Euthanasie : la Cour européenne des droits de l’Homme pointe du doigt la Belgique


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Euthanasie : la Cour européenne des droits de l’Homme pointe du doigt la Belgique
Par Sophie Delhalle
Publié le - Modifié le
3 min

La Cour européenne des droits de l'Homme a statué dans une affaire qui concerne un cas d'euthanasie pratiqué en Belgique il y a dix ans. Celle-ci n'aurait pas rempli ses obligations en ce qui concerne la protection du droit à la vie. Eclairage avec Léopold VanBellingen, de l'Institut européen de Bioéthique.

La Cour européenne des droits de l'homme remet en cause le fonctionnement de la commission belge d'évaluation de l'euthanasie.

Dans l'affaire Mortier c. Belgique, la Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH) déclare à l'unanimité que la Belgique a violé l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, relatif au droit à la vie. "C'est la première fois qu'une institution juridique internationale statue sur un cas d'euthanasie déjà pratiquée" affirme Léopold Vanbellingen.

Pas de consensus médical

La CourEDH pointe l'absence de contrôle a posteriori effectif de la légalité de l'euthanasie pratiquée sur la mère de Tom Mortier, qui a enclenché la machine judiciaire dès 2013. Que doit-on comprendre et retenir de cette décision judiciaire? "C'est la première fois que la Belgique est pointée du doigt. Ce que nous regrettons, c'est le caractère contradictoire de l'arrêt de la CourEDH" poursuit notre juriste.

🎧 A écouter : Pleins Feux sur … l’euthanasie, avec Léopold Vanbellingen

Revenons d'abord sur les faits. En 2012, la mère du requérant demande à pouvoir bénéficier d'une euthanasie en raison de la dépression dont elle souffre depuis plusieurs années. "C'était une dame d'un certaine âge, mais pas en fin de vie", précise notre spécialiste. Et la loi belge n'exclut pas les maladies mentales, elle mentionne une maladie incurable comme condition sine qua non pour obtenir le recours à l'euthanasie. "Or, il n'existe pas à ce jour de consensus médical sur ledit caractère incurable. Les psychiatres sont loin d'être tous d'accord" souligne encore Léopold Vanbellingen.

Deux enquêtes pour aboutir à un jugement

Tom Mortier, qui avait rompu les liens avec sa mère, apprend par téléphone que celle-ci est décédée par euthanasie. Il estime pour sa part que sa mère ne souffrait pas d'une maladie incurable et que les conditions procédurales n'ont pas été respectées. Il saisit donc la commission belge d'évaluation de l'euthanasie. Une plainte est également déposée au niveau pénal, sans suite. C'est à la suite d'un dépôt de plainte auprès de la CourEDH qu'une seconde enquête, dix ans après les faits, permettra à cette cour de statuer sur ce cas d'espèce et de conclure que la Belgique a violé l'art. 2 de la Convention des Droits de l'Homme relatif au droit à la vie.

✍️ A lire : Un nombre record d’euthanasies déclarées en Belgique en 2021

Léopold Vanbellingen

"C'est la procédure qui est mise en cause, pas la législation"

Que reproche au juste la CourEDH à la Belgique? "La cour ne statue pas sur la légalité de la législation, mais sur le respect de la procédure, et estime que la commission de contrôle n'a pas effectué son travail. Elle pointe le manque d'indépendance de la commission et le fait que le médecin qui a pratiqué l'euthanasie est membre et même co-président de ladite commission, de surcroit militant pro-euthanasie au sein de l'association Leif". En réalité, sur les 32 membres (effectifs et suppléants) de la commission, 8 sont docteurs en médecine et susceptibles de pratiquer l'euthanasie.

📺 A regarder : Il était une foi…L’ euthanasie vingt ans après

Un arrêt à deux vitesses

Pour Léopold Vanbellingen, cet arrêt de la CourEDH est contrasté puisqu'il pointe des manques qui sont en fait récurrents. "Le travail de filtre de la commission d'évaluation (qui doit transférer au Parquet tous les cas suspects, ndlr) est ineffectif" estime notre juriste qui se demande si, au final, la CourEDH ne se contredit pas en rendant un tel arrêt.

"La Cour a statué sur un aspect spécifique du fonctionnement de la commission d'évaluation mais n'a pas tiré toutes les conséquences de ce constat, en affirmant que c'est le cadre légal de l'euthanasie qui pose en fait problème" conclut Léopold Vanbellingen.

Propos recueillis par Sophie DELHALLE

Lire l'analyse publiée sur le site de l'Institut européen de bioéthique (4/10/2022)

Catégorie : International

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