23/02/2024 – L'archevêque Luc Terlinden, les évêques Guy Harpigny et Johan Bonny, le secrétaire général de la Conférence des Évêques Bruno Spriet et le porte-parole francophone de la Conférence Tommy Scholtes ont été entendus ce vendredi après-midi par la Chambre au sujet des abus sexuels dans l'Église catholique en Belgique.
Les représentants de l'Église catholique ont avant tout souligné aux députés que les abus sexuels sont con- traires à tout ce que l'Église veut représenter : la proclamation de la Bonne Nouvelle dans la société, sa crédibilité et son plaidoyer pour la charité. "L'Église aurait dû prendre la défense des victimes et combattre chaque abus par tous les moyens possibles", ont déclaré les évêques.
Cependant, l'Église, comme la société dans son ensemble, manquait de connaissance et de compréhension. Dans l'Église, comme dans d'autres milieux, on a improvisé des solutions, au lieu d'assumer une responsabi- lité morale et de montrer ainsi à la société la bonne voie. Comme ils l'ont fait récemment devant le Parlement flamand, les évêques ont une fois de plus exprimé leurs excuses et leur compassion à l'égard des victimes, de leur famille et de leurs proches.
En Belgique, tant dans la société que dans l'Église, l'affaire Dutroux, en 1996, a marqué un véritable tournant et le début d'un processus d'apprentissage qui se poursuit encore aujourd'hui. En 1997, l'Église a mis en place deux points de contact pour le signalement des abus sexuels dans une relation pastorale. En janvier 2000, à la demande des évêques, une commission a été créée pour traiter les plaintes d'abus sexuels dans une relation pastorale. Elle a d'abord été dirigée par Godelieve Halsberghe, magistrate honoraire, puis par le pro- fesseur Peter Adriaenssens.
Lorsque Roger Vangheluwe a dû démissionner à la mi-2010, cette commission a été complètement débordée et a fonctionné comme une sorte de commission de vérité ou de conciliation. La saisie de tous les dossiers par le ministère de la Justice a rendu impossible la poursuite de ses activités. Ensuite, à l'automne 2010, la commission spéciale de la Chambre a été mise en place pour "Le traitement des abus sexuels et des faits de pédophilie dans le cadre d'une relation d'autorité, en particulier au sein de l'Église".
L'Église a fait du rapport final de la Chambre 2011 son programme
Les évêques ont souligné qu'elle a fait de toutes les propositions du rapport final 2011 de la Chambre son programme, sous la supervision critique d'une commission parlementaire de suivi. Année après année, des rapports de suivi ont été publiés. Dans aucun autre pays au monde, les autorités ecclésiastiques ne se sont soumises au législateur et n'ont travaillé avec lui de manière aussi étroite.
La principale recommandation de la Chambre en 2011 était la création d'un centre d'arbitrage permettant aux victimes de délits prescrits par la justice d'être entendues et reconnues et, si elles le souhaitaient, de recevoir une compensation matérielle pour leur souffrance morale. L'Église a fidèlement mis en œuvre cette
mesure et les rapports de la commission parlementaire de suivi sont remarquablement positifs concernant son approche.
Cependant, sur proposition du Parlement, les signalements au centre d'arbitrage étaient temporaires jusqu'à la fin de 2012. Par la suite et en l'absence d'une alternative à part entière, les points de contact des églises ont continué à fonctionner selon les mêmes principes que l'arbitrage. Si 628 signalements étaient passés par l'arbitrage, les années suivantes, les points de contact de l'Église en ont reçu plus de 700.
La prévention a également beaucoup progressé depuis 2012
La tolérance zéro est la norme. Elle est reprise dans diverses brochures et dans le Code de conduite pour collaborateurs travaillant dans l'Église. Les faits récents ou graves qui font surface aujourd'hui sont traités avec fermeté. En ce qui concerne les faits survenus après 2011, l'Église a connaissance de 17 plaintes. Toutes les personnes impliquées ont été suspendues et leurs noms ont été transmis à la justice.
Les connaissances actuelles montrent que les traumatismes et les blessures peuvent durer toute une vie ou réapparaître périodiquement. Les évêques ont réitéré au Parlement flamand leur volonté de coopérer à un plan visant à développer davantage le soutien thérapeutique professionnel et à le rendre plus accessible financièrement à toutes les victimes d'abus sexuels, quel qu'ait été le moment ou l'auteur de l'abus. En outre, ils commémoreront désormais les victimes, le 18 novembre, Journée des Nations Unies pour les vic- times d'abus sexuels et attireront l'attention sur les dommages causés par les abus. Des modules d'appren- tissage ont également été mis en place pour aborder les abus de l'Église dans l'enseignement religieux, comme l'ont demandé certains groupes de victimes.
Les victimes qui se trouvent en dehors d'un contexte pastoral comptent souvent sur l'Église pour les défendre. Les évêques ont plaidé auprès des députés en faveur d'une politique nouvelle et cohérente pour toutes les victimes d'abus, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Église. Ce faisant, un point de contact central et neutre pourrait écouter et accueillir les victimes. Après évaluation du délai de prescription, les délits prescrits pour- raient être soumises à un nouveau centre d'arbitrage indépendant.
