Ce jeudi 9 janvier, le pape François a présenté ses vœux pour la nouvelle année aux 184 membres du corps diplomatique accrédités près le Saint-Siège. Alors que le monde traverse de nombreuses turbulences, il les a invités à développer une diplomatie de l’espérance, fondée sur quatre piliers que sont la vérité, le pardon, la liberté et la justice.
C'est un discours très dense - une quinzaine de pages - que François a communiqué aux diplomates. Grippé, le pape n'en a lu que les deux premiers paragraphes, avant de passer le relais à Mgr Filippo Ciampanelli, sous-secrétaire du dicastère pour les Eglises orientales. D'emblée, le texte a évoqué le climat général de polarisation et de peur dans nos sociétés, à travers les "exemples tragiques" que constituent les actes "odieux de terreur" récents, comme à Magdebourg en Allemagne, à la Nouvelle-Orléans aux États-Unis, ou dans un autre registre, les attentats contre le Premier ministre slovaque ou le futur président élu Donald Trump.
La rencontre plutôt que la démarcation identitaire
"Les frontières modernes prétendent être des lignes de démarcation identitaires où la diversité est un motif de méfiance, de défiance et de peur", a regretté le Souverain pontife dans son discours, souhaitant que, pour l’année jubilaire en cours, "la logique de la rencontre" prévale sur "la logique de l’affrontement". Ce qui implique la nécessité diplomatique de favoriser le dialogue "avec tous", "y compris avec les interlocuteurs considérés comme les plus 'gênants' ou que l’on ne considère pas comme légitimes pour négocier". Pour le pape argentin, c'est "le seul moyen de briser les chaînes de la haine et de la vengeance qui emprisonnent", et "de désamorcer les dispositifs de l’égoïsme, de l’orgueil et de la fierté humaine à l’origine de toutes les volontés belliqueuses qui détruisent".
Manipulation des consciences à l’ère de l’IA
L’évêque de Rome a ensuite exhorté les ambassadeurs à devenir, en 2025, les tenants d’une "diplomatie de l’espérance", irriguée, d’abord, par la vérité. Un défi au siècle de l’intelligence artificielle, pouvant être utilisée abusivement "comme moyen de manipulation des consciences à des fins économiques, politiques et idéologiques". François estime que les limites et les pièges de ces nouveaux moyens de communication ne doivent pas être tus. Ils contribuent souvent, d’après lui, "au rétrécissement des perspectives mentales, à la simplification de la réalité, au risque d’abus, à l’anxiété et, paradoxalement, à l’isolement, en particulier par l’utilisation des réseaux sociaux et des jeux en ligne".
Plus concrètement, l’essor de l’IA amplifie les inquiétudes du pape concernant les droits de propriété intellectuelle, la sécurité de l’emploi pour des millions de personnes, le respect de la vie privée et la protection de l’environnement contre les déchets électroniques (e-waste). François, dénonçant souvent la colonisation idéologique, regrette que la technologie alignée sur des intérêts commerciaux n’engendre encore plus une culture consumériste.
Reconstruire les ponts du dialogue
Outre celle de la vérité, le Successeur de Pierre a évoqué la diplomatie du pardon, souhaitant pour cette année 2025 la paix, "avant tout", en Ukraine. François voit des signes encourageants, mais constate qu’il reste "encore beaucoup à faire" pour construire les conditions d’une paix juste et durable et "pour panser les plaies infligées par l’agression".
Concernant le Proche-Orient, le Pape renouvelle son appel à un cessez-le-feu et à la libération des otages israéliens à Gaza, demandant à ce que la population palestinienne reçoive toutes les aides nécessaires. "Mon souhait est que les Israéliens et les Palestiniens puissent reconstruire les ponts du dialogue et de la confiance mutuelle, en commençant par les plus petits, afin que les générations futures puissent vivre côte à côte dans deux États, en paix et en sécurité, et que Jérusalem soit la 'ville de la rencontre' où chrétiens, Juifs et musulmans cohabitent en harmonie et dans le respect", a-t-il déclaré.
