Pierre Englebert, 63 ans, habite Fléron. Il tient aujourd'hui à partage au pape François l'emprise sous laquelle il a été entre le début de son adolescence et ses 22 ans.
Votre Sainteté,
Je vous écris afin que vous sachiez ce que j’ai vécu par le fait d’un prêtre, afin que vous connaissiez l’ampleur de ce que je vis actuellement et de ce que j’envisage afin que tout ceci ne se reproduise plus.
J’ai été sous l’emprise d’un prêtre, grand ami de la famille, depuis mes 14 à 15 ans jusqu’à 22 ans. Ce prêtre partageait nos vacances et, pendant ces 15 jours, toutes les nuits, il profitait de mon corps pour son plaisir sexuel à lui.
Il a bien vite repéré (je le connais depuis que j’ai une dizaine d’années) que je pouvais être une proie intéressante. Il me disait que tous les garçons faisaient cela, à moi, qui ne pouvait pas avoir de contact avec des enfants de mon âge. Mes parents étaient très stricts et mon père particulièrement colérique. Quand ce prêtre était à la maison, je me sentais protégé de ce qui pouvait s’y passer. En quelque sorte, je l’idolâtrais, au sens premier, et je me sentais en sécurité quand il était là. Je vivais également ces nuits comme, d’une part, ma contribution obligatoire à son bien-être et, d’autre part, comme l’impression d’être choisi, élu… dans le secret, bien sûr.
Il ne m’a pas permis de connaître ce qu’était réellement ma sexualité, ceci étant un tabou absolu au sein de la famille et de la société à l’époque, les années 80, principalement.
C’est lui qui a célébré notre mariage. Pendant des années, j’ai pensé à lui comme à un ange, quelque part, qui me protégeait, garant de ma vie, même si je ne le voyais que très rarement.
Ce n’est qu’au décès de mon père (j’avais, alors, presque 50 ans) que j’ai compris peu à peu (quatorze ans), via une psychothérapie analytique, que ce que j’avais vécu n’était pas correct et que, si cela n’avait pas eu lieu, ma vie aurait pris une direction où je ne me serais pas senti en dehors de la société, de moi-même.
Ce que je vis, aujourd’hui, c’est que le peu de personnes auxquelles j’en ai parlé, tant dans la famille qu’auprès d’"amis" ont, toutes, exprimé leur horreur et ne me contactent quasiment plus. Je dois rester dans l’isolement, comme un pestiféré. Continuer à vivre et faire comme si cela n’avait pas existé.
J’ai été reçu par des personnes au sein de l’Eglise qui m’ont écouté, m’ont indemnisé, et tout cela s’est très mal passé. Je suis resté quatre ans dans l’attente, dans le doute par rapport au fait que l’on pourrait ne pas me croire. Et cela continue.
La seule chose qui me permet de continuer à vivre est d’oser croire que ma vie pourrait, quand même, servir à quelque chose. Je voudrais que l’on en arrive, au sein de l’Eglise, à décider de ne plus placer une omerta sur tout ceci, mais, justement, à créer une dynamique qui puisse servir d’exemple pour la société dans son entièreté, que l’Eglise soit à l’avant-garde, car des actes comme ceux que j’ai vécus ont lieu dans toutes les strates de la société et pas seulement dans l’Eglise. Mon slogan est "On ne peut pas toucher à un enfant", quel qu’il soit, quelles que soient sa religion et sa famille.
En conclusion, très Saint Père, j’ose vous écrire ce que j’ai fait il y a maintenant deux ou trois ans. Un après-midi, accompagné d’une personne, je suis allé porter, sur la tombe de ce prêtre, le cadeau qu’il nous avait fait à l’occasion de notre mariage (une lampe de salon) et j’y ai collé trois post-it avec ces mots: "Colère", "Liberté" et "Pardon".
Je n’ose imaginer ce que sa vie, à lui, a été et espère qu’il a, maintenant, trouvé la Paix.
Je vous remercie pour votre lecture dont je ne doute pas qu’elle ait été attentive et vous prie d’agréer, très Saint Père, l’assurance de mes sentiments les plus respectueux et dévoués.
Pierre Englebert