Changement fondamental de la politique à l'égard des auteurs d'abus
Les évêques ont ensuite abordé leur politique à l'égard des auteurs d'abus. Une compréhension scientifique a lentement émergé à ce sujet également. La politique de tolérance zéro que Rome applique depuis 2005 à l'égard des auteurs d'abus se traduit concrètement aujourd'hui comme suit : les faits sont signalés au parquet ; l'auteur présumé est suspendu et des mesures préventives supplémentaires sont prises (toujours dans le respect de la présomption d'innocence) ; les faits sont signalés au Dicastère pour la Doctrine de la Foi, une enquête canonique est ouverte en concertation avec Rome, mais peut être interrompue ou reportée afin de ne pas perturber une enquête civile.
Dans notre pays, la plupart des auteurs d'abus dans un contexte pastoral sont aujourd'hui décédés. Parmi les auteurs vivants, certains ont été écartés par Rome du ministère sacerdotal et de la vie religieuse, la grande majorité a été retirée du ministère pastoral par leur évêque ou leur supérieur, certains remplissent des tâches en dehors du ministère pastoral. Les ministres du culte inscrits sur les états de traitement du ministère de la justice qui ont été condamnés en sont retirés.
En 2016, la Conférence des Évêques a créé un "Conseil de supervision" pluridisciplinaire. Celui-ci conseille l'évêque ou le supérieur, tant sur le sort des auteurs de faits prescrits que sur celui des auteurs condamnés après exécution de leur peine, ainsi que sur les tâches qu'ils peuvent encore assumer et l'endroit où elles
peuvent l'être. Sur les 146 auteurs d'abus (diocèses et congrégations religieuses confondus) encore en vie, 52 bénéficient d'un accompagnement ou d'une thérapie spécifique, selon les informations dont dispose l'Église.
En ce qui concerne Roger Vangheluwe, les évêques ont rappelé que son dossier canonique se trouve à Rome et qu'il a déjà été sanctionné en 2011. La question qui subsiste est de savoir s'il peut être laïcisé. Seul le Saint- Siège est habilité à le faire et les évêques belges l'ont demandé à plusieurs reprises ces dernières années. Les évêques ont à nouveau envoyé le dossier à Rome au début de cette année et, avec les victimes et leurs fa- milles, ils espèrent une avancée. Surtout avant la visite du pape en Belgique cet automne.
En conclusion, les évêques ont remis à la Chambre un certain nombre de considérations.
1. Les évêques ont annoncé qu'ils souhaitaient coopérer encore plus activement avec les institutions ou or- ganisations qui ont la compétence professionnelle de mener des recherches scientifiques, d'apporter un sou- tien spécialisé aux victimes, de fournir un accompagnement adéquat aux auteurs d'abus et de former ou d'accompagner des thérapeutes ou des travailleurs sociaux spécifiques. Un tel partenariat pourrait également être mis à la disposition de tous ceux qui souhaiteraient utiliser leurs services, indépendamment du lieu où l'abus a eu lieu ou de la personne qui l'a commis.
2. Toute discussion sur les abus dans une relation pastorale s'accompagne de vives critiques à l'égard de l'Église. L'Église catholique a besoin d'un renouveau et d'une réforme internes. Les évêques belges s'enga- gent pleinement à travailler dans ce sens.
3. Tant les cadres professionnels que les nombreux bénévoles de l'Église doivent continuer à recevoir une formation et un recyclage appropriés pour prévenir les abus sexuels ou les comportements transgressifs. Il est également important que tous les responsables de l'Église suivent et appliquent scrupuleusement les règles et les procédures.
4. Les autorités ecclésiales doivent donner la priorité à un soutien pastoral professionnel et facilement ac- cessible aux personnes qui ont été victimes d'abus sexuels, que ces abus aient eu lieu dans le cadre pastoral ou en dehors de celui-ci. Les évêques souhaitent réorienter tout ou partie d'un certain nombre de pasteurs vers l'assistance pastorale aux victimes d'abus.
5. L'Église de notre pays n'a pas seulement présenté ses excuses aux victimes, elle a développé une politique systématique au cours des 12 dernières années, afin de reconnaître les anciennes victimes d'abus, de limi- ter au maximum le risque de nouveaux abus et de traiter ces derniers avec la plus grande fermeté. En collaboration avec les autorités de nos pays, elle a l'intention de continuer à travailler à la meilleure approche possible pour assurer la reconnaissance, la guérison et le rétablissement de toutes les victimes d'abus.
Un aperçu détaillé de toutes les initiatives, publications et politiques de l'Église catholique en Belgique en matière de lutte contre les abus sexuels sur mineurs, peut être consulté ici.
SERVICE DE PRESSE ET D'INFORMATION DE LA CONFÉRENCE DES ÉVÊQUES DE BELGIQUE