L'inobservance du droit international
Le Saint-Père, a également ciblé la prolifération d’armes "toujours plus sophistiquées et destructrices" au lieu d’éradiquer la faim par un Fonds mondial, ou encore l’inobservance du droit international humanitaire sur les nombreux théâtres de guerre. Parmi eux, le Pape pense aussi aux conflits persistant en Afrique: au Soudan, le Sahel, dans la Corne de l’Afrique, au Mozambique, dans l’Est de la RDCongo, où "la population est affectée par de grandes carences sanitaires et humanitaires, parfois aggravées par le fléau du terrorisme, entraînant des pertes en vies humaines et le déplacement de millions de personnes»" Le tableau s’obscurcit avec les effets dévastateurs des inondations et de la sécheresse dans les diverses régions du deuxième continent le plus peuplé du monde.
La liberté religieuse, une condition pour la paix
Troisième pilier de la diplomatie : la liberté, en particulier la liberté religieuse. Mentionnant le Nicaragua, le Pape a rappelé que le Saint-Siège, "toujours disponible pour un dialogue respectueux et constructif", suit avec inquiétude les mesures prises à l’encontre des personnes et des institutions de l’Eglise, espérant que la liberté religieuse soit adéquatement garantie.
"Il n’y a pas de paix véritable si la liberté religieuse n’est pas également garantie, ce qui implique le respect de la conscience des individus et la possibilité de manifester publiquement sa foi et l’appartenance à une communauté", a-t-il ajouté, préoccupé par "des expressions grandissantes de l’antisémitisme" qu’il condamne fermement et dont il constate qu’elle touchent un nombre croissant de communautés juives dans le monde.
Le Souverain pontife n'a pas manqué non plus de faire référence aux nombreuses persécutions contre diverses communautés chrétiennes, souvent perpétrées par des groupes terroristes, notamment en Afrique et en Asie, ou dans des formes plus "délicates" de limitation de la liberté religieuse, rencontrées en Europe.
La dignité des personnes migrantes
L'appel à "la diplomatie de la liberté" a aussi été l'occasion d’évoquer les pratiques d’esclavage subsistantes, notamment dans le travail, la toxicomanie ou la traite humaine, qui nécessitent l’engagement de la communauté internationale. François s’est tourné vers les migrants parcourant périlleusement l’Amérique centrale, le Sahara, la Manche ou la Méditerranée, regrettant que les migrations soient toujours entourées d’un sombre nuage de méfiance, au lieu d’être perçues comme une source de croissance. "Les personnes en déplacement ne peuvent être assimilées à des objets à ranger; elles ont une dignité et des ressources à offrir aux autres", a répété le Saint-Père.
L'nnulation des dettes, signe de justicejustice
Enfin, la diplomatie de l’espérance est une "diplomatie de la justice" sans laquelle il ne peut pas y avoir de paix. Le Jubilé 2025 est un moment propice pour pratiquer la justice, remettre les dettes et commuer les peines des prisonniers. "Aucune dette ne permet à quiconque, pas même à l’Etat, d’exiger la vie d’autrui", a martelé le Pape, rappelant que nous sommes tous prisonniers car débiteurs: envers Dieu, le prochain et la Terre.
Et François de citer comme manifestation extrême de la nature les inondations dévastatrices en Europe centrale et en Espagne, ainsi que les cyclones qui ont frappé Madagascar au printemps et, juste avant Noël, le département français de Mayotte et le Mozambique. "Nous ne pouvons pas rester indifférents à cela! Nous n’en avons pas le droit! Au contraire, nous avons le devoir de déployer un maximum d’efforts pour sauvegarder notre maison commune, celle de ceux qui l’habitent et qui l’habiteront", a-t-il lancé, priant les nations les plus aisées d’annuler les dettes des pays qui ne pourront jamais les rembourser.
A cela s'ajoute une nouvelle forme d’injustice : la “dette écologique” entre le Nord et le Sud, que l'on doit pouvoir convertir en politiques et programmes efficaces, créatifs et responsables de développement humain intégral. "Que l’espérance fleurisse dans nos cœurs et que notre époque trouve la paix qu’elle désire tant", a ultimement souhaité François aux représentants de 184 États.
D'après Delphine Allaire - Vatican News
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