UCLouvain: les 600 ans d’une université catholique


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UCLouvain: les 600 ans d’une université catholique
C'est sur la Grand-Place de Louvain-la-Neuve que trône la Faculté de Théologie et de sciences des religions ©CathoBel
Par Vincent Delcorps
Publié le - Modifié le
4 min

C'est en 2025 que l'Université catholique de Louvain célèbrera son 600e anniversaire. Une longue histoire qui a débouché sur la création de... deux universités! En ce mois de septembre, le pape François, en visite en Belgique, ira à la rencontre des deux communautés, à Leuven le 27, et à Louvain-la-Neuve le 28.

Le 9 décembre 1425, le pape Martin V signe, à Rome, la bulle Sapientie Immarcessibilis marquant la création d'une nouvelle université. Celle-ci s'appelle "université de Louvain" et est établie dans le duché de Brabant, dans l'actuelle ville de Leuven. Logique: le pape répond en effet à une demande exprimée alors par Jean IV, duc de Brabant. Trois facultés composent alors l'université: les Arts, le droit et la médecine. Dès 1432, à l'initiative du pape, une faculté de Théologie voit aussi le jour.

De Malines à Leuven

Les suites de la Révolution française vont être fatales à l'Université de Louvain. Alors que les provinces "belges" sont annexées à la France, l'université est supprimée en 1797. Suite au Congrès de Vienne, les provinces du Sud sont annexées au Royaume Uni des Pays-Bas. En 1817, son souverain, Guillaume d'Orange, crée une université d'Etat... à Louvain. Mais dès 1830, la Belgique proclame son indépendance. L'Eglise catholique, force motrice de la création de ce nouvel Etat, s'appuie sur la liberté d'enseignement proclamée par la Constitution pour créer une nouvelle université. En 1834, à l'initiative des évêques, une "Université catholique de Belgique" voit le jour à Malines. Dès l'année suivante, l'université d'Etat de Louvain est supprimée, et l'université catholique s'y installe tout naturellement. S'inscrivant dans la lignée de l'université médiévale, elle est alors rebaptisée "Université catholique de Louvain".

"Walen buiten"

Etablie en territoire flamand, l'université est longtemps un bastion francophone. Logique: à l'époque, en Belgique, la langue des élites est le français. Avec le temps, cependant, un Mouvement flamand s'organise. Revendiquant une série de droits, il en vient aussi à dénoncer l'enseignement en français sur son territoire. Vers 1960, alors que le nombre d'étudiants flamands dépasse le nombre d'étudiants francophones, la situation se tend. Petit à petit, un slogan commence à se faire entendre: "Walen buiten" ("les Wallons dehors"). Pourtant, en 1966, les évêques de Belgique, membres du pouvoir organisateur de l'université, maintiennent leur volonté de ne garder qu'une seule université.

Scission et réconciliation

Deux ans plus tard, la pression est devenue énorme. Et l'épiscopat se divise: le 2 février 1968, Mgr De Smedt, évêque de Bruges, indique rejoindre l'opinion du peuple flamand - favorable à une scission. L'affaire est devenue politique. Le Parti social-chrétien, parti du Premier ministre Vanden Boeynants, se déchire, provoquant la chute du gouvernement. Dans la foulée, il est décidé de scinder l'université et de transférer la totalité de la section francophone sur de nouveaux sites - essentiellement à Louvain-la-Neuve, mais aussi à Bruxelles. C'est au cours des années 1970 que, de manière progressive, le déménagement se fera. Dans un climat houleux: sans aucune logique, les livres des bibliothèques seront répartis selon leur cote - paire d'un côté, impaire de l'autre.

En 2024, les deux universités ont décernés des mêmes titres de doctorats honoris cause, lors d'une cérémonie commune ©UCLouvain

Au cours de longues décennies, c'est de manière assez indépendante que les deux universités vont fonctionner. Depuis plusieurs années, plusieurs pas sont toutefois posés entre les deux établissements en vue de collaborations plus appuyées. Pointons le jumelage entre les deux communes en 2017 ou la remise d'insignes de doctorats honoris causa communs en 2024.

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Un "C" de plus en plus discret

Une autre évolution est celle de l'identité catholique de l'université. En 1969, quand l'université francophone prend son envol, c'est tout naturellement un ecclésiastique qui en devient recteur. Mgr Edouard Massaux restera en fonction jusqu'en 1986. C'est un laïc qui lui succèdera alors: Pierre Macq sera recteur de 1986 à 1995. Ce chrétien convaincu sera attaché à l'identité catholique de l'université - même s'il sera capable de s'opposer à Rome lorsqu'il estimera que la liberté de ses chercheurs était menacée.

Vers 2010, un vif débat s'ouvre au sein de la communauté universitaire: le maintien du "C" est-il pertinent? Pétition et contre-pétition se succèdent, divisant la communauté. La décision est finalement prise de maintenir le "C". En 2014, la décision est toutefois prise d'abandonner le logo de la "Sedes Sapintiae" (Marie portant son fils Jésus sur les genoux). Lorsque l'Université catholique de Louvain devient UCLouvain, en 2018, le "C" se fait aussi un peu plus discret. Dans son appellation anglophone, la fameuse lettre est même carrément abandonnée: l'UCLouvain est aujourd'hui la "Université of Louvain".

Aujourd'hui, pour Françoise Smets, le "C" indique surtout de l'université qu'elle est "libre, ouverte et engagée". La rectrice tient à marquer ses claires distances par rapport à l'Eglise. Et a annoncé que la communauté universitaire interpellerait sérieusement le pape François sur une série de ses prises de position à l'occasion de sa venue en Belgique.


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