
La semaine dernière, c’est avec horreur que nous avons assisté à un nouveau drame aux Etats-Unis. Jamais nous ne pourrons nous habituer à voir des parents, des frères et des sœurs, attendre, en larmes, devant une école encerclée. Puis les voir s’effondrer, apprenant la mort d’un proche.
Comme toujours, c’est le débat sur la possession des armes à feu qui rejaillit. Et, à 8.000 kilomètres de distance, drapés de nos grands principes, nous nous interrogeons. Pourquoi, aux Etats-Unis, le droit de posséder une arme est-il si sacré? Comment accepter qu’il soit plus aisé, pour un jeune Américain, d’acheter un fusil semi-automatique plutôt qu’une bière? Est-il normal que, malgré leurs déclarations matamoresques, les politiques n’aient toujours pas légiféré?
Une réponse revient toujours: le poids des lobbys. Et elle nous révolte, cette réponse. Car il est douloureux d’admettre que la vie de tous ces gens a basculé au nom du pouvoir de l’argent. Il est scandaleux de voir que le bien commun peut si facilement se soumettre à des intérêts particuliers.
Et à 8.000 kilomètres de distance, drapés donc de nos grands principes, nous nous disons que tout cela n’est vraiment pas joli. Et que c’est sûrement mieux ici.
Point sur lequel nous nous trompons lourdement.
Car, si le Belge aime beaucoup la bière, il aime aussi beaucoup les armes. Il les aime tellement qu’il en fabrique beaucoup. Il en fabrique tellement qu’il en exporte beaucoup. Il en exporte tellement qu’il en tire chaque année près de 3 milliards d’euros.
Et pendant que le Belge s’indigne de ce qui se passe aux Etats-Unis, ses armes tuent en Arabie Saoudite, en Israël, au Bahreïn et ailleurs.
Et s’il finit par s’en indigner, le Belge, on lui répondra que ces exportations procurent du travail à d’honnêtes citoyens et font vivre des milliers de famille. Qu’un cadre juridique existe bel et bien. Et que si les Belges stoppaient la fabrication d’armes, d’autres prendraient naturellement le relais.
Ce qui est vrai.
Il n’empêche. Allez en Arabie Saoudite, en Israël, au Bahreïn et ailleurs. Vous constaterez alors les dégâts des armes belges. Vous comprendrez que la vie de tant de gens a basculé au nom du pouvoir de l’argent. Vous verrez que le bien commun peut facilement se soumettre à des intérêts particuliers. Et que tout cela n’est vraiment pas joli.
Vincent DELCORPS