Réunie ce jeudi 2 mai pour discuter de son rapport final, la commission d'enquête parlementaire "abus" a approuvé à l’unanimité ses 137 recommandations visant à intensifier la lutte contre les abus et les violences sexuelles envers les enfants, au sein de l'Eglise et en dehors. Réagissant à la conclusion finale de la commission, l'Eglise de Belgique annonce qu'elle "va intégrer les nouvelles recommandations parlementaires dans sa politique de tolérance zéro".
Avec ce rapport, la commission d'enquête espère proposer une feuille de route "pour mieux appréhender le problème social sous-estimé" de la violence sexuelle dans notre société. "Après tout, il est de notre devoir, en tant que société, de protéger les plus vulnérables", a déclaré ce jeudi, en séance publique de la commission, sa présidente Sophie De Wit (N-VA).

Une nouvelle commission pour se pencher sur les dysfonctionnements de l'opération Calice
Parmi ces 137 recommandations, figure notamment la création d’une nouvelle commission d’enquête, sous la prochaine législature, consacrée à l’opération Calice.
Pour rappel, lors de son passage devant la commission le 16 avril dernier, le Conseil Supérieur de la Justice (CSJ) avait pointé de nombreux dysfonctionnements survenus lors de cette enquête judiciaire d'ampleur -et d'ailleurs toujours en cours- mais avait toutefois affirmé ne détenir aucune preuve de pressions de l'Eglise sur la Justice. Des observations obtenues sur base de l'audition de 35 témoins et l'analyse de 50 000 pages (!) de dossiers liés à l'opération Calice, et par la suite compilées dans un rapport de 77 pages rendu public.
👉 Lire à ce sujet : Calice : Le CSJ n’a trouvé aucune preuve d’une ingérence de l’Eglise
Faute de temps, la commission d'enquête parlementaire n'a pas pu examiner le rapport de l' "enquête sur l'enquête" rédigé (certes très tardivement) par le CSJ. C'est la raison pour laquelle elle sollicite aujourd'hui la création d'une nouvelle commission portant spécifiquement sur l'opération Calice.
Comme l'analysent nos confrères de la presse flamande, une des conclusions centrales de la commission De Wit est "qu'il reste beaucoup de travail, parlementaire, politique et scientifique". "Le délai a été court, trop court, pour cette commission parlementaire."
La création d'un point de contact unique et d'un nouveau centre d'expertise parmi les recommandations-clés
En sa qualité de présidente de la commission, la députée N-VA a énuméré en séance publique les recommandations-clés contenues dans ce rapport*. Nous vous reproduisons ici quelques-unes d'entre-elles, classées par thèmes.
Une approche coordonnée
- La commission plaide pour la nomination d'un commissaire chargé des comportements sexuels transgressifs et de la violence sexuelle à l'égard des mineurs et des personnes vulnérables. Il ou elle servira de point de contact central pour les différents décideurs publics.
- Cette personne sera responsable du Centre d'Expertise sur les Violences Sexuelles, un organisme indépendant qui va être créé, et formulera des recommandations politiques. Le centre d'expertise sera pluridisciplinaire et mènera des recherches scientifiques sur toutes les facettes de la problématique.
Besoin de reconnaissance et de réponses dans les cas individuels (prescrits)
- La commission recommande entre autres de créer un nouveau centre d'arbitrage, mais avec un autre mode de calcul des montants de dédommagement. Il faut tenter de parvenir à une "compensation adéquate", un point controversé dans l'action du précédent centre d'arbitrage.
- La possibilité d'abolir rétroactivement la prescription des faits devra être étudiée sur le plan juridique.
Une plus grande attention portée à la prise en charge des victimes
- Faire du 18 novembre une journée de commémoration pour toutes les victimes de violences sexuelles.
*MISE A JOUR : Le rapport est désormais disponible en ligne. Retrouvez-le ici.

Les évêques de Belgique vont poursuivre leur politique de tolérance zéro
Dans un communiqué paru ce jeudi après-midi, les évêques de Belgique "remercient la commission d'enquête d'avoir écouté de nombreuses victimes ainsi que des représentants des points de contact, de Dignity et des experts." Les évêques belges citent ensuite un passage du rapport final de la commission d'enquête, dans lequel celle-ci exprime sa reconnaissance envers les autorités ecclésiastiques pour leur travail postérieur à la commission spéciale de 2011 :
La commission d'enquête constate également que les autorités ecclésiastiques concernées ont pris à cœur les recommandations formulées par la commission spéciale en 2011.
Conclusion finale, section 1re, § 4
Les évêques vont maintenant réfléchir à la manière d'intégrer les recommandations de la commission dans leur politique de tolérance zéro, "où chaque plainte est prise au sérieux". Ils rappellent à ce titre "qu'ils signalent systématiquement les faits non prescrits à la Justice". "Dans l'attente d'un jugement, les auteurs sont suspendus et la plainte est transmise aux autorités du Vatican. Pour les faits prescrits par la Justice, il existe la possibilité de recourir à l'arbitrage. Celui-ci a été mis en place temporairement, sur proposition de la Commission parlementaire de 2010-2011, mais l'Église catholique le poursuit volontairement depuis près d'une décennie".
👉 Pour découvrir toutes les initiatives de l'Eglise en matière de lutte contre les abus, cliquez ici
L'Eglise de Belgique satisfaite des recommandations, dont certaines suggérées par elle
Plus loin dans leur communiqué, les évêques de Belgique se disent "satisfaits" que la commission d'enquête demande un point de contact central et neutre ainsi que la possibilité d'un arbitrage pour les faits prescrits de toutes les victimes d'abus sexuels par le biais d'un centre d'experts dirigé par un commissaire interfédéral. "Il est clair que l'Église et la Chambre ont joué un rôle de pionnier en 2012 en cherchant à faire reconnaître les faits prescrits" ajoutent-ils.
Ils déplorent néanmoins que, dans son rapport, "la commission donne l'impression que l'Église a agi à l'époque uniquement sous la pression de la commission précédente (2010-2011) et semble ainsi oublier que la Commission Halsberghe, puis Adriaenssens, ont vu le jour avant cette commission, à l'initiative de l'Église."
Dans ses recommandations, la commission d'enquête propose de développer davantage le soutien thérapeutique professionnel pour toutes les victimes d'abus sexuels et de le rendre plus accessible financièrement. Une recommandation préalablement suggérée par les évêques belges, et pour laquelle ils participeront "de manière transparente".
Loin de se reposer sur le travail déjà accompli, l'Église catholique en Belgique annonce "poursuivre sans relâche sa politique systématique de reconnaissance des victimes d'abus historiques et de prévention des abus par tous les moyens".
👉 Retrouvez ici le communiqué des évêques de Belgique dans son intégralité

Clément Laloyaux (avec VRT NWS et SIPI)