C’est donc mercredi dernier que se tint le nouveau Comité de concertation. Et comme à chaque fois, il connut son petit succès. Enivrés par le retentissement médiatique qu’allait connaître sa couverture, les journalistes parlèrent de "passe d’armes" et de "chantage", de "marathon" et de "hold-up", de "fronde" et de "douche froide". Tous les ingrédients d’un bon feuilleton! Et lors de la conférence de presse qui suivit le "Codeco", nos responsables politiques parlèrent de bulles et de terrasses, de métiers de contact non-médicaux et de commerces non-essentiels, de voyages déconseillés et de solutions personnalisées. Ils parlèrent même de sport et de culture. Tout plein de sujets vraiment importants.
Mais ils ne parlèrent pas du sans-abrisme.
Ni des migrants.
Ni des violences conjugales.
Ni de lutte contre la pauvreté.
Ni des conflits armés au Mali, au Nigeria et en Chine.
Ni des chrétiens d’Orient.
Ni de la perte de la biodiversité.
Ni du dérèglement climatique.
Soyons de bon compte: s’ils n’en ont pas parlé, ce n’est pas parce que ces questions ne les intéressent pas; c’est simplement parce qu’elles ne figuraient pas à l’ordre du jour de leur réunion. Et c’est tout à fait normal.
Nous formulons toutefois deux souhaits. Nous rêvons que pour traiter ces enjeux, nos politiques puissent mobiliser la même énergie que celle déployée pour combattre le Covid-19. Nous rêvons que pour couvrir ces enjeux, les journalistes puissent mobiliser la même ardeur que celle déployée pour couvrir le combat contre le Covid-19.
Mais ce n’est pas gagné. Car il paraît acquis que les migrants, les sans-abri et les Nigérians intéressent moins notre opinion publique que le coronavirus, les bulles et les terrasses. Que la pauvreté de nos rues semble moins nous préoccuper que la fermeture de nos bars. Qu’il semble plus facile d’avoir un avis sur la façon dont Franck Vandenbroucke veut se débarrasser du Covid-19 que sur la manière dont Xi Jinping entend régler le problème des Ouïghours. Que la menace climatique semble moins réelle – et beaucoup plus lointaine – que celle du corona.
Si nous croyons que le Covid-19 n’est pas le seul sujet vital, il faudra donc le dire à nos mandataires et à nos journalistes. Et si nous ne le croyons pas, il nous faudra apprendre à le croire.
Vincent DELCORPS