Puisqu’à l’approche des élections, on en est à réfléchir aux enjeux, il n’est peut-être pas inutile que chacun dresse le bilan de ce qu’il a vécu et en témoigne. Je ne suis évidemment pas le seul à penser que la qualité de l’éducation est un enjeu prioritaire, et que celle-ci, pour le moins, consiste à rechercher un meilleur équilibre entre les différents secteurs de notre vie en société.
Mais de quel équilibre parle-t-on ?
Avant tout, il s’agit de trouver un point d’équilibre entre deux dimensions de la vie : l’horizontalité et la verticalité.
L’horizontalité, s’appuyant entre autres sur la politique, l’éducation, la médecine ou la technologie, s’attaque à la misère et au mal, contribuant ainsi à une plus grande justice sociale et à une meilleure réalisation de l’individu.
La verticalité quant à elle, à travers la méditation, la prière, l’intuition philosophique ou artistique...(les méthodes sont multiples et variées, à la portée de tous, croyants ou incroyants) expérimente l’invisible et cherche à s’élever au-dessus des angoisses de la finitude, de la faute et de l’absurdité.
Bien entendu, pour qu’un réel équilibre s’établisse, les deux dimensions doivent agir simultanément, et à dose à peu près équivalente, au sein de la personne : trop de verticalité plonge l’homme dans une mystique stérile, parce que trop isolée du monde, et sans volonté ni force pour le changer ; trop d’horizontalité le plonge dans un activisme forcené ; car même s’il cherche très honnêtement à améliorer la vie sociale et la vie personnelle, son manque de force spirituelle le rend incapable de dépasser le fini, et il devient rapidement la proie d’un matérialisme incontrôlable.
Or, nous souffrons tous, individuellement, collectivement, à des degrés divers, d’un profond déséquilibre. Et tous, quel que soit notre statut social, nous avons un jour ou l’autre pointé, dans une conversation, un seul et unique responsable de notre déséquilibre : un déficit de profondeur, de sensibilité, d’humanité...de verticalité en somme. Ainsi, privés de repères et pleins d’hésitations, nous entravons de multiples manières notre progression sur le chemin de nos désirs: nous avançons, nous reculons, nous pataugeons, et au bout du compte, nos épuisantes tergiversations nous font abandonner notre idéal pour suivre le courant du monde. Un monde qui, du progrès, nous impose une idée fallacieuse : par mille et un stratagèmes (objets, machines, systèmes), il cherche à éliminer nos efforts, à rendre superflus le compagnonnage, l’entraide, la charité et l’amitié même, qui désormais s’achètent, bien plus souvent qu’ils ne s’offrent. Un progrès de ce type aliène les gens, et peu à peu les détruit.
Le diable est un jeune homme moderne, ouvert et sympathique. L’angélisme est sa vraie nature.(1) Il est celui qui essaye de persuader que toutes choses – même l’amour – peuvent être faites sans amour. En ce sens, l’homme moderne est celui qui s’est laissé persuader (2).
Vous qui croyez pouvoir contrer le diable et me faire retrouver l’équilibre, prévenez-moi sans délai, je voterai pour vous !
(1) Christian Bobin, Ressusciter
(2) Charles Baudouin, Christophe le passeur
Baudouin De Rycke, enseignant, auteur, Montigny-le-Tilleul