Le nouveau préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Mgr Gerhard Müller, expose les grandes priorités de son mandat et son avis sur la réintégration éventuelle de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X dans le giron de l’Eglise. Il met également en lumière le rôle important de Vatican II dans le magistère de l’Église.
Interviewé à la fois par l’agence Apic, Radio Vatican et l’agence autrichienne Kathpress, Mgr Müller a tenu tout d’abord à rappeler que la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF)est responsable de la promotion de l’enseignement de la doctrine, et non de sa préservation. « Il s’agit de promouvoir la théologie et son enracinement dans la Révélation, d’assurer sa qualité, et de prendre connaissance des développements spirituels importants de notre époque qui ont une dimension universelle. Nous ne pouvons pas simplement répéter mécaniquement la doctrine de l’Eglise. Elle doit constamment se décliner en tenant compte des évolutions spirituelles contemporaines, des changements sociologiques, et de la pensée humaine », a souligné le préfet. Et d’ajouter que la tâche de la CDF consiste à soutenir le pape dans son enseignement. « Nous devons en particulier combattre une lassitude très répandue au sujet des questions de la foi. L’année de la Foi, avec le rappel des 50 ans de l’ouverture du Concile et des 20 ans du Catéchisme de l’Eglise catholique y contribuera de façon essentielle ».
Vatican II : un rôle essentiel dans le magistère
Pour le nouveau préfet de la CDF, le Concile Vatican II a été une manifestation grandiose, mais également d’un autre type que maints conciles qui l’ont précédé. « Il s’est donné pour but légitime de ne pas simplement s’attaquer à des erreurs définies et à les corriger, mais de proposer une autre forme de représentation d’ensemble de la foi catholique. Il ne voulait pas présenter un tas d’éléments disparates, mais un grand ensemble cohérent, la grande architecture de l’Eglise avec de grands espaces, dans lesquels on se sent bien et où on demeure volontiers ».
S’il reconnaît que le Concile a engendré aussi des problèmes, notamment avec la Fraternité sacerdotale Saint Pie X (FSSPX), Mgr Müller rappelle que quiconque se définit comme catholique devrait aussi respecter les principes de la foi catholique. « Les principes de la foi catholique ne sont pas «préformulés» par la Congrégation de la Doctrine de la foi, ni par quiconque. Mais ils nous sont donnés dans la Révélation de Dieu en Jésus-Christ, qui a été confiée à l’Eglise. On ne peut donc pas simplement choisir ce qui convient à un schéma prédéfini. Pour lui, il s’agit plutôt de s’ouvrir à l’ensemble de la foi chrétienne, à l’ensemble de la profession de foi, de l’histoire de l’Eglise et à l’évolution de sa doctrine. « Il faut s’ouvrir à une tradition vivante, qui ne s’est pas interrompue à un moment donné (vers 1955), mais qui se poursuit. Nous devons vraiment apprécier l’histoire avec ses résultats et ses incidences, tout comme nous devons aussi constater que chaque époque se trouve à sa façon auprès de Dieu. Chaque époque connaît ses propres défis, nous ne pouvons donc pas considérer un moment de l’histoire comme un modèle classique. Mais nous nous évoluons d’un sommet jusque vers le prochain sommet ».
A propos des négociations avec les traditionnalistes, pour lesquels en son temps il avait eu des propos très durs, Mgr Müller a précisé que l’objectif poursuivi est bien l’unité de l’Église et des fidèles avec l’Église. « On ne peut être catholique que si l’on reconnaît pleinement la foi de l’Église, laquelle inclut le magistère dans lequel le concile Vatican II joue un rôle particulièrement important ».
Dans ces négociations, le préfet de la CDF estime qu’il faut surpasser les blocages internes présentés par certains groupes marginaux, de façon à ce qu’ils s’ouvrent avec confiance à Benoît XVI et à tous ceux qui agissent pour son compte. « Il n’est dès lors pas question d’obliger et contraindre une personne, d’une quelconque manière, mais il est important de reconnaître la liberté de la foi et la liberté des fils de Dieu, tout comme la plénitude de la révélation de Dieu, confiée à l’Église, et donc à son magistère pour une interprétation fidèle. L’unité de l’Église et la vérité de la foi constituent les deux faces d’une même médaille ».
Une idéologie de droite comme de gauche détruit l’Église
Interrogé enfin sur les rapports de son dicastère avec les personnes critiques à l’égard de l’autorité ecclésiastique, Mgr Müller estime que l’on ne peut dialoguer que si l’on prend en considération « la recherche de l’homme vers Dieu et la vérité ». « Dieu ne peut jamais être une question secondaire. Si nous mettons au centre de notre réflexion Dieu et Jésus, alors on peut réduire les tensions à l’intérieur de l’Église ».
Et de conclure : « l’unité de l’Église ne peut être mise à mal par l’idéologie qui, sous un mode sectaire, aussi bien de droite que de gauche, collabore à détruire l’Église. Ces groupes ont malheureusement une audience médiatique bien supérieure à celle de tous les croyants, plus nombreux, qui suivent Jésus-Christ et œuvrent pour la construction de l’Église ».
JJD (avec Apic et La Croix)