Editorial de Pascal André, paru dans "Dimanche Express" n°14 du 14 avril 2013 :
Crise chypriote, affaire Cahuzac en France, Offshore Leaks… L'actualité est parfois faite d'enchaînements vertigineux. Jamais encore, jusqu'à présent, les paradis fiscaux et le secret bancaire n'avaient fait l'objet d'une telle dénonciation médiatique. Et c'est heureux, car ceux-ci représentent une réelle menace pour nos démocraties. Chaque année, en effet, des milliers de sociétés et de particuliers essaient d'échapper à l'impôt en ouvrant des comptes dans des lieux d'évasion fiscale tels que les îles Vierges, les îles Caïmans, Samoa ou encore Singapour. Echapperait ainsi au fisc l'équivalent des PIB des Etats-Unis et du Japon additionnés. Et rien que pour la Belgique, on parle d'un manque à gagner annuel de 9 milliards d'euros. Des sommes colossales, qui, bien utilisées, permettraient sans doute aux Etats de mieux surmonter la crise actuelle.
Les révélations du Consortium international des journalistes d'investigation sont d'autant plus choquantes que cela fait des années qu'on nous annonce des mesures contre ces pratiques frauduleuses. On repense notamment aux Etats membres du G20 qui, dès 2009, avaient brandi de mâles intentions envers les paradis fiscaux. A les entendre, on allait en finir avec les trous noirs d'un système couvrant tous les abus. Quatre ans plus tard, ils en sont toujours à discuter de la définition du "paradis fiscal". De ce point de vue, l'Offshore Leaks pourrait être salutaire et stimuler les autorités à agir. Car tout reste à faire.
A l'heure où l'on demande à la plupart des citoyens européens de se serrer la ceinture à cause des politiques d'austérité, il est urgent d'aller chercher l'argent là où il est réellement, et non dans la poche de celles et ceux qui ont déjà tant de mal à boucler les fins de mois. Bien sûr, il est toujours facile de formuler des revendications et infiniment laborieux de les mettre en œuvre, surtout au niveau international. Il suffit de voir les débats que cela occasionne rien qu'au sein de l'Union européenne. Mais cette difficulté ne doit pas nous empêcher de continuer à mettre la pression sur nos dirigeants et à réclamer davantage de justice fiscale. Car, si l'on ne renforce pas les règles, les moyens de contrôle et la coopération transfrontalière, il y en aura toujours qui profiteront des failles du système pour échapper à leur devoir citoyen. Un comportement égoïste, qui est totalement inacceptable, en cette période où l'on aurait plutôt besoin de la solidarité de tous.