Editorial du P. Charles Delhez, paru dans le « Dimanche Express » n°10 du 11 mars 2012 :
Les chiffres sont alarmants. L’enquête sur les valeurs des Belges menée par l’UCL et la KUL (« Dimanche » du 4 mars) parle de « détraditionnalisation » galopante. En Wallonie et à Bruxelles, elle repère seulement 3% de catholiques « actifs », membres d’une communauté et allant à l’église au moins une fois par mois. Et ce sur fond d’une confiance en l’Église au plus bas. Si les indicateurs utilisés peuvent toujours être affinés, on ne peut cependant nier une tendance lourde. Il suffit de se trouver en face de jeunes pour percevoir qu’ils sont à mille lieues de la tradition catholique de leurs grands-parents, les parents se situant déjà à distance. L’assemblée des Scouts, ce vendredi 2 mars, en a pris acte.
À Rome, au mois d’octobre prochain, s’ouvrira le synode pour la nouvelle évangélisation. Le premier projet de l’instrument de travail (« Instrumentum laboris ») est préoccupé par la fécondité de l’évangélisation. Il constate la présence de « certaines influences de la culture actuelle qui rendent particulièrement difficile la transmission de la foi et présentent un défi pour les chrétiens et pour l’Église ». Du côté de la base, dans différents pays d’Europe, la contestation des prêtres et des fidèles grandit. Ce mouvement a démarré en Autriche, a gagné l’Allemagne, l’Irlande, la France et atteint maintenant la Belgique, surtout dans le Nord. Début février, une délégation était reçue par l’ensemble des évêques flamands et par Mgr Léonard, archevêque de Malines-Bruxelles.
Faut-il y voir une cacophonie? Rien n’est moins sûr. Il s’agit plutôt d’une symphonie à deux voix qui se cherche. Car qui oserait nier que le souci est le même en haut et en bas, celui de l’évangélisation? Seules les sensibilités diffèrent, mais parfois fortement. Il y a ceux qui veillent jalousement aux richesses de la tradition (tout en étant conscients des évolutions nécessaires) et ceux qui sont davantage sensibles aux acquis de la modernité (sans en nier les ambiguïtés). Éternelle tension. Le Nouveau Testament en est déjà marqué. À l’époque, c’était entre les chrétiens d’origine juive et ceux issus du monde gréco-romain, les « païens ». Il fallut l’assemblée de Jérusalem (Actes des Apôtres 15). Puisse, comme au temps des origines, cette symphonie qui se cherche se déployer en un accord final, car il y va de l’urgence de l’Évangile dans ce monde en pleine mutation culturelle.