Nul besoin de rappeler que la réaffectation de certains bâtiments d'église est un dossier délicat, dans la mesure où des éléments émotionnels entrent en ligne de compte. Les évêques de Belgique ont publié une lettre dans laquelle ils rappellent leur position.
Désacraliser une église est souvent une opération douloureuse à vivre pour de nombreux fidèles, souvent attaché à celle-ci parce leur vie y est liée: ils y ont fait leur baptême ou ceux de leurs enfants, y ont célébré des communions, mariages ou funérailles. Il y a donc une forte charge émotionnelle que l'Eglise ne peerd pas de vue, bien évidemment.
Toutefois, d'un autre côté, il faut tenir compte des réalités actuelles. SI certaines églises sont encore bien fréquentées et visitées aujourd'hui, ce n'est pas le cas de l'ensemble des édifices. Aujourd'hui, héritage du passé où la culture chrétienne était assez homogène, ce qui nécessitait des églises dans toutes les villes, tous les villages et même tous les quartiers, une question se pose: comment gérer au mieux l'avenir de nos églises?
Dans une lettre, les évêques de Belgique rappellent les défis auxquels ils sont confrontés. "L'infrastructure héritée du passé ne correspond plus à la situation réelle de l'Eglise dans notre société", écrivent-ils, en se demandant comment faire face au problème et quelle politique adopter?. "Nous devons prendre des décisions concrètes. Certaines églises se voient attribuer une destination partagée. D'autres sont désaffectées et reconverties. Parfois, le choix est assez évident. Mais souvent, il est très délicat".
Des lieux publics, uniques en leur genre
Les membres de la conférence épiscopale précisent que si les autorités ne demandent pas de fermer des églises, elles souhaiteraient de la part de l’Eglise un plan, une perspective précisant les églises qu’elle veut conserver pour le culte, celles qui peuvent recevoir une destination partagée et celles qu’elle veut désaffecter. "Ces plans et ces choix doivent être faits en concertation avec toutes les parties concernées, y compris les communautés locales. Cela ne facilite pas l’élaboration d’une politique commune et cohérente pour l'ensemble de l'Eglise". Pour les évêques, "il est important d'éviter que les questions concernant l'avenir des églises ne soient examinées et tranchées qu'au niveau local. Une politique commune est très importante. En effet, la manière dont nous traitons nos édifices religieux est aussi en lien avec la manière dont nous voulons être présents comme Eglise dans la société".
Mais il faut être réaliste: le problème des édifices religieux ne peut se réduire à au seul besoin pour la pastorale. "De nombreux facteurs interviennent. Il faut bien sûr tenir compte de la situation et des possibilités locales. Mais on ne peut se limiter à une approche au cas par cas sans vision commune, à fortiori sans vision plus large et sans politique à plus long terme".
"Les églises sont d'abord et avant tout destinées au culte, à la proclamation de l’Evangile. La communauté des croyants s’y réunit pour la célébration de la liturgie : pour l'Eucharistie et les autres célébrations de prière. Le baptême y est conféré et la confirmation célébrée. Les mariages y sont également célébrés de même que les funérailles. La catéchèse et l'enseignement religieux y sont donnés. Tout ce qui sert la foi et la construction de la communauté des croyants peut s’y dérouler", soulignent les évêques belges, rappelant par ailleurs que les bâtiments d'église perdraient une signification profonde si on ne se limitait à les ouvrir que pour les célébrations."Les églises sont des lieux d’accueil dont les portes sont ouvertes. On y entre et on en sort comme on veut. (…) Ce sont des lieux ouverts pour tous, croyant ou non. Des lieux publics, uniques en leur genre". La conférence épiscopale insistent sur le fait que certaines de nos églises font partie de notre patrimoine culturel et historique, et qu'elle contiennent de véritables trésors artistiques. Et de préciser: "Si plusieurs églises ont une valeur muséale réelle elles n’en deviennent pas de simples musées pour autant. Le bâtiment d'église conserve sa signification irremplaçable et originale. Chacun ressent qu’entrer dans une église est différent de visiter un musée".
Faire preuve de responsabilité civile et de loyauté
Pour nos évêques, en tenant compte du fait qu'il faut être "conscient que ce qui est encore nécessaire au niveau pastoral ne peut être l’unique critère, la plus grande prudence s'impose. En cas de reconversion surtout, le bâtiment perd non seulement sa fonction pastorale, mais aussi sa signification publique et symbolique", il serait irresponsable de tout vouloir conserver dans les circonstances actuelles. "A côté des fabriques d’églises avec leurs possibilités matérielles et financières, les pouvoirs publics et, en fin de compte, la société financent en grande partie l'entretien et la restauration de ces édifices. Nous devons faire preuve de responsabilité civile et de loyauté".
Et de préciser: "Cet appel au réalisme ne nous empêche pas d’effectuer des choix et de prendre certaines décisions de manière très réfléchie et prudente". Pour les évêques, une chose est évidente: "si nous voulons conserver une église, elle doit être ouverte et accessible. Les églises fermées toute la semaine ou seulement ouvertes pour les services liturgiques, n’émettent pas un bon signal".
Les membres de la conférence épiscopale plaident donc pour la mobilisation et la responsabilisation des personnes pour garder leur église ouverte pendant certaines heures de la journée. "On peut veiller à une présence continue, à ce qu’un espace d’accueil réponde aux demandes d’informations, à la diffusion de musique en arrière-fond. Autant de petits signes de bienvenue. L’ouverture des églises a son importance. Ce projet pastoral à part entière mérite toute notre estime et notre soutien. On fait comprendre ainsi que l'Eglise est une maison ouverte et hospitalière où chacun est bienvenu", concluent les évêques de Belgique.
J.J.D.