Editorial de Pascal André, paru dans le « Dimanche Express » n°17 du 6 mai 2012 :
Si le score historique du Front National, le 22 avril dernier, a surpris les leaders des autres partis français et préoccupe la plupart des dirigeants européens, ceux-ci doivent s’interroger sur les raisons de cette percée. Surtout que l’Hexagone n’est pas le seul pays à être confronté à ce phénomène. Sur le continent, plusieurs partis d’extrême droite ont effectivement déjà obtenu, lors de scrutins nationaux, des scores équivalents, voire supérieurs, à celui du FN. C’est le cas de la Suisse, de l’Autriche, de la Finlande, de la Norvège, de la Hongrie et des Pays-Bas. Chez nos voisins du Nord, le parti d’extrême droite de Geert Wilders a même réussi, la semaine dernière, à faire tomber le gouvernement, en s’opposant au « diktat » de Bruxelles sur la réduction du déficit public dans le pays.
Il est évidemment très difficile de savoir ce qui pousse de plus en plus d’électeurs à voter pour ces partis de la droite extrême. Le font-ils par conviction, par désarroi ou pour protester? Nul ne peut le dire avec certitude. Ce qui est sûr, c’est que tous ces partis ont construit leur programme politique sur la peur de l’autre, forcément responsable de tout ce qui ne va pas. En témoigne leur rejet commun de l’islam, de la mondialisation et de l’Union européenne, qui représentent, à leurs yeux, autant de menaces à l’identité et à la prospérité des peuples qu’ils prétendent représenter. En période de crise, un tel discours a malheureusement beaucoup plus de chances qu’en période de croissance de séduire celles et ceux qui craignent de tomber dans la précarité et qui se sentent abandonnés par les partis traditionnels. Toutes les études le montrent d’ailleurs: les populismes poussent mal au soleil de la prospérité.
Mais que faire, alors, pour contrecarrer cette évolution qui menace nos démocraties? Caresser les opinions publiques dans le sens du poil, au risque d’y perdre son âme? Certainement pas. Refuser de dialoguer avec les partis populistes, sous prétexte qu’il n’y a pas moyen de discuter avec eux et que leurs idées sont nauséabondes? Pas davantage… Il faut, au contraire, confronter les thèses de l’extrême droite, montrer, chiffres et faits à l’appui, que le monde qu’ils décrivent n’est pas conforme à la réalité et que leurs solutions sont beaucoup trop simplistes pour être efficaces. Et surtout, surtout, proposer des politiques sociales et économiques qui soient à la fois nouvelles, réalistes, efficaces et viables à long terme. Sans quoi rien ne pourra empêcher la montée en puissance du populisme…