Rome: La bière d’abbaye, entre spiritualité et nécessité matérielle


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Rome: La bière d’abbaye, entre spiritualité et nécessité matérielle
Par Jean-Jacques Durré
Publié le - Modifié le
3 min

L’ambassade de Belgique près le Saint-Siège a réuni ecclésiastiques et amateurs le temps d’une dégustation des meilleures bières d’abbaye belges, dans la soirée du 18 septembre.

En instituant sa Règle au VIème siècle, saint Benoît a érigé le travail en pilier de la vie monastique, condition sine qua nonde l’épanouissement spirituel des moines. « C’est alors qu’ils seront vraiment moines, lorsqu’ils vivront du travail de leurs main, à l’exemple de nos pères et les Apôtres », écrivait le saint de Nursie (RB48, 8). Une nécessité spirituelle assortie de l’injonction d’offrir le gîte et le couvert aux pèlerins et aux voyageurs de passage.

A une époque où les épidémies de peste frappaient durement les populations européennes et où l’eau était souvent contaminée, le brassage de bière s’est rapidement imposé comme une activité de prédilection chez les moines, pour devenir au fil des siècles l’un des meilleurs témoins de l’excellence des produits monastiques, et par là même l’une des principales sources de revenu commercial pour les abbayes. Aujourd’hui, et en Belgique tout particulièrement, presque toutes les abbayes possèdent une bière à leur nom, bien que les moines trappistes soient presque les seuls à encore brasser la bière dans leur domaine. C’est la raison pour laquelle trois conditions sont désormais nécessaires pour qu’un brasseur externe acquière le label de « Bière belge d’abbaye reconnue » : un lien avec une abbaye existante ou historique, la réversion d'une partie des bénéfices à la communauté monastique, ainsi qu’un droit de regard des moines sur la publicité et l'utilisation du nom de leur abbaye.

Quid de l'avenir ?

A l’heure où les vocations se raréfient et où les principaux acteurs de la production brassicole avancent en âge, l’avenir de la bière d’abbaye se fait toutefois incertain. Cette production étant aujourd’hui encore une ressource indispensable à la survie de ces monastères et de leurs employés souvent nombreux, il est crucial de préserver cette composante capitale du patrimoine religieux belge. C’est dans cette optique que l’ambassade de Belgique près le Saint-Siège a promu une rencontre dans la soirée du mardi 18 septembre, avec le sponsoring des abbayes de Maredsous, Grimbergen, Orval, Affligem et Postel. Dans son allocution, le père-abbé de Maredsous, Dom Bernard Laurent, a souligné qu’en l’absence de subsides de l’Etat, le commerce brassicole représente une aubaine pour l’entretien de l’édifice historique qui lui a été confié, lequel ne compte pas moins de 4 hectares de toitures. « Les bières d’abbaye ne sont pas des produits folkloriques mais la base d’une activité économique qui permet une vie de recherche spirituelle et de solidarité », a déclaré l’abbé, en rappelant que les gains servent également à rémunérer ses deux cents employés, ainsi qu’à financer l’accueil des pèlerins, la bibliothèque et les œuvres caritatives. Dans un message lu par le directeur de la brasserie d’Orval, le père trappiste Lode Van Hecke a qualifié les efforts de préservation de l’activité brassicole de « devoir chrétien ». En effet, a-t-il conclu, « si l’on fermait les brasseries trappistes dans notre pays, combien d’associations sociales cesseraient d’exister ! ».

La rencontre, à laquelle ont participé quelque deux cents personnes – entreamateurs, ecclésiastiques et diplomates –s’est conclue par une dégustation de bières trappistes (Orval et Westmalle)et d’abbaye (Maredsous, Affligem, Grimbergen et Tongerlo) agrémentés de quelques fromages d’Affligem et de Postel, également fruits du savoir-faire ancestral des moines.

Solène Tadié (correspondante à Rome)

 

 

Catégorie : International

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