François Braem, 74 ans, habite Bruxelles. A plusieurs reprises, il a déjà témoigné des abus dont il fut victime il y a 60 ans. Aujourd'hui, il veut poser au Pape certaines questions de fond.
A la bonne attention du pape François
Bonjour!
Ayant été abusé sexuellement par un prêtre jésuite lors d’un voyage parascolaire en 1964-65, j’ai eu l’occasion d’en témoigner à trois reprises:
- à la cellule d’écoute des Jésuites francophones basée à Paris
- au point unique d’écoute de l’archevêché de Malines-Bruxelles
- lors de la Commission d’enquête de la Chambre des représentants de Belgique portant sur les abus sexuels dans et en-dehors de l’Eglise.
Comme vous aurez l’occasion d’échanger de manière directe avec certaines des victimes lors de votre passage en Belgique, je me permets tout d’abord de saluer votre initiative.
Devinant bien que certaines des victimes auront l’occasion de faire état avant tout de leurs souffrances, et également que d’autres victimes évoqueront des préoccupations proprement pastorales internes à l’Eglise, ma préoccupation en vous adressant cette lettre porte plutôt sur les rapports entre autorités religieuses et autorités civiles des Etats où tout abus sexuel aura pu être commis.
Il me semblerait tout d’abord important de chercher à ajuster au mieux le droit canonique propre à l’Eglise vis-à-vis du droit pénal des Etats.
Ceci tout en devant bien évidemment tenir compte pays par pays du respect des droits de l’homme.
Rapprocher droit canonique et droit des Etats passe tout d’abord par une plus grande transparence des décisions prises par chacune des Eglises nationales à l’égard des abuseurs, et ceci tout au long des diverses procédures judiciaires mises en œuvre par les Etats.
Se pose ensuite la question de toute demande d’extradition formulée par tout Etat sur base d’un dossier constitué.
A ce propos, l’Eglise universelle est-elle disposée à faire savoir qu’elle sera - à un niveau de principe - favorable à des extraditions entre Etats qui puissent être effectives? Certains des clercs recherchés par la justice auront en effet cherché à quitter le territoire du pays où leurs crimes se seront passés. Ce qui leur aura régulièrement permis d’échapper à toute condamnation effective.
Et une telle préoccupation semble bien devoir concerner également le Vatican en tant qu’Etat indépendant reconnu par le droit international.
Ma question étant alors la suivante: le Vatican accepte-t-il l’extradition d’un quelconque de ses ressortissants ou résidents à la demande d’un Etat tiers ? Si oui, à quelles conditions? Toute réponse à cette question relève-t-elle du droit international, de conventions entre Etats, ou bien encore de concordats ayant été signés entre le Vatican et certains Etats?
Tout ceci en excluant bien évidemment toute représentation vaticane de caractère diplomatique et soumise d’office à une exemption pour raison d’immunité diplomatique ou consulaire.
Je vous remercie de votre bien aimable attention et vous souhaite un excellent séjour sur le territoire belge.
François Braem