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Homme, femme, jeune ou moins jeune, ils ont choisi de porter un tatouage qui dit leur foi. Parfois de manière assez originale, et toujours très personnelle. Pourquoi ? Découvrons leur témoignage.
« Je serai avec toi »
Originaire d’Australie, frère Jack, 40 ans, du couvent saint Antoine à Bruxelles, s’est fait tatoué il y a 6 ans, pour la première fois. « J’ai tatoué sur mon avant-bras la phrase en anglais : IwillBwithU. Et la signification de ce tatouage est multiple. Tout d’abord dans la Bible, le nom de Dieu est Yawheh, qui veut dire : je suis celui qui est là, je suis celui qui est là avec toi, je serai là avec toi. Or, j’ai tatoué en anglais sur mon bras une des traductions possibles de YHWH – ‘I will be with you’ – que j’ai fait écrire IwillBwithU« . Né à Sydney de parents croates, deuxième d’une fratrie de trois enfants, il reçoit sa vocation de frère à l’âge de 21 ans. Il entre dans l’ordre des franciscains deux ans plus tard. Après un séjour en Italie, il débarque à Bruxelles en 2012 « parce que j’ai ressenti un appel pour devenir missionnaire au cœur de l’Europe. » Aujourd’hui, il fait partie d’une communauté de quatre frères au centre de la capitale. « Le nom de Dieu est aussi une promesse de présence et j’ai voulu la graver sur mon bras pour ne jamais l’oublier« . Dans le tatouage ‘IwillBwithU’, les lettres ‘I’ B’ ‘U’ sont en majuscule ce qui peut se lire en anglais ‘I be you’ et ‘you be I’.

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« C’est ma vocation de devenir une chose avec Dieu et qu’il devienne une chose avec moi » explique frère Jack. Se faire tatouer est aussi, pour lui, une manière de faire tomber certains complexes par rapport aux tatouages dans l’Eglise. « C’était un moyen pour moi de faire un pont avec les gens qui ont des tatouages. Mais j’insiste, la raison principale était profondément spirituelle et personnelle. Je ne me serais jamais fait tatouer sinon« . Un jour, quelqu’un l’interpelle : « ton tatouage n’est pas bon parce que ton corps est le temple de l’Esprit ». Ce à quoi frère Jack a répondu : « je ne pense pas que Dieu sera offensé de voir son nom gravé sur son temple« . La règle de vie des franciscains ne mentionne pas le tatouage. Les frères en général ne jugent pas les gens avec les tatouages et ne sont pas opposés aux tatouages, à condition que les motivations et le contenu soient en accord avec la foi chrétienne et l’évangile, estime pour sa part frère Jack.
Affirmer son identité
Il y a un peu plus de deux ans, Odile (nom d’emprunt), catholique, 30 ans, mariée et maman d’une petite fille de 3 ans, s’est fait tatouer une croix sur le thorax. Elle possédait déjà trois autres tatouages. » J’ai choisi de me faire tatouer une croix qui provient d’un modèle de bijou, avec au cœur une pierre précieuse rose. Pour moi, la croix représente toute la miséricorde de Dieu, Il a souffert pour nous, Il nous a rejoint en humanité « . Pour Odile, c’est aussi naturellement le symbole que l’on porte pour montrer son appartenance à la foi catholique. Mais, dans sa vie professionnelle précédente, il lui était interdit de porter tout signe d’appartenance religieuse et « cela m’a beaucoup blessée » avoue-t-elle. « J’avais caché dans ma trousse une petite croix, j’avais une image de la Vierge dans mon casier où je rangeais mes affaires… Mais je trouvais que ce n’était pas juste de priver les gens de porter un signe qui soit si important à leurs yeux« . L’idée du tatouage avait déjà fait son chemin dans la tête d’Odile, car, lui, on ne pourrait pas lui interdire de le porter. Après avoir changé d’emploi – elle travaille aujourd’hui au service de l’Eglise – Odile franchit le pas. « Par ce tatouage, je voulais affirmer mon identité et remercier Dieu d’être toujours là pour moi. » La tatoueuse a exécuté la demande d’Odile, tout en lui précisant que c’était assez rare de réaliser ce type de motif à cet endroit.
« Nous avons beaucoup discuté de la foi, des raisons qui me poussaient à faire ce geste symbolique, nous avons parlé de la modernité à apporter à l’Eglise… » se souvient Odile. Son tatouage, elle le décrit comme une action de grâce, un remerciement à Dieu et la marque de son appartenance au Christ. « Et si un jour tu n’as plus la foi ? » lui a-t-on déjà demandé. Vous devinez comme moi sa réponse…
Graver le visage de Dieu

