné son feu vert à l'Ethiopie pour construire un barrage qui réduirait de trois quarts l'eau du Nil. Aucun démenti n'a été apporté, à ce jour, tant par les Américains que par les Frères musulmans.

P. A.

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