Après la RTBF, Lazarus frappe sur France 5


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Après la RTBF, Lazarus frappe sur France 5
Par Jean-Jacques Durré
Publié le - Modifié le
3 min

La RTBF a diffusé jeudi 21 juin en fin de soirée un « documentaire » intitulé « Mirages, les miracles religieux ». Ce reportage est également programmé pour ce lundi soir 25 juin, à 19h, sur France 5. Les deux chaînes de télévision ont en effet coproduit cette émission qui pose pour le moins question.

De quoi s’agit-il ?

Officiellement, la RTBF prétend que c'est la nouveauté qui l'a inspirée : " pionnière en la matière, puisque tant en télévision que sur le web « Mirages » est une expérience transmedia". Le service public de télévision va plus loin en affirmant que l’objectif est de « nous ouvrir les yeux et exercer notre critique. En France, le magazine "Nouvel Observateur" écrit : « Si les voies de Dieu sont impénétrables, les lois de la science sont implacables. Présentez à une équipe de chercheurs tout ce que la religion connaît de prodiges, miracles et autres vierges en larmes, elle les réduira impitoyablement en rusés mélanges de substances chimiques ou en banals stratagèmes techniques, dévoilant au passage quelques-unes des plus grandes mystifications de l’Eglise. » Et de préciser que c’est « exactement ce que s’emploient à faire les physiciens, chimistes, médecins, mais aussi historiens, sociologues et psychologues réunis par le réalisateur belge Patric Jean et le professeur Henri Broch dans ce documentaire ».

L’expérience est initiée par Lazarus, un personnage délibérément anonyme, qui apparaît masqué. Voilà qui est déjà troublant pour quelqu’un qui affirme détenir les preuves des mystifications mais qui les divulgue anonymement. Bon, admettons que cela fasse partie d’une certaine mise en scène. Son objectif : promouvoir la pensée sceptique, le doute et le rationalisme face aux croyances et aux manipulations.

Dans ce « documentaire », ce Lazarus, sorte de conjugaison entre un Fantomas d’opérette et un membre du groupe de hackers « Anonymous », s’attaque au Saint Suaire de Turin et au miracle de la liquéfaction du sang de saint Janvier. Dans les deux cas, il s’agit pour lui de mystifications. Le saint suaire est « assurément une icône fabriquée au XIVe siècle » et « le soi-disant sang coagulé présenté à la foule pieuse pourrait n’être qu’une vulgaire association de spermaceti huileux et d’orcanette séchée, capable de passer de l’état solide à l’état liquide en fonction de la chaleur, ou bien encore un gel se fluidifiant sous l’effet des mouvements ».

Pour étayer son discours, il fait appel à des chimistes, physiciens et scientifiques qui s’appliquent à démonter les soi-disant « supercheries ». Mais, de l’avis de scientifiques belges, pourtant peu proches de la foi catholique, les thèses rationalistes évoquées par Lazarus et ses « amis » sont avant tout scientistes et sujettes à caution.

Au-delà des débats scientifiques, on peut s’interroger sur ce qui a poussé les responsables de la production de la RTBF et de France Télévisions à investir dans la production d’un « documentaire » qui laisse perplexe, si pas pantois, même les plus irréductibles athées. Si l’objectif est de faire réfléchir le public afin qu’il puisse se faire une opinion - ce qui est louable - les bases fournies par Lazarus sont loin d’être scientifiquement acceptées et fondées.

Vouloir démythifier des croyances en les estimant non fondées et les remplacer par une sorte de dogme pseudo-scientifique basé sur ce que les auteurs de ce documentaire simpliste appellent « la raison » n’est guère crédible dans ce cas-ci.

Et l’on reste muet lorsque pour promouvoir « Mirages », le Nouvel Observateur n’hésite pas à écrire : « Les démonstrations sont limpides, imparables, si efficaces, même, que certains risquent de se retrouver comme un môme qui vient d’apprendre que le père Noël est une chimère, frustrés dans leur désir de merveilleux ».

Bref, la question taraude : quel est l’objectif réellement suivi par les producteurs des deux chaines publiques de télévision en investissant dans ce qui ressemble davantage à un canular qu’à un vrai documentaire scientifique ?

Jean-Jacques Durré

Catégorie : En dialogue

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