Emmaüs a dévoilé les abus de l’abbé Pierre, et après ?


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Emmaüs a dévoilé les abus de l’abbé Pierre, et après ?
Un grafiti représentant l'abbé Pierre, dans le jardin partagé Les deux Nèthes, à Paris (CCBY SA NC: Brigitte Rieser, www.klasse-im-garten.at)
Par Armelle Delmelle
Publié le
3 min

Début juillet, une révélation choc a secoué l’opinion publique : l'abbé Pierre, figure emblématique de la charité, était également un prédateur sexuel. Sept femmes ont témoigné, et le mouvement Emmaüs a invité d’autres potentielles victimes à se manifester. Face à ces nouvelles révélations, une question persiste : en aura-t-on jamais fini avec ces affaires d’abus sexuels ?

Pour le frère Laurent Mathelot, dominicain, et Suzanne Bécart, doctorante en théologie, la réponse est sans équivoque : non. « Il y aura toujours de nouveaux prédateurs », affirme Fr. Laurent Mathelot, invité dans l'émission Décryptages. Suzanne Bécart ajoute : « Il est temps d’agir en mettant en œuvre les 45 recommandations de la CIASE », formulées en 2021 pour lutter contre les abus au sein de l’Église.

« On tombe toujours de haut »

L’abbé Pierre, par son engagement en faveur des plus démunis, avait acquis une réputation d’homme exemplaire. « Quand une figure aussi respectée tombe de son piédestal, c’est une déception humaine profonde », confie Fr. Laurent Mathelot. Ce sentiment de trahison est partagé par beaucoup, d’autant que ces révélations touchent souvent des personnes inattendues.

Depuis le mouvement Me Too, les stéréotypes concernant les agresseurs sexuels ont été mis à mal. « Il est important de comprendre que les prédateurs ne sont pas toujours ceux que l’on imagine », explique Suzanne Bécart. « Ils peuvent être des figures puissantes, respectées et populaires, mais aussi des personnes ordinaires, parfois même proches de nous. » Fr. Laurent Mathelot renchérit : « Ce peut être monsieur et madame tout le monde. »

Cependant, il met en garde contre la tentation de généraliser : « J’espère qu’il existe encore des saints. Je crois qu'il y a beaucoup de personnes honnêtes dans l'Église, et elles sont, je l'espère, majoritaires. » Si de nouvelles affaires émergeront, nous découvrirons aussi des histoires de personnes qui auront fait le bien autour d'elles.

Libérer la parole

Malgré les avancées, beaucoup de victimes hésitent encore à parler. Plusieurs raisons expliquent ce silence, et la première est souvent la sidération face à ce qu’elles ont vécu. Fr. Laurent Mathelot, qui accompagne des victimes de prêtres, souligne : « Les victimes ressentent parfois une lourde culpabilité d’être restées silencieuses. »

Cependant, tant que les victimes ne témoignent pas, les coupables ne peuvent être punis. Pire encore, ils peuvent continuer à faire des victimes. Suzanne Bécart partage l’histoire d’une amie qui a décidé de témoigner pour encourager d'autres victimes à faire de même. « Le prêtre qui l’a abusée est toujours en contact avec des jeunes. Son principal objectif, pour se reconstruire, est de s'assurer que tout le monde soit en sécurité et que ces abus cessent. »

« Écouter en silence »

En tant qu’accompagnateur de victimes, Fr. Laurent Mathelot donne quelques conseils pour ceux à qui une victime viendrait se confier. « Le premier conseil est d’écouter en silence, sans poser de questions. » Il préconise également de ne pas essayer de réconforter la personne avec des phrases comme “je te comprends”. « Il ne faut pas non plus poser de geste sans une autorisation explicite », précise-t-il, car certaines victimes restent très sensibles au contact physique.

Enfin, il conclut : « Dans un second temps, il est important de remercier la personne pour le courage qu’elle a eu de se confier. »


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