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Vincent, 43 ans, est pasteur. Il a « reçu » son tatouage à symbolique chrétienne comme cadeau d’anniversaire de son épouse, il avait alors 39 ans. « Le tatouage, que je porte sur l’épaule droite, représente un lion portant une couronne d’épines. » Ce tatouage s’inspire du personnage central du monde de Narnia, Aslan, sorti tout droit de l’adaptation au cinéma des œuvres de C.S. Lewis. Aslan est un lion immense, lumineux, avec une longue crinière, faisant face au soleil. « Je suis un grand fan des écrits de C.S. Lewis, explique Vincent, et le Lion Aslan ma toujours fasciné. L’amour d’Aslan qui se révèle au travers du don de sa propre vie, revêt une dimension cosmique. Il y aura un avant et un après aux souffrances d’Aslan. Le mal est vaincu. De la même manière, il y a un avant et un après Jésus-Christ dans l’histoire de ma vie« . Pour ce jeune pasteur, marquer sa peau à l’encre indélébile est un acte fort, une façon de graver à jamais un choix et « le visage d’un Dieu mort pour moi ». Vincent connaissait d’autres personnes tatouées de symboles chrétiens. Mais sa demande à lui était assez inhabituelle pour le tatoueur avec qui il a discuté de la foi et du Christ durant les quatre heures de ‘pure torture’. « Je voulais un tatouage qui aie du sens pour moi, qui évoque la chose la plus importante dans ma vie, le moment qui a tout changé : l’acceptation de l’amour du Christ« . Pour Vincent, qui a choisi de devenir pasteur et de consacrer sa vie à transmettre la Bonne Nouvelle, le personnage d’Aslan va dessiner le visage de Dieu qui est celui de l’Amour. Non seulement Aslan révèle le visage de Dieu, mais, en mourant sur la Table de pierre, il prend la place d’Edmond (l’humain). Aux yeux de Vincent, et de l’avis d’experts littéraires, C. S. Lewis évoque là le cœur de la foi chrétienne*.
Dieu à mes côtés
Il y a quatre ans, à l’âge de 20 ans, Chloé, de foi protestante, a opté pour un tatouage plus énigmatique encore. « J’ai fait tatouer quatre petits symboles voulant dire « Dieu est plus grand que les hauts et les bas » sur l’intérieur du poignet gauche. J’ai trouvé le modèle et sa signification sur internet et dès que je l’ai vu, je me suis dit “c’est exactement ça!”. » Quelques jours avant de partir pour l’Australie, Chloé a donc fait tatouer ce motif discret. « J’ai toujours eu envie d’avoir un tatouage, et comme je voulais qu’il représente quelque chose d’important à mes yeux et que je ne risquais pas de regretter plus tard, j’ai donc choisi de me faire tatouer ce qui est le plus important dans ma vie« . Sans avoir rencontré d’autres personnes ayant franchi ce même pas, elle se rend chez la tatoueuse d’une amie qui a accepté sa demande. « J’ai tendance à me laisser dépasser par les événements ou mes émotions négatives, alors le fait d’avoir ce tatouage me rappelle que Dieu est à la manœuvre. » Ce choix a aussi été posé par Chloé à un moment important de sa vie. « J’avais pris la grande décision de partir dans le but de me former pour servir Dieu, c’est aussi pour cela que je l’ai fait. Je savais que, là-bas, ça ne serait pas facile tout le temps et le fait d’avoir ce tatouage me rappelait que peu importent les circonstances, Dieu est là avec moi« .
Confidences d’une tatoueuse
« Je fais régulièrement des chapelets, des motifs chrétiens, des croix. Je demande au client si c’est plutôt significatif ou esthétique. C’est souvent pour rendre hommage à une personne de la famille, décédée ou non. Parfois, tout simplement parce que la personne est elle-même chrétienne« . C’est ce que nous confie Chris, la tatoueuse d’Odile. Le public dont elle nous parle est plutôt jeune, dans la tranche des 20-30 ans.

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« J’aborde ce genre de tatouage comme tout autre tattoo, je veux m’assurer que la personne tatouée soit certaine de son choix, pour ne pas le regretter plus tard. J’avoue ne pas être informée sur toutes les religions, j’aime savoir avant de commencer si leur famille partage leur foi, si les proches sont d’accord qu’un membre de leur famille se fasse tatouer, si c’est » accepté » dans cette religion, … » Comme le tatouage va les marquer à vie, « je trouve cette échange préalable très important ». « Pour la minorité de personnes qui nous demandent des tattoos religieux, plus pour le côté esthétique, j’ai déjà réalisé la Vierge Marie, Jésus, des anges, angelots, … c’est plus un thème global alors que porteur d’une symbolique particulière. »
Chris se souvient par exemple de cette cliente qui lui avait demandé un chapelet descendant sur son pied. « Elle m’avait ramené une photo du vrai chapelet de sa grand-mère défunte, elles étaient toutes les deux très croyantes, c’était une sorte d’étape à accomplir dans son deuil, c’était très important pour elle de porter ce tatouage. J’ai adoré ce tattoo symboliquement parlant, j’ai fait très attention à chaque détail, et aux nombres de perles ».
Un autre client souhaitait arborer un portrait de Jésus avec une phrase et une croix. » C’était en hommage à un ami proche qui était chrétien, décédé tragiquement. Si je me rappelle bien, l’homme en question n’était pas porté sur la religion, mais son ami, si. Et ça lui tenait à cœur de le représenter par ce motif. »
Sophie DELHALLE
*Dans l’ouvrage de C.S. Lewis, la vision chrétienne de l’opposition entre le bien et le mal est encore plus évidente. L’entité créatrice et bienveillante qui règne sur Narnia est incarnée par le lion Aslan. Dans la Bible, le Christ est également désigné comme le “Lion de la tribu de Judas”. Selon Philippe Maxence, auteur en 2005 du Monde de Narnia décrypté, le lion Aslan, qui se sacrifie pour racheter les fautes d’Edmund, est une allégorie du Christ qui se sacrifie pour racheter les fautes des hommes. Aslan offre en outre aux héros de l’histoire le spectacle de sa résurrection. Dans l’œuvre de C.S. Lewis, les enfants humains sont également appelés”fils d’Adam” et “filles d’Eve”. Une allusion sans détour à la Bible.