Joël Devillet, 51 ans, habite Saint-Gilles (Bruxelles). Au Pape François, qui vient prochainement en Belgique, il tient à raconter son combat pour la justice. Il estime aussi que l'Eglise manifeste davantage de soutien pour les abuseurs que pour les victimes.
Il m’est donné pour la première fois depuis mon existence – plus d’un demi-siècle – qu’un média de l’Eglise me permette de m’exprimer.
Quand j’étais petit garçon, je voulais devenir prêtre, non que j’eusse entendu des voix, mais grâce à l’exemple de vie des prêtres que je côtoyais, sans oublier les religieuses de mon village. Donner ma vie au Seigneur était le but de ma vie.
Hélas, un nouveau prêtre arriva à Aubange et abusa de ma jeunesse, de mon corps, dès mes 14 ans. Je n’ai jamais dit que prêtre pédophile était un pléonasme. Malheureusement, que d’hypocrisie dans l’Eglise en ce qui concerne la pédophilie! La tolérance zéro n’a jamais existé et n’existera jamais. A cause de cela, de l’attitude de l’Eglise de Namur concernant mon cas, je ne crois plus. Mais je sais qu’existent de bons prêtres et évêques, sans le soutien de bon nombre d’entre eux, je ne serais plus.
"Il est grand le mystère de la foi"; mais grand est le mystère autour de la rencontre des victimes d’abus dans l’Eglise et le Pape! Qui seront les heureux élus? Sera-ce via un tirage au sort ou au jeu de fléchettes? "Quémmendier" la possibilité de rencontrer le chef de l’Eglise, là est encore mon sort en 2024. Les médias relaient mes combats judiciaires depuis 2007. "Mon" abuseur a été condamné à de nombreuses reprises, car évidemment, il ne s’est pas contenté que de moi, mais a fait d’autres victimes. Voici 10 ans qu’il n’est plus prêtre, perte de l’état clérical par rescrit du Pape actuel. Mon combat de justice a permis également de faire condamner Mgr Léonard pour passivité et non aide. L’Eglise a bien souvent plus de soutien pour l’abuseur que pour l’abusé. Quand cessera-t-elle de considérer la pédophilie comme un péché? Certains responsables ecclésiastiques n’osent jamais parler de crimes, mais seulement de délits, comme pour minimiser les actes.
S’il plaît à Dieu, ou si les représentants de Son Eglise le permettent, le Pape me rencontrerait. Il est le bienvenu chez moi s’il le veut – puisque j'habite un des quartiers les plus dangereux de Belgique, il verrait la périphérie. Je lui demanderais de me donner sa pensée et la position de l’Eglise sur ce qui se passe après la mort concernant les prêtres abuseurs. Des prélats disent que l’enfer les attend, de même que pour ceux qui les ont protégés, car en abusant, le prêtre pédophile a fait un pacte avec le diable, disant même que ce prêtre ne peut plus tenir dans ses mains l’hostie consacrée! D’autres de dire que le pardon de Dieu est sans limite; nous irons tous au Paradis…
Quoi qu’il en soit, voici depuis l’an 2000 que je ne communie plus, ni ne me confesse. Mais j’aime toujours regarder les messes à la tv ou assister à des messes présidées par un évêque. Un enfant abusé par son entraîneur de sport ne va pas pour autant arrêter ce sport ou le regarder à la tv lorsqu’il est adulte. Il en va de même pour moi. J’aime la liturgie, et en ne communiant pas, au fond de moi je montre que je respecte Celui auquel je croyais.
Joël Devillet est l’auteur du livre Violé par un prêtre.