Alexander De Croo condamne les propos du pape sur les femmes et l’avortement : « J’ai invité le nonce à un entretien »


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Alexander De Croo condamne les propos du pape sur les femmes et l’avortement : « J’ai invité le nonce à un entretien »
Le Premier ministre en Affaires courantes, Alexander De Croo, a invité le nonce apostolique à un entretien après les propos "inacceptables" du pape. ©
Par Clément Laloyaux
Journaliste de CathoBel
Publié le
5 min

La visite du pape en Belgique n'a pas laissé le monde politique indifférent. C'est le moins que l'on puisse dire. Ce jeudi à la Chambre, le Premier ministre Alexander De Croo a qualifié les propos du pape François sur l'avortement d' "inacceptables" et, dans la foulée, annoncé avoir convié le nonce apostolique, Mgr Franco Coppola, à un entretien.

Ce jeudi après-midi au Parlement, lors de la traditionnelle session de questions au gouvernement, plusieurs députées sont revenues sur des déclarations prononcées par François sur le sol belge et dans l'avion le ramenant à Rome. L'occasion pour ces élues de différents partis d'interroger le Premier ministre, Alexander De Croo, sur la responsabilité du gouvernement en Affaires courantes dans ces sorties "problématiques" du pape.

La prière impromptue du chef de l'Etat du Vatican sur la tombe du roi Baudouin, et l'hommage rendu dans la crypte royale, a également suscité de vives réprobations de la part des parlementaires et du chef de l'exécutif.

"Une ingérence inacceptable dans les lois de notre pays"

C'est d'abord Sarah Schlitz, députée Ecolo, qui se présente au pupitre. Passablement remontée, l'élue écologiste déplore dans un premier temps le "double agenda" du pape à l'occasion de cette visite, ainsi que ses déclarations problématiques sur les femmes et l'avortement. Elle cible particulièrement la comparaison faite par le Souverain pontife entre les médecins pratiquant l'avortement et des tueurs à gage, "une provocation totalement déplacée le jour de la Journée internationale pour le droit à l'avortement", estime la députée.

Par l'accusation de "double agenda", Sarah Schlitz reproche au pape d'avoir volontairement traité de ce sujet en Belgique alors qu'est actuellement discuté l’allongement du délai légal jusqu’à 18 semaines : "Il décide de s'immiscer dans un débat national qui fait l'objet de discussions intenses au Parlement fédéral. C'est totalement inacceptable !" Enfin, la cheffe de groupe Ecolo-Groen à la Chambre dénonce le discours du souverain pontife à l'UCLouvain ("La femme est accueil fécond, soin, dévouement vital" sic), qu'elle qualifie de "vision dépassée de la femme".

Sarah Schlitz conclut en s'adressant directement à Alexander De Croo : "Ne trouvez-vous pas que cette séquence implique une ingérence inacceptable dans les lois de notre pays ?"

La députée Open Vld, Katja Gabriëls, prend à son tour la parole pour exprimer son indignation, dénonçant ce qu’elle considère comme un manque de respect du pape envers la démocratie, la profession médicale et la "liberté des femmes à faire leur propre choix". La libérale Charlotte Deborsu (MR), la plus jeune élue de l'assemblée, abonde dans le même sens : "Je n'aurais certainement pas le droit à l'avortement si le pape était notre Premier ministre, heureusement, ce n'est pas le cas." Elle demande alors à Alexander De Croo de la rassurer : "Pouvez-vous me confirmer que la séparation entre l'Etat et les Eglises reste fondamentale, pour quelque religion que ce soit ?"

Vous avez accueilli un chef religieux qui a instrumentalisé sa visite pour déverser ses positions les plus rétrogrades et patriarcales au sujet des femmes !

Enfin, les mots les plus virulents viennent de la bouche de Caroline Désir, députée socialiste : "Monsieur le Premier ministre, vous avez accueilli un chef religieux qui a instrumentalisé sa visite pour déverser ses positions les plus rétrogrades et patriarcales au sujet des femmes". L'ex-ministre de l'éducation conclut sa prise de parole par cette question au gouvernement : "Avez-vous demandé à votre Ministre des Affaires étrangères de convoquer le nonce apostolique pour dénoncer les propos du chef de l'Eglise ?"

Alexander De Croo interrogé par Sarah Schlitz (Ecolo-Groen).

Alexander De Croo, énervé, passera un "message clair" au nonce : "Ce qu'il s'est passé est inacceptable"

C'est au tour du Premier ministre de prendre la parole et d'assurer d'emblée qu' "aucune visite de la crypte de Laeken n'était prévue" dans le programme : "C'est le pape lui-même qui a insisté pour avoir cette visite de dernière minute pour pouvoir se recueillir devant la tombe du roi Baudouin. J'ai été informé après coup que cette visite avait eu lieu". Une visite qui, pour Alexander De Croo, était censée être "purement privée" ; "mais je prends acte du fait qu'après cette visite, il y a quand même eu des communications officielles du côté du Vatican. C'est donc une visite qui, clairement, était quand même un peu moins privée que prévue..."

Nous n’avons aucune leçon à recevoir...

"Le pape a fait certaines déclarations qui ne sont pas acceptables" déplore ensuite le Premier ministre, évoquant les comparaisons faites par le pape sur les médecins, qualifiés de "tueurs à gage", et la loi de 1990 de "loi mortelle". "Nous n’avons aucune leçon à recevoir sur la façon dont nos parlementaires votent démocratiquement des lois" clame Alexander De Croo, revenant ainsi sur les critiques d'ingérence formulées par les députées juste avant. "Le temps où l'Eglise dictait la loi dans notre pays est, fort heureusement, loin derrière nous".

Le chef de l'exécutif exige du "respect". En premier "pour les médecins, qui font leur travail dans les limites d’un cadre légal. Mais également du respect "pour les femmes, qui doivent pouvoir disposer librement de leur corps, là aussi sans immixtion de l'Eglise !"

Il poursuit sa réponse au Parlement en annonçant qu'il a "invité le nonce apostolique à un entretien". Ce ne sera pas la première entrevue entre les deux : "Je l'ai rencontré deux fois durant mon mandat, juste après l’affaire Vangheluwe", ajoute-t-il.

Alexander De Croo l'assure, son message à Mgr Franco Coppola sera très clair : "Ce qu'il s’est passé est inacceptable".

Enfin, le Premier conclut son intervention en s'en prenant à l'Église elle-même, qui, selon lui, ne s'est pas toujours montrée prompte à agir lorsqu'il s'agissait d'abus sexuels commis par des membres du clergé. "S'il faut s'indigner de quelque chose, c'est bien de ceux qui, par exemple, ont permis que des actes de harcèlement sexuel soient commis, ou de ceux qui n'ont pas agi alors qu'ils auraient dû le faire."

Le discours du chef du gouvernement a été salué par des applaudissements nourris de la Chambre, y compris – fait suffisamment rare pour être souligné – des rangs de l'opposition.

Clément Laloyaux


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