L'évêque d'Anvers Johan Bonny, âgé de 69 ans, met en avant son âge, entre autres, mais indique également que ses fonctions lui pèsent beaucoup sur le plan émotionnel. "Je n'ai plus la force... Même mon médecin me demandait d'arrêter", a-t-il confié à la presse flamande. Aujourd'hui, il renonce officiellement à cette tâche, après que le pape lui a refusé un poste d'évêque auxiliaire qu'il demandait en renfort.
Depuis près d'un an, suite à la diffusion de l'émission Godvergeten, les abus sexuels sont redevenus un sujet central dans l'Église, les médias et le monde politique. Suite à l'onde de choc suscitée par la série-documentaire en Flandre, des commissions d'enquête ont été mises en place au sein des parlements fédéral et flamand.
Propulsé sur le devant de la scène médiatique, Mgr Bonny, évêque référendaire pour les questions d’abus sexuels en Flandre depuis 2010, a dû faire face à une nuée de questions et critiques de la part des journalistes. Car, outre la gestion quotidienne de ce dossier épineux, il endossait également la casquette de personne de liaison et de point de contact de l'Eglise en Flandre.
Sur les plateaux télé, l'évêque d'Anvers n'était jamais avare en excuses à l'égard des victimes d'abus et de leur famille. Il n'hésitait pas à blâmer ses prédécesseurs pour “ne pas avoir voulu voir” les abus sexuels, leur reprochant de ce fait de n'avoir pas pris le problème à bras-le-corps. Invité dans l'émission De Afspraak en septembre 2023, au lendemain de la diffusion de Godvergeten, il estimait ainsi que le cardinal Danneels "n'avait pas fait preuve d'autorité nécessaire" dans ce dossier, et notamment dans la gestion du cas Vangheluwe.
Egalement auditionné par les deux commissions d'enquête parlementaire, Mgr Bonny a dû affronter les critiques, parfois acerbes, des députés-membres. Faisant preuve de nuance et de recul, il savait à la fois reconnaître les faiblesses de l'Eglise et des autorités ecclésiales et, néanmoins, mettre en avant les nombreuses initiatives portées par l'Eglise dans le cadre de la prévention des abus et le processus de reconstruction des victimes.
Il invitait l'ensemble de la société à faire autant d'efforts, ce qui avait le don d'énerver certains mandataires politiques. On se rappelle notamment de son passage tendu devant la commission d'enquête fédérale du 23 février dernier où il s'était dit "fatigué" des reproches adressés à l'Eglise "disant que nous n'avons rien fait". "Cela ne résiste pas à l'analyse" avait-il conclu.
Mgr Bonny ne sera plus le point de contact de l'Eglise
En septembre de l’année dernière, Mgr Bonny avait demandé au pape François du renfort afin d’avoir plus de temps à consacrer aux victimes de violences sexuelles et de leurs proches, ainsi que pour aborder et prévenir toutes les formes de violences au sein de l’Église.
Mais sa demande d'un évêque auxiliaire pour le diocèse d'Anvers fut refusée par le Vatican, annonça-t-il lui-même début juillet, dans une lettre ouverte adressée à ses collaborateurs et aux médias : "Entre autres raisons, parce qu'un nombre inégal d'évêques francophones et néerlandophones perturberait l'équilibre de la conférence épiscopale, parce que les autres évêques ne soutiennent pas ma demande et parce qu'un prêtre et un laïc peuvent tous deux remplir les tâches. Bien que j'aie des réserves sur chacun des arguments, j'accepte la décision".
Mais le "niet" du pape et des autres évêques a des implications considérables, semble-t-il. En effet, ce que Johan Bonny a décrit de manière déguisée dans sa lettre ouverte comme une "réduction de mes fonctions interdiocésaines" signifie concrètement qu'il cessera d'assumer le rôle de point de contact de l'Eglise pour les victimes d’abus sexuels.
Au quotidien Het Nieuwsblad, Johan Bonny confie que ses fonctions de référent ou de contact officiel pour les abus sexuels au sein de l'Église sont désormais devenues trop lourdes."J'étais prêt à renoncer à ma fonction d'évêque d'Anvers pour me concentrer uniquement sur les abus, mais maintenant je coupe le cordon", déclare-t-il dans une interview publiée ce jeudi 25 juillet. "Je me dois d'abandonner un certain nombre de missions en Flandre, sinon je vais sombrer".
L'évêque, âgé de 69 ans, met en avant son âge, entre autres, mais indique également que ses fonctions lui pèsent beaucoup sur le plan émotionnel : "Il ne s'agit pas seulement d'heures de travail, mais d'un impact personnel immédiat. C'est d'un tout autre ordre que le reste du travail que l'on fait en tant qu'évêque".
Même mon médecin me disait : "Arrête, ça te détruit !"
Johan Bonny à Het Nieuwsblad
L'évêque affirme néanmoins qu'il continuera à être à l'écoute des victimes, même si cela ne fait plus partie de ses fonctions officielles. "Le message n'est pas que les victimes ne sont plus les bienvenues", précise-t-il. "Cela reste ma priorité. Les victimes qui souhaitent une conversation se retrouvent en tête de mon agenda".
Des informations que l'évêque d'Anvers a confirmées de vive voix, ce matin, sur les ondes de Radio 1 : "La politique, les médias, les négociations… C'est une très grande tâche et je dois la combiner avec la prise en charge d'un grand évêché comme celui d'Anvers. Je n'ai plus la force de m'occuper de tout cela", a notamment déclaré Johan Bonny, invité de l'émission De Ochtend (Radio 1).
Mgr Terlinden va lancer des consultations
La conférence épiscopale va maintenant chercher un autre évêque pour reprendre le rôle de Johan Bonny. Le nouveau référent pourrait déjà être nommé vers la mi-septembre. L'archevêque Luc Terlinden organisera prochainement des consultations à cette fin.
En attendant, les victimes d'abus sexuels dans l'Église peuvent toujours contacter les évêques. "Les autres évêques et le secrétariat de la Conférence épiscopale feront le nécessaire pour assurer la continuité", a déclaré dans la foulée de cette annonce le porte-parole des évêques, Peter Haegeman.
Clément Laloyaux (avec VRT NWS et Het Nieuwsblad)