En Occident, l’augmentation des mouvements migratoires au cours des sept dernières années, couplée à une montée en puissance de l’islam radical, divise de plus en plus le monde catholique sur l’attitude à adopter face à ce bouleversement contemporain. Si la position officielle de l’Eglise reste dictée par le message évangélique d’accueil inconditionnel des personnes fragiles, pauvres ou migrantes, les fidèles sont de plus en plus nombreux à être tiraillés entre ce message d’accueil et le désir d’affirmer, voire de protéger une identité chrétienne qu’ils considèrent menacée face à un islam conquérant.
L’arrivée et l’intégration des migrants : un défi !
Depuis plus de cinquante ans, l’Eglise a développé une théologie de l’accueil et de l’altérité. Gaudium et Spes, l’un des principaux documents de l’Eglise catholique issus du concile du Vatican II, signalait déjà en 1965 la nécessité “de subvenir aux misères des réfugiés dispersés dans le monde entier, celle encore de fournir assistance aux émigrants et à leurs familles”. La récente augmentation des mouvements migratoires n’a en rien changé ce positionnement audacieux de l’Eglise – un positionnement qui tranche avec l’image d’une institution repliée sur elle-même et rétrograde, qui lui est parfois accolée.
Le pape François, qui voit dans le migrant l’incarnation contemporaine de la figure du pauvre, n’a cessé de prôner la mise en œuvre de cette théologie de l’accueil et de l’altérité. En 2015, il déclarait ainsi devant le Congrès américain: “Nous, le peuple de ce continent, nous n’avons pas peur des étrangers, parce que la plupart d’entre nous étaient autrefois des étrangers. Je vous le dis en tant que fils d’immigrés, sachant que beaucoup d’entre vous sont aussi des descendants d’immigrés.” Au cours de son dernier voyage à Marseille au mois de septembre dernier, le pape a réitéré sa position, n’hésitant pas à accentuer cette fracture grandissante au sein de la communauté des fidèles.
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Divisés en cinq catégories
Cette dernière est cependant loin d’être univoque. Selon une enquête réalisée en 2018 en France par l’Institut de sondage Ifop en partenariat avec différentes institutions catholiques, les fidèles peuvent être divisés en cinq catégories lorsqu’il s’agit de se positionner sur l’attitude à adopter vis à vis des migrants: les catholiques multiculturalistes, souvent jeunes, diplômés, électeurs de gauche et favorables à la défense des droits des réfugiés et des immigrés; les catholiques libéraux, jeunes eux aussi, très diplômés avec des revenus élevés, favorables à la mondialisation et à la liberté de circulation; les nationalistes sécularisés qui ont des revenus moyens, ne sont pas pratiquants et souvent proches du Rassemblement National; les catholiques en insécurité culturelle qui ont le sentiment de disparition de l’identité française mais restent fidèles à l’autorité papale et enfin les catholiques nationalistes qui sont eux attachés aux "racines chrétiennes de la France" et perçoivent l’immigration musulmane comme menaçante.
Il est intéressant de souligner que les catholiques pratiquants sont souvent ceux qui au nom de la charité seront les plus engagés auprès des migrants, même s’ils affichent une certaine réserve sur l’impact politique des migrations aujourd’hui. Ces derniers vont aussi davantage se restreindre sur l’expression d’un sentiment islamophobe ou xénophobe que les catholiques qui se sont éloignés ou détachés de l’Eglise. Est-ce par obéissance au pape ou par souci de suivre les préceptes de la charité chrétienne? Cela peut être les deux.
Laurence D’HONDT