Diplomate émérite, André Querton est l’auteur de plusieurs ouvrages et, depuis quinze ans, il accompagne les médias catholiques belges francophones. Il nous parle de son troisième livre "Le Père prodigue". Un récit d’une réelle profondeur spirituelle, accessible à tous.
Lorsqu’on l’interroge sur les raisons qui l’ont poussé à écrire ce court récit de 57 pages, André Querton a du mal à trouver une réponse claire. "D’où vient une inspiration?", s’interroge-t-il. Par contre, il avoue "régler ses comptes" car il trouve "que les Evangiles ne sont pas très honnêtes avec le jeune homme riche". Il précise que seul saint Luc dit: "Jésus l’aima." Et si le Christ nous aime, c’est pour toujours, rappelle André Querton. "C’est un fait qui bouleverse notre existence." Mais il s’est interrogé sur ce qu’est devenu le jeune homme riche et a donc voulu répondre à cette question.
Le jeune homme s’en va écouter Jésus, il a plein de choses à lui dire. Mais lorsqu’il reçoit la réponse du Christ, on sent là une terrible déception, une incompréhension et même une exaspération.
A ce moment-là, je crois que le jeune homme riche veut utiliser sa richesse matérielle plutôt que sa richesse de cœur parce que, et c’est ce que j’essaie de démontrer dans le livre, c’est surtout une richesse de cœur qu’il a.
Cette rencontre marque un tournant dans sa vie. Il avait des certitudes qui sont un peu ébranlées par la réponse du Christ. Peut-on dire que c’est le passage d’une certaine forme d’enfance à l’âge adulte?
Oui. Nous retombons, comme je l’ai écrit, giflés par la parole du Christ et nous nous souvenons de notre confirmation dont nous étions gentiment souffletés: réveille-toi à l’Esprit. Pour lui, c’était une révolution parce qu’en fait, il avait déjà décidé de ce que Jésus devait lui répondre. Et c’est une erreur. Une des grandes richesses de la vie et certainement de l’Evangile, c’est d’être surpris. De temps en temps, j’ai toujours une envie de lire la Bible comme un contrat entre Dieu et les hommes. L’ennui avec le Christ, c’est que même si on fait tout, il nous demande pourquoi nous n’en faisons pas un peu plus? Jésus est toujours content mais jamais satisfait. Je crois que c’est une des richesses fabuleuses de nos vies spirituelles et aussi de notre civilisation: "et si j’allais plus loin…"
Au fil du récit, par petites touches, on perçoit qu’en définitive, ce jeune homme est sur la même longueur d’onde que le Christ. Est-ce bien cela?
Oui. Le titre du livre parle du père prodigue mais la prodigalité, c’est l’art d’offrir, de donner. Forcément, entre chrétiens, nous estimons que le Christ est l’image même d’un homme qui se donne à fond dans sa vie humaine et évidemment, dans sa vie divine. La prodigalité, c’est un drôle de mot parce qu’il a une connotation un peu négative, synonyme de dépensier. Quand je remercie quelqu’un pour ses conseils avisés et prodigues, je me mets à son école et je le remercie d’avoir parlé. Donc, qu’arrive-t-il avec cette baffe qu’a reçue le jeune homme riche? Au fond, il se pose la question, continue sa vie en cessant de rêver d’être un héros. Ensuite, il prend au sérieux ses vraies obligations, les unes après les autres en assumant la gestion d’une propriété agricole, la gestion de ses enfants. Tout d’un coup, il comprend que ses enfants ne sont pas lui et va se retrouver devant un fils qui aurait entendu l’appel du Christ vingt ans auparavant. Alors que le Christ est mort, si on s’en tient à la chronologie. Un de ses enfants va partir sur les grands chemins et refuser un endroit où dormir la nuit. Exactement ce que son père n’a pas accepté de faire. Ce dernier le regarde partir en souriant et en pleurant. Chaque lecteur va retrouver dans cette situation, les échos qu’il veut. De quoi sont faites nos vies? De richesses matérielles puisque je parle d’un jeune homme riche mais aussi de nos richesses d’engagement personnel. Qu’en faisons-nous? Y consacrons-nous véritablement le temps qu’elles nécessitent?
Finalement, il se rappelle l’intensité du regard du Christ. Il parle de cet appel qui est un don total, qu’il n’a pas accepté, mais surtout, il n’a pas saisi l’amour dans ce regard. N’est-ce pas aussi le cas de certains chrétiens aujourd’hui, en quête de sens?
Absolument. Quand il est aux pieds du Christ, il parle, se met à pleurer de dépit, est à genoux par signe de dévotion. Trente ans plus tard, c’est son propre fils qui sera à ses pieds. Et le vieux père, lui aussi, se mettra à genoux pour l’embrasser. Je réponds à votre question sans y répondre vraiment mais tout le monde connaît cette métaphore: "Christ, quand j’avais besoin de toi, tu ne m’as pas soutenu." "Mais si, regarde, je t’ai porté sur mes épaules." Là, c’est nous, chrétiens, qui avons voulu entendre cette bonne nouvelle et qui avons bien voulu ouvrir nos oreilles. C’est quelque chose qui nous demande un effort mais qui nous donne une vigueur extraordinaire.
Peut-on dire aussi que ce livre est encore d’une brûlante actualité aujourd’hui?
La Bonne nouvelle est quelque chose d’intemporel, d’ineffaçable. Oui, je prétends que oui, comme le répondent les disciples, tu es la voie, la vérité et la vie. C’est ce que les évangiles ont recueilli des paroles du Christ et qui reste parfaitement pertinent aujourd’hui. Et ce n’est pas ma dévotion chrétienne qui joue ici. Le texte des évangiles est magnifique tout comme certaines pièces de vie sont magnifiques. Le Christ a vécu une vie et quatre évangélistes ont réussi à faire une œuvre littéraire avec cette vie qui nous nourrit. Oui, je crois qu’elle est terriblement pertinente.
Propos recueillis par Jean-Jacques DURRÉ - RCF
Extrait de l’émission "En débat" (www.rcf